Memovelo

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Jean-Jacques REBIERE

                             

 

 

 

 

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Entre la Piste et la Route

 

            Lorsque Gérard Berliet, président de la commission « sport » de la Mémoire de Bordeaux, annonce la venue de J.J. Rebière pour une prochaine audition, je me sens pris de court. En effet, engagée depuis l’article « La piste bordelaise » (cf. ici et « Le Festin » n°51, 2004), notre recherche sur les origines de la « pratique bordelaise du vélocipède » nous a conduit, au-delà du temps des pistes et des vélodromes (1868-1922), à découvrir les véritables origines du stade aujourd’hui dénommé « Chaban-Delmas », au commencement, le « Parc des Sports de Lescure », racheté par le maire A. Marquet et baptisé en 1938 « Stade municipal ». C’était alors, un peu comme à Marseille, un stade-vélodrome dont la piste cycliste permit l’éclosion de nombreux talents (les frères Lapébie, les frères Verdeun, plus tard les J. Suire, Cortinovis, Pandelé, B. Bannes, J.J. Rebière, E. Vermeulen…). Cette quête des origines nous a mené vers Pierre-Gustave dit « Georges » Juzan (un des premiers inventeurs de la bicyclette moderne, 1894-95) et vers Georges Cassignard (le premier champion de France bordelais, 1892). Mais, au tournant du XXème siècle, le cyclisme se double d’un autre type de pratique que celle de la piste et du vélodrome : les courses sur route sur de longues distances sont inventées (Bordeaux-Paris et Paris-Brest-Paris, en 1891). Il s’agit d’abord de « ville-à-ville », puis de courses par étapes (le Tour de France, en 1903).

            Cette évolution a généré une coexistence, laquelle sera longtemps source de débats entre « Route et Piste ». Bordeaux, qui fut l’un des foyers de la pratique sportive du vélocipède en France (avec Angers et Grenoble) fut aussi à l’origine des courses de longue distance sur route (avec le Veloce Club Bordelais et Maurice Martin pour le premier Bordeaux-Paris en mai 1891). Cette cohabitation entre la piste et la route a, longtemps, été illustrée, chaque année en juillet, par l’arrivée d’une étape du Tour de France sur la piste de Lescure. Cette tradition connut peut-être son point d’orgue quand, en 1949, Guy Lapébie remporta l’étape arrivant de La Rochelle. Guy, dont le frère Roger avait gagné le Tour de France en 1937, Guy, le coureur de « Six Jours », qui plus est sur une piste où les deux « frangins » avaient fait leurs débuts.

            Un autre moment de l’évolution est à dater de 1986, quand les lois du spectacle du football professionnel ont entrainé la destruction de la piste. A Marseille, par exemple, en 2020, personne ne semble s’étonner d’aller assister à un match de football dans un lieu encore appelé « Vélodrome », où il n’y a plus de piste cycliste depuis longtemps.

Le « pistard bordelais » reprend ses esprits, quand, en 1989 et sous l’impulsion du maire, J. Chaban-Delmas, un vélodrome couvert est édifié dans le quartier du Lac. Ce lieu génère alors d’autres champions et quelques six jours et un championnat du monde (2006) y sont organisés. Jean-Jacques Rebière qui pratiqua sur la piste de Lescure, puis qui fut cadre technique et dirigeant au « Stadium », affirme qu’aujourd’hui « tout le monde est passé par la piste ». Raymond Poulidor, le champion français qui nous a quitté en 2019, n’avait jamais couru sur piste avant de passer professionnel.

            Jean-Jacques Rebière, un des derniers grands Bordelais issus de la piste de Lescure, a mené pendant 12 ans une double activité de pistard et de routier avec quelques beaux succès sur la route (Tour de Gironde, Tour de Vendée, Poitiers-La Rochelle, Bordeaux-Royan…) et une présence en équipe de France sur la piste (plusieurs titres de champions de France en poursuite individuelle et par équipe, un titre de champion du monde universitaire, une médaille de bronze aux championnats de monde et deux participations aux Jeux Olympiques, Montréal 1976 et Moscou 1980). A ce double exercice (dont on examinera les difficultés un peu plus loin), il convient d’ajouter (ce qui, dans ces conditions, n’est pas seulement qu’un diplôme) l’obtention d’une licence en droit.

 

 

 

Un seul club : le Club Athlètique Bèglais

 

 

            A la suite de l’Union Vélocipédique Bèglaise créée après la guerre de 1914-1918, dont le « crack » fut E. Saintemarie, devenu par la suite le beau-frère de Gérard Virol, cette section cycliste indépendante s’intégre dans la grande famille du C.A. Bèglais le 1er juin 1941.

Pierre Mancicidor, licencié footballeur au CAB, « troque les crampons pour les souliers cyclistes ». Il appartient alors à un effectif de coureurs où l’on relève les noms de : Bramard, Latorre et Belobre, auxquels se joindront un peu plus tard : Barrière, Chazaud, Heugas et Taris. En 1944, sur le vélodrome de Lescure, l’équipe du CAB inaugure une tradition en portant le record de Guyenne des 4 km de la poursuite olympique à 4’ 59’’ 2/10, sous la barre des cinq minutes.

            Les progrès venant, Pierre Mancicidor (1922-2014) est attiré à Paris – comme d’autres Bordelais avant lui (les Lapébie, Brizon, Chazaud…) – par le grand club de M. Paul Ruinart, le Vélo Club Levallois. Il y fait la rencontre d’un autre Girondin, Gérard Virol (1913-1996). Ainsi formé le couple de « cariatides » (Mancicidor-Virol) constitue jusqu’aux années 2000 la référence absolue de l’esprit de club des maillots à damiers. De nombreuses générations de coureurs viennent profiter de leurs connaissances et de leurs expériences. Parmi eux, on peut relever les noms de Pierre Nardi et Joseph Cigano.

 

 

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Mancicidor et Virol : les deux "cariatides" du CAB cyclisme. Et, pour ceux qui n'aiment pas le grec ou les Grecs, c'étaient des statues qui dans une architecture soutenaient l'édifice. Certes, féminines... Ici, sur fond de prouesses en béton armé dues à Raoul Jourde.... 

 

 

 

            Jean-Jacques Rebière signe sa première licence au CAB en 1969. Vers ses 15 ans, après avoir tâté du foot et du judo, il a voulu faire du vélo. Mais, la maman est quelque peu réticente. Alors, Serge, le père, met en place une stratégie qui reporte le projet d’une année et promet le vélo pour Noël. A partir de 1970, il commence en compagnie de quelques anciens des « années 60 » - dont J.P. Barbe – à écrire les pages les plus lumineuses du club cycliste bèglais, dont le titre de champion de France en poursuite olympique en 1978 avec D. Bernardi, J.P. Barbe, C. Poutet (G. Debiard remplaçant). Le magazine « France Vélo » (n°123, sept. 78) titre à la rubrique « Aquitaine » : « L’apothéose du Club Athlètique Bèglais ».

 

 

 

Esprit de club, éducation familiale

 

            J.J. Rebière, qui compte 12 ans comme coureur cycliste, reste fidèle à ce club par delà les titres, les sélections en équipe de France et la participation à deux olympiades. Le relais fédéral, le journal « Cyclisme » (n°896, mai 1991) fête « les 50 ans du CAB ». L’auteur de l’article (qui signe Jean-René) cite Mancicidor : « C’est cet esprit de club, l’amitié, une présence permanente auprès des licenciés… ce n’est pas un hasard, voyez-vous, si des garçons ont vingt ans ou trente ans de présence au club… toujours Bèglais de cœur ».

Jean-Jacques raconte ses débuts avec Gérard Virol : le garçon, qui n’a jamais touché un outil, doit apprendre la mécanique. Par la suite, devenu CTR, il sera très vigilant sur la fiabilité du matériel des coureurs qu’il encadre. Une « éducation à l’ancienne » où, le lendemain d’une course, « tu ne comprends pas pourquoi on te fait la gueule ».

            Cette éducation « céabèglaise » s’adosse à celle donnée par la famille.

Longtemps première banlieue bordelaise la plus peuplée (jusqu’en 1931), Bègles a développé en bord de Garonne, à travers une histoire mouvementée, une originalité où se mêlent les traces des grandes religions (place du Prêche et église Saint-Pierre), des évolutions géo-économiques et du travail (des marins pêcheurs et vignerons aux ouvriers et cheminots), des luttes politiques (1ère commune de France à élire une femme maire : Simone Rossignol), de l’industrialisation (deux usines aéronautiques après 1918), des soucis liés à l’hygiène public (Alexis Capelle, la piscine et les bains-douches) et une animation sportive (le CAB et le rugby).

Les parents Rebière (Serge, le père et Gisèle, la mère) sont originaires de Chierzac-Bédenac (17). Comme beaucoup de familles de la Haute-Saintonge plongée dans la forêt, les grands-parents de Jean-Jacques sont venus s’installer dans la métropole bordelaise pour y trouver du travail. Serge Rebière a été champion de France de lutte en 1946. Sélectionné pour les Jeux de Londres en 1948, il ne peut y participer en raison d’un enfoncement des cartilages intercostaux. Par la suite, métreur de profession, il reprend des études pour devenir architecte. Jean-Jacques se rappelle avoir accompagné son père sur les bancs de la Fac’ des sciences. Gisèle, la maman, a élevé trois enfants : Jean-Jacques a un frère de 4 ans plus jeune et une sœur qui était la fiancée de Didier Bernardi, l’un des « 4 » de 1978, victime de cet accident mortel le soir de la nocturne de Bazas…

Il s’agit donc d’un cadre familial équilibré et solide, dont Jean-Jacques nous confie un moment important. En 1976, il rentre du Blanc (36), où il vient de remporter le championnat de France de poursuite amateurs. Il lui prend l’envie de rendre visite à ses grands-parents, là-bas ente La Garde-Montlieu et le Blayais. Il trouve le grand-père dans son jardin. Celui-ci, en le voyant venir, a les larmes aux yeux. Alors, Jean-Jacques ajoute : « on ne se rend pas bien compte de ces choses-là quand on est jeune… »

            Dès la fin janvier de la première année, Gérard Virol a clamé : « à la piste ! », désignant l’objectif du « 1er Pas sur Piste » avant celui de la route. Et, ils se retrouvent à 20-25 sur la piste. Sur la route, les entrainements ont aussi commencé, dès le premier dimanche de janvier avec la sortie de tous les licenciés de la section. Jean-Jacques y tient déjà sa place, mais un grand gaillard l’impressionne : Armenio.

Au cours de cette première saison, il choisit de « partir très fort d’entrée ». C’est ainsi que dans Bordeaux-Castillon et retour, sortis à 5 après Monrepos, ils ne sont bientôt plus que trois après la côte de Branne et, avant Monrepos à nouveau, il est tout seul. Mais, dans la côte de l’Empereur 5 ou 6 coureurs le passent. Il est presque à l’arrêt et finit 6ème ou 7ème après avoir passé 90 km devant…

La première course qu’il gagne, c’est à Monségur en 1970. C’est sa deuxième saison. Absents, ses parents l’ont confié à M. Ruffet, dont le fils court avec Jean-Jacques. Comme souvent, Rebière lance la course dès le départ. Il se retrouve échappé en compagnie du fils Ruffet et de Pujol, puis il termine détaché.

 

 

Premières marches vers le succès

 

 

 

            Au cours de cette période, J.J. Rebière, qui est élève à l’Ecole Saint-Genès à Bordeaux depuis le CM2, s’est avancé jusqu’au Bac. D. Il entreprend ensuite des études de droit, lesquelles sont parfois freinées par les stages et les compétitions avec l’équipe de France (il obtient la licence en droit en 1977).

Depuis 1970, il est champion d’Aquitaine en poursuite individuelle. Déjà, en 1971, à Roubaix, il est monté avec l’équipe du CAB (Armenio, JP. Barbe, C. Poutet) sur la 3ème marche du podium du championnat de France de poursuite olympique (1. ACBB 2. Pédale Madeleinoise).

 

 

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Rebière, Barbe, Berthomet, Armenio, 4 solides gaillards ("Nous sommes des drôles aux larges épaules...", Colette Magny),  bien que sur la troisième, ils sont en marche vers la première...

 

 

 

En 1972, sur la piste du vélodrome de Bayonne et sous les yeux de Paul Maye, il est champion d’Aquitaine de poursuite olympique en compagnie de JP. Barbe, Berthomet et Devert

 

 

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 Un titre en Aquitaine : sur le vélodrome de Bayonne, Barbe, Rebière, Berthomet et Devert encadrent - une fois n'est pas coutume - Virol et Mancicidor. Et, Paul Maye, qui est de cette génération...préside.

 

 

En 1973, il termine le service militaire commencé à Hyères puis achevé à Mérignac (Base 106). Il a déjà connu une première sélection avec l’équipe de France, il est monté à Paris « le vélo à la main et la valise dans l’autre ». Il a 20 ans et ne connait pas le métro…

Ce premier stage avec l’équipe de France le confronte avec cette autre réalité qui ne la quittera plus : les « Parisiens » et la Cipale (9m de large), sur laquelle il existe en haut des virages une sorte de replat : « mortel ! quand il s’agit de replonger du virage après un relais pour revenir dans les roues… » Un peu écoeuré, il l’avoue à Toto Gérardin, lequel le laisse revenir sur Bordeaux, où il croit pouvoir profiter de la grosse perm’ que sa sélection lui a fait obtenir… malencontreusement repéré du côté des plages, il est rappelé à l’ordre et doit retourner chez… le coiffeur !

La reprise avec le club « France » semble dater de la fin 1973 où, du côté de San Sebastian (là où, bientôt, il aura – presque - sa cabine), il retrouve l’entraineur national Gerardin, mais aussi Trentin et Morelon. A l’évocation de ce nom, Jean-Jacques laisse échapper : « Morelon, un grand Monsieur ». Cette saison 1973 est marquée par la victoire d’Hervé Florio dans le championnat de France sur route amateurs et F. Duteil (2) et A. Cigana (3) complètent le podium. Sur la piste, en vitesse, Morelon bat Pontet et, en poursuite, J.J.Rebière  (5’ 29’’6) échoue face à Mongeard (5’19’’7). L’année suivante, il ne sera que le troisième pour un titre remporté par… Bernard Hinault.

En 1975, l’étudiant en droit Rebière devient, à Montauban, champion de France ASSU de poursuite individuelle. Il gagne à Lescure la Coupe de la ville de Bordeaux et prend la troisième place du championnat de France de poursuite amateurs derrière : 1. Paul Bonno 2. Maximilien Mongeard. 

 

 

 

1976, le début de la consécration

 

 

 

            C’est dans l’Indre, sur le vélodrome Albert Chichery au Blanc, que Jean-Jacques Rebière devient, en 1976, pour la première fois champion de France amateur de poursuite individuelle en 4’57’’32 en battant en finale Brouzes (IdF). Le troisième est Muselet. Il est intéressant de noter que ce même titre est acquis en 1976 par A. Bondue en juniors et par B. Hinault, chez les « pros ».

A Caen, pour les championnats de France scolaire et universitaire (ASSU), Jean-Jacques remporte deux titres :

. en poursuite individuelle, l’étudiant de la Fac’ de droit de Bordeaux a battu un « certain » Bouvet de l’université Paris V, rejoint après 3,9 km ;

. en « individuelle ».

Mais, 1976 c’est aussi l’année des Jeux Olympiques à Montréal pour lesquels J.J. Rebière est sélectionné. Il se classera 11ème dans le tournoi de poursuite individuelle

Au regard de ces événements, de ces résultats et des moments de préparation qu’ils ont exigés, on reçoit la victoire sur la route dans le Tour de Vendée comme la confirmation des grandes capacités du coureur cycliste Rebière. Le classement étaye notre propos : 2. Toso (ACBB) 3. Le Breton (RACC) 4. Bernaudeau…

 

 

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 La Roche sur Yon : après l'effort, de l'eau plate... mais nous tairons la source.

 

 

1977 :

            L’année est encore mieux remplie. A Bordeaux, le Bèglais J.J. Rebière rate de peu le « hat-trick ». En effet, après avoir gagné le titre en poursuite individuelle (devant Nozaïc et Bonno), puis celui de la course aux points (devant Dufour et Boulet), il doit se contenter, en compagnie de JP. Barbe, Bernardi et Poutet, de la deuxième place derrière l’ACBB (Herbelan-Bericheri-Brouzes-Coquillaud) en poursuite « sociétés » (olympique). Le CC Saint-Médard-en-Jalles (Lubiato-Garmendia-Cordoba-Vermeulen) prend la troisième place.

A nouveau sélectionné par R. Marillier et G. Quintin, Rebière est ensuite aux championnats du monde à San Cristobal (Vénezuela). En poursuite individuelle, il est éliminé en série par le Hollandais Ponsteen qui réalise 4’50’’31. En poursuite olympique avec l’équipe de France (Rebière-Bonno-Grondin-Dufour), il obtient la 15èmeplace en 4’49’’33 (1. R.D.A. en 4’24’’99/100) et, lors de l’individuelle, classé 8ème en série, il doit se contenter de la 16ème place en finale (1. Tourné (B) les 90 km en 1h 23’ (!) 2. Fallyn (Pol.) 3. Makarov (URSS).

 

 

 

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 Sur fond de Cipale (et de bois de Vincennes), la délégation française pour San Cristobal (Rebière et Vermeulen, tout fait à droite, debout Quintyn et Marillier)

 

 

Le 18 octobre sur la piste couverte de San Sebastian, il améliore le record amateur français de l‘heure (détenu par Girollet avec 42,762 km) en réalisant 45,014 km (record du monde détenu par Ruegg (S.) avec 45,587 km). 

            A côté de cette saison sur piste bien remplie (Jean-Jacques a aussi gagné l’individuelle du championnat de France ASSU à Loudéac), le coureur bèglais remporte trois belles courses sur la route :

-       Les Boucles Bergeracoises

-       Le Grand Prix de la Victoire à Libourne (2. Szkolnik)

-       Le Tour des Landes Girondines (2. Bajan)

Le journal « Cyclisme » (n°330, 20 mai 1977) publie photo et article sur le 5ème Tour des Landes Girondines. On peut y lire : « Cette victoire est d’autant plus sympathique, et réjouira tous les amis de Rebière, que c’est la première fois que Jean-Jacques triomphe à Mérignac. Il faut dire que cette ville de la banlieue bordelaise lui est particulièrement chère puisque c’est là qu’il convola en juste noce avec la charmante Melle Castaing ».

 

 

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1978 = la « grande année »

 

 

           Nous l’avons relevé : « France Vélo » titre « L’apothéose du Club Athlètique Bèglais », mais « Cyclisme » (n°385, 25/8/78) annonce : « Record en Aquitaine. Trois titres de champion de France 1978 pour un seul club : le C.A. Bèglais ».

  

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 Bien rangés à côté du maître (lui aussi en couleurs) : Poutet-Debiard-Bernardi-Barbe-Missègue-Rebière;

 

 

 

En août, à Montauban lors des championnats de France amateurs sur piste, J.J. Rebière réalise enfin le « triplé » : Poursuite individuelle – Course aux points – Poursuite par équipes. Pour la troisième fois, il est sacré champion de France de poursuite individuelle et son second s’appelle Alain Bondue. Dans la course aux points (« l’individuelle »), il l’emporte devant Lagrange, Brouzes et JP. Barbe, en effectuant les 30 km en 40’ 16’’ 22. Enfin, l’équipe du CAB (Barbe-Bernardi-Poutet-Rebière) qui est déjà monté sur le podium (3ème en 1973, 2ème en 1977) devient championne de France de poursuite olympique en 4’ 56’’ 32 battant la Flandre-Artois (2) et l’ACBB (3).

Cependant, Jean-Jacques Rebière ne s’arrête pas en si bon chemin. Présent avec l’équipe de France aux championnats du monde sur piste à Munich, il y remporte la médaille de bronze dans la course aux points, « la seule médaille française » dira le président Bousquet. Classement : 1. Noël De Jonckheere (B) 2. Baumgartner (S) 3. Rebière (F) 4.  Oersted (D) 5. Ozokin (URSS). 

 

 

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 "Un Français à Munich"...

 

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 Une médaille de bronze, Gérard Quintyn sait apprécier, lui qui a grandi derrière M.M. Morelon et Trentin.

 

 

Dans ces mêmes championnats, il est éliminé en série de la poursuite par Pizzoferrato (I), lequel réalise 4’ 48’’ 77 contre 4’53’’37 pour Jean-Jacques. En poursuite olympique l’équipe de France (Bondue-Harment-Bonno-Rebière) est battue en quart de finale par l’URSS.

En octobre, « France Vélo » (n°124) titre : « Quatre médailles trop discrètes ». Il s’agit du gain des Français aux premiers championnats du monde universitaires qui se sont déroulés en septembre à Anvers. Les quatre Français présents : Biscay, Dépine, Dangleterre et Rebière sont revenus avec 4 médailles. Jean-Jacques devient champion du monde universitaire de poursuite individuelle en battant Makarov (2), qui avait fait 6ème à Munich, et Bacharov (3), réalisant son meilleur chrono de la saison en 4’52’’53.

A ce tableau de chasse sur la piste, il convient d’ajouter les deux nouveaux records de France réussis à Bordeaux sur la piste de Lescure le 30 juin, soit 4’59’’45 sur 4 km et 6’14’’80 sur 5 km (effaçant les anciens records détenus par B. Darmet).

La victoire sur la route de Jean-Jacques dans Poitiers-La Rochelle (2. Chaumet) apparait ainsi comme la cerise sur le gâteau et ravive le souvenir exquis que le pistard est aussi un routier.

 

 

 

« L’année qui suit »

 

           Les années 1976-77-78 sont celles qui constituent le faîte de la carrière de J.J. Rebière, poursuiteur sur la piste. 

En 1979, en Normandie à Alençon, le jeune Alain Bondue (20 ans cette année-là) ravit à Jean-Jacques (27 ans) le titre de champion de France de poursuite individuelle. Le troisième se nomme alors Pascal Poisson.

 

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 Les pages 76-77-78 sont tournées : sur la plus haute marche, un bel épis du nord a germé, Alain Bondue. Jean-Jacques fait face et Pascal (Poisson), lui, un peu la grimace...

 

  

 

Cette même année, trois amateurs aquitains se retrouvent à la deuxième place du podium des championnats de France amateurs : Rebière (poursuite seniors), Duteil (route), Pandelé (poursuite juniors).

           Aux championnats du monde à Amsterdam, sur une piste en ciment de 494,14m conçue pour les J.O. de 1928, le Russe Makarov l’emporte et Alain Bondue termine 3ème. En poursuite olympique, l’équipe de France (Bondue-Poisson-Harment-Rebière) déçoit.

           Sur la route, J.J. Rebière gagne le Grand Prix de Pau devant Hernando (2), J. Becaas (3), Dithurbide (4).  Il participe au Grand Prix des Nations remporté par Phil Anderson et où A. Bondue se classe 4ème et Jean-Jacques 10ème.

 

           En 1980, les championnats de France ont lieu à Lyon, au vélodrome de la « Tête d’or » (333,33 m). Le titre de la poursuite individuelle amateurs revient encore à Bondue (4’53’’57) qui bat Jean-Jacques en finale, le troisième est Chevallier, le 4ème Poisson. Un autre Aquitain conquiert une médaille d’argent, il s’agit de Bruno Bannes, vainqueur du « Km » devant Recolet. En poursuite par équipes, l’ACBB bat l’Aquitaine pour la troisième place : 4’49’’53 contre 4’50’’31… (le titre va à Flandre-Artois : Bondue-Limousin-Lorgosz-Lecroq en 4'434’’6 devant l’ASPP 4’51’’31).

Jean-Jacques Rebière est à Moscou pour les Jeux Olympiques, dans lesquels la France, 5ème en poursuite olympique, est éliminée d’un souffle pat l’Italie en ¼ de finale : 4’18’’58 pour 4’18’’27… (la médaille d’or est pour l’URSS).

L’entraineur national, G. Quintyn, s’interroge. Depuis quatre ans, il a bâti une équipe sur quatre coureurs de gabarit identique (Bondue-Poissson-Rebière-Harment) auxquels se sont joints Chevallier et Dury. Une olympiade donc, c’est quatre années d’effort et, déjà, A. Bondue semble s’orienter vers une carrière professionnelle. Et, lors du Grand Prix de Paris disputé à la Cipale, une équipe de France A (Bondue-Poisson-Rebière-Chevallier) en 4’36’’70 domine une équipe de France B (Dury-Harment-Garnier-Pandelé). Après 1980, Lucien Bailly succède » à Richard Marillier au poste de Directeur Technique National de la FFC.

           J.J. Rebière, qui est dans sa vingt-huitième année, gagne en 1980 deux belles courses sur route : le Tour de Gironde et Bordeaux-Royan.

Après avoir interrogé Gérard Virol parce qu’il était en panne de compétitions, Jean-Jacques apprend qu’il pourrait intégrer l’équipe de l’Auto-Vélo-Club Libournais (l’AVCL chère à Guy Bannes) engagée dans le Tour de Gironde. Et, selon ses dires, il se rend au rendez-vous du départ sur le parking du « Géant Casino » au Pont-de-la Maye. Ensuite, il gagne l’étape contre la montre et réussit à conserver le maillot de leader jusqu’à l’arrivée :

  1. Rebière 2. Bouligaut 3. Felix Urbain 4. Mario Verardo…. 7. Bernard Pineau

 

Tout s’est passé comme si, avec l’âge, le rouleur-poursuiteur était entré dans la phase « endurance » de son évolution physiologique, évolution peut-être plus favorable sur la route que sur la piste, où priment surtout le punch et le dynamisme de la « jeunesse ». Ceci étant dit, nous ne serions ignorer d’autres changements, comme ceux qui s’opèrent au plan mental et de la motivation, dans la conscience d’un coureur dont la carrière pourrait bientôt se terminer. 

Dans Bordeaux-Royan, J.J. Rebière nous raconte l’odyssée d’un coureur isolé et confronté à de fortes équipes, comme les « Talençais », par exemple. Après avoir « mis le feu au lac » du côté de Braud-et-Saint Louis, il remet ça après Mortagne/Gironde. Une échappée se dessine, dans laquelle il se retrouve avec Hervé Bidou, Duteil, Mercadier et Besse. A voix basse il nous confie : « ils ont roulé avec moi parce qu’ils n’ont pas eu le temps de se parler ». A l’arrivée à Royan, il gagne un sprint à 3 : 1. Rebière 2. Duteil 3. Meriadeck.

  

 

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 Sur la piste, Jean-Jacques Rebière dit mettre : 51x15 voire 52x15. Peut-être, sur la route, met-il une dent de moins pour relancer ?

 

 

 

 

Profession et reconversion

 

 

 

           A la fin de la saison 1980, J.J. Rebière, conseillé par Lucien Bailly, le nouveau D.T.N. du cyclisme français, opte pour le poste de C.T.R. du comité d’Aquitaine. L’étudiant en droit mais aussi le coureur de haut-niveau astreint à de nombreux stages et de longs déplacements, qui a mis six ans pour décrocher sa licence (en 1977), n’a plus envie de reprendre ces études.

Mais, il a le goût pour ce qu’il appelle « l’encadrement » et, peut-être, l’ a-t-il hérité de ce club qu’il n’a jamais quitté et où il a déjà prodigué ses conseils. Ce poste « Jeunesse et Sports » se décompose en deux volets : l’un est consacré au comité d’Aquitaine et l’autre à l’encadrement des élèves du CREPS  qui préparent le professorat-adjoint d’EPS (option « cyclisme ») ainsi que quelques coureurs admis à préparer le Brevet d’éducateur sportif. Jean-Jacques succède sur ce poste à Jean-Claude Moussard (1937-2014).

           Dans le cadre de son propre Brevet d’Etat, Jean-Jacques Rebière a écrit un mémoire sur la complémentarité entre la piste et la route. Aussi, ma question (naïve sinon idiote), qui l’interroge sur les traces respectives dans son palmarès laissées par l’une et l’autre de ces formes de cyclisme, retombe à plat quand Jean-Jacques me répond : « je faisais quand même 90 jours de course sur route dans une saison » et lorsqu’il ajoute : « j’en ai gagné quelques belles : le Tour de Gironde, le Tour de Vendée, Bordeaux-Royan, Poitiers-La Rochelle… » Il aurait tout aussi bien pu insister sur les stages de préparation et les voyages avec l’équipe de France de piste pour participer à des compétitions internationales. Ici, comme ailleurs, les absents ont toujours tort. 

           Cela ne l’a pas, non plus, empêché d’aimer diriger cette « équipe de France interrégion » au tour de Normandie et dans le Ruban Granitier Breton. L’occasion pour lui d’évoquer le souvenir d’Armand de Las Cuevas (1968-2018). Cadet, il s’endormait sur le banc cinq minutes avant le départ de sa série et « il était encore en train d’ajuster son casque à la sortie du premier virage ». Au Ruban Granitier Breton (qu’il gagne en 1988), Jean-Jacques Rebière est derrière le coureur dans la voiture en compagnie de Jean Bobet (« M. frère ») et ils admirent la « mécanique ». Jean-jacques a, alors, cette remarque – pas si légère à la réflexion – « en fait, Armand marchait au moral… »

           A propos de la piste, le CTR Rebière tient un discours à la fois clair, simple et concret.

Sur la piste, « on apprend à accélérer sans toucher le braquet et à accélérer assis. On apprend aussi à anticiper et à se placer dans un peloton. Il faut savoir surgir au dernier moment et courir « décollé ». S’agit-il de rouler ou de sprinter ? qu’importe : « c’est le point de mire qui est important ». Nous lui avons déjà fait dire : « les jeunes (minimes, cadets) le savent déjà, cela prouve que c’est fondamental ! »

 

 

 

Enseigner la piste JJR.jpg

 

Pour enseigner "la piste", mieux vaut en avoir partagé les secrets et épousé les formes : ici, Jean-Jacques, descendu du virage accélère sans toucher le braquet (sic) et il va "coiffer" ses adversaires, déjà "à fond".

 

 

A aucun moment, Jean-Jacques n’oublie de citer son « alter ego » sur la piste à Bordeaux : Eric Vermeulen, l’homme du Km (5ème aux J.O. de Montréal).

           En 1991, il passe le concours du professorat de sport. Puis, il entame une autre carrière à la direction régionale de la Jeunesse et des Sports à Bordeaux. Sous l’autorité du directeur régional J.P. Loustau-Carrère, il a la charge des brevets d’Etat qu’il organise avec les cadres techniques des fédérations. Malgré le scepticisme de son directeur, il devient Président du comité de Gironde et ce, pour trois mandats (1993-2008). Jean-Jacques Rebière résume aujourd’hui ce panorama professionnel par une formule : « 3 x 12 », soit trois périodes de 12 ans chacune : Coureur, Cadre technique, Cadre de la Jeunesse et des Sports.

 

 

 

« Nuit et jour à tout venant

  Je chantais, ne vous déplaise. »

                                              (La Fontaine, « La cigale et la fourmi »)

 

 

           Nous ne lui avons pas demandé, mais il s’est fait un devoir de nous le dire : « Je ne voulais pas être « Pro »…  Nous avons quand même essayé la question : « et, pourquoi ?... »

           Jean-Jacques exhibe alors un mot : « microcosme ». Et, il ne nous semble pas qu’il ignore la définition de ce mot qui, selon Wikipédia, « désigne un groupe restreint détaché du reste de la société ». Il n’ignore pas non plus ce qui caractérise cette situation et cette condition. Et, pas plus, il n’est question d’aborder tous ces sujets qui fâchent ou excitent ceux qui croient savoir.

           Son propos gagne en pertinence encore quand il s’interroge : « comment avoir suffisamment de recul ? » et, c’est bien des coureurs professionnels dont ils s’agit : « Ils sont entourés en permanence… entourés, encerclés voire harcelés.. » Alors, « comment résister ?.. N’y a-t-il qu’une façon de faire partie du « club » ?

Même si nous n’avons pas toutes les réponses (voire aucune), nous avons senti à ce moment une voix sûre d’elle-même et de son choix. Douze ans licencié au CA Bèglais, Deux Olympiades, quelques beaux titres et des médailles, amateur… pour le plaisir.

 

           En 1975, Jean-Jacques a épousé Danièle. Ils ont eu une fille et un garçon et, aujourd’hui, ils sont les grands-parents de deux petites-filles. 

Au modèle de la famille est venu s’ajouter celui de la chorale. Danièle pratiquait le chant choral depuis plus de vingt ans. Alors, Jean-Jacques s’est souvenu des séances avec le père Boulesque, le prof’ de français à Saint-Genès. La chorale était baptisée « les petits chanteurs à la croix de Lorraine » et, vers 11-12 ans, Jean-Jacques était « soprano ». Puis, il y a eu le sport et « ma voix a muté ».

A partir de 2014, ils pratiquent ensemble le chant choral. Quand je cherche, inutilement, le lien entre vélo et chant choral, Jean-Jacques ne me laisse pas respirer et déclare : « j’ai toujours tout donné dans les épreuves par équipe ! » 

 

 

 

 

Butgen RFA JJR.jpg

  

A Butgen (RFA), le champion du monde universitaire (Amsterdam, 1978) a glané quelques fleurs. Comme il aime : à la fin de l'individuelle, tout seul mais soutenu par le public emballé, il a tenu bon jusqu'au bout.  

 

          



11/07/2020
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