Memovelo

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Chantal BROCA

 

 

            A l’enseigne d’A.S.O., on multiplie les célèbrations. En juillet 2013, pour l’année du 100ème Tour de France, 14 autocars transportant les anciens « Géants du Tour » effectuent la boucle des Champs-Elysées, avant de les ranger dans une tribune qui leur est destinée. Cette année (27 juillet 2014), l’arrivée de la dernière étape du Tour sur le circuit des Champs-Elysées est précédée par une épreuve cycliste féminine internationale.

Quelques jours avant cet événement, le quotidien sportif national « l’Equipe » (qui appartient à la même société) publie dans « les séries de l’été », cinq jours durant (du 21 au 25 juillet) « les grandes championnes cyclistes » (Lily Herse, Corinne Carpenter, Maria Cannins, Leontien Van Moorsel, Pauline Ferrand-Prévost).

            « La course by le Tour de France » (aux Champs-Elysées !) a été décidée par « A.S.O. » quelques mois après une pétition signée par plusieurs championnes (Marianne Vos, Katryn Bertine, Emma Pooley et Chrissie Wellington). Une pétition qui a recueilli 90 000 signatures sur internet. L’annonce de l’événement coïncide avec la « Journée du sport féminin » imaginée par le Ministère des Sports. Le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme ne rate pas l’occasion de rappeler que « A.S.O. est impliquée de longue date dans le cyclisme féminin : depuis 1998, la «Flèche Wallonne » et, depuis 2009, le Tour du Quatar ». Et, Brian Cookson, le président de l’U.C.I., n’hésite pas à y voir « un formidable pas en avant ». De son côté, Marianne Vos, la championne olympique, s’enthousiasme au point de qualifier  cette organisation de « révolutionnaire ».

            Pourtant, nous sommes encore loin de ce premier Tour de France féminin (6 étapes) de 1955, remporté par une certaine Millie Robinson, dans lequel Lily Herse prend la 4ème place. En 2014, il s’agit d’un criterium (13 tours, 89 km), un « lever de rideau », en quelque sorte. Or, entre 1984 et 1989, un Tour de France féminin a existé dans des conditions difficiles dues d’abord aux règlements du cyclisme amateur et, aussi, aux idées reçues sinon aux préjugés. Existence rendue éphèmère aussi par d’autres réalités : pas ou peu de sponsors et très faible couverture médiatique (l’un va difficilement sans l’autre).

            A propos de cyclisme féminin, chacun peut aussi se rappeler l’échange « musclé » (et télévisé) entre Jeannie Longo et Marc Madiot. Paix à son âme, Laurent Fignon, pourtant l’élève d’Irène Frain et l’auteur (avec J.E. Ducoin, Grasset, 2009) de « Nous étions jeunes et insouciants », n’a jamais caché qu’il préférait « voir les femmes ailleurs que sur un vélo ». Que penser alors de l’étonnement (feint ?) de Georges Pompidou, lors du salon du cycle 1972,

« ça existe, le cyclisme féminin ? »

Aussi, quand « Manu » Castro, plâtrier de métier et éducateur de l’école de cyclisme du C.A . Bègles, nous informe que dans le village où résident ses parents, vit une viticultrice et ancienne cycliste du nom de Chantal Broca, nulle hésitation ne nous retient d’étudier le sujet.

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 Chantal Broca, Equipe de France de cyclisme,  gagnante de Paris-Bourges en 1985. Ici, avec ce "petit noeud rouge dans le cheveux" (Béatrice Massenet) pour réjouir un peu la tristesse du casque noir.

(la photo est issue du livre "Paris-Bourges, les 100 ans d'une classique" de Ch. Benz, éd. Marivol, 2013)

 

 

 

            Présentation :

 

            Chantal Broca est née le 18 juin 1959 à Langon. Elle est donc de la génération de Laurent Fignon (né le 12 août 1960). Elle a couru et terminé trois « Tour de France » féminin (1984 = 9ème, 1985 = 6ème, 1986 = 30ème). Bien que sa carrière sportive (1981-1988) soit relativement brève, sa trajectoire existentielle nous paraît tout à fait représentative du sport féminin en général et de l’émergence d’un talent dans cet espace géographique désigné par le vocable « Sud-Gironde ».

Fille de parents qui vivent en bord de Garonne à Toulenne, dont le père est ébéniste et la mère d’origine italienne (Mercurio en Calabre) travaille pour une usine de chaussures, Chantal a une sœur plus âgée qu’elle (12 ans) qui a fait sa vie au Luxembourg et qui est , professionnellement, éducatrice pour enfants handicapés.

Dans les années qui suivent la naissance de Chantal (1959), les parents Broca héritent d’une propriété viticole (entre Landiras et Illats). Ils changent de vie et deviennent viticulteurs. Le père de Chantal – aujourd’hui décédé – aimait le sport. Il avait pratiqué l’aviron à Langon à un bon niveau, mais il craignait le vélo, qui lui semblait un sport dangereux.

De sa scolarité, Chantal a ramené le brevet. Mais, c’est à l’âge de 24 ans, alors qu’elle est en pleine activité cycliste, qu’elle reprend ses études pour suivre, en deux ans, une formation agricole pour adultes, dispensée conjointement par le lycée agricole de Blanquefort et le lycée professionnel de la Tour Blanche, à Bommes. Cette formation lui permet de recevoir une dotation pour s’installer. « Quand mon père est tombé malade, il a bien fallu que quelqu’un s’occupe des vignes… »

 

            Le vélo, alors comment ?

 

            Elle a toujours aimé faire du sport. Toute petite, il y a déjà ce vélo acheté par le grand-père. Puis, vient la danse classique où, malgré la sévérité du professeur, elle va avec plaisir. Elle aime bouger avec son corps et c’est pour elle une autre façon de parler.

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 Le premier vèlo, celui que le grand-père, qui n'en avait jamais fait, a voulu pour sa petite-fille. 

Mais, le sport avec ses efforts, c’est d’abord la course à pieds. C’est « la base de mon sport », ensuite, « j’ai dérivé vers le vélo ». Plus tard, c’est le fondement de sa préparation hivernale. A Gujan-Mestras, elle remporte la course de 3100 m réservée aux « non-licenciés » dans le cadre du cross organisé par le journal « Sud-Ouest ». Elle est alors sélectionnée pour celui du « Figaro », où elle n’est jamais allée…

 

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 Gujan, le cross de "Sud-Ouest", Chantal (maillot blanc, au centre de la photo) est partie pour 3km à pied.

            Le cadre de vie est, aussi, déterminant. De ses parents viticulteurs, elle dit au journaliste : « je travaille avec eux toute l’année, car nous n’avons pas d’ouvriers, sauf pour les vendanges ».

            Rémy Pigois, dans « les petites reines du Tour de France » (éd. Bontemps, 1986), raconte comment elle a décidé, un jour, de vendre sa mobylette pour acheter une bicyclette. Et, à J. C. Dupouy, qui l’appelle « la petite Langonnaise », elle avoue : « je ne savais pas comment occuper mes moments de loisirs, alors j’ai troqué mon vélomoteur contre un vélo de course ». Elle s ‘achète un vélo de course parce qu’elle trouve ça « joli ». Au début, ce sont de longues courses en solitaire au hasard des routes de la région. Pratiquement, tous les jours, « surtout en hiver où la vigne me prend moins de temps ». Cette mutation reçoit l’adhésion spontanée de sa maman, qui sera par la suite la première supportrice de son enfant.

            Puis, le cousin Michel lui fait prendre une licence au S.C. Caudrot, où lui-même est licencié. La première année, en 1980, elle ne fait pas de compétition. Mais, elle a commencé à rouler avec les garçons. Bientôt, ce sont les sorties avec le Dr. Dulou (il était très dur : « marche ou crève ! », mais quand il voyait qu’on s’accrochait… alors il changeait), les autres s’appellent Claude Magni et Francis Castaing : quel encadrement !

 

            Les débuts en compétition :

 

            Chantal Broca est une cycliste tardive : elle a un peu plus de 21 ans quand elle remporte « la course de classement de l’U.S. Brèdoise », le 21 mars 1982. Elles sont 13 féminines au départ. Deux filles s’échappent et laissent les autres à six minutes : Chantal, qui a signé à Langon et Virginie Lafargue de La Teste. Cette première victoire, Chantal la renouvelle le dimanche suivant, puis les courses s’enchaînent.

Du 10 au 12 avril, elle prend part au Tour du Val de Sèvre et de Gâtine (Niort) en 4 étapes, où elle se classe 29ème au général d’une épreuve remportée par l’Américaine Betsy King. Le 1er mai, elle gagne à St. Christoly-de-Blaye.

 

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 Peloton féminin en Val de Sèvre, avec au centre Betsy King et sa mèche et, trois filles derrière elle, Chantal Broca et son casque.

 Au championnat régional (Aquitaine) qui se déroule dans la région paloise (Morlaas), « la Langonnaise Broca », échappée au cours du 2ème des 7 tours, après 40 km seule, l’emporte avec plus de deux minutes d’avance devant G. Labarthe (Tarnos) et Lamaignères (Mont-de-Marsan). L’article de presse souligne ses « courage, audace, intelligence de course ».

 

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 Morlaas, 1982, un an après ses vrais débuts : la gerbe et le maillot de championne d'Aquitaine.

             Hors région, elle poursuit son apprentissage au niveau national :

 - 4 jours dans le Finistère, pour la « Hermione d’Armor » : elle finit 15ème au général (1. Evelyne Breyton) ;

 - fin juillet, à Bressuire, lors de la semaine fédérale, pour le championnat de France féminin que Jeannie Longo remporte pour la 4ème fois, elle se classe 38ème  sur 58 partantes et 42 arrivantes. Mais, une bouche d’égout lui occasionne une crevaison et elle recolle toute seule au peloton. A l’arrivée, une mauvaise surprise l’attend : s’étant arrêtée du mauvais côté pour réparer, elle écope d’une amende de 100 F !

 

 1983 :

            A La Teste-Cazaux, le 9 avril, la « néo-Marmandaise » Chantal Broca gagne un contre-la-montre féminin de 9,6 km en 15’ 40’’, 2. Ch. Chêne 3. V. Lafargue 4. G. Labarthe.

Puis, sur le vélodrome de Lescure, elle s’octroie le titre de championne d’Aquitaine en poursuite individuelle, en 4’23’’72 (3 km) devant Virginie Lafargue 4’26’’27 et Brigitte Beney 4’29’’6. Ce qui la qualifie pour les championnats de France sur piste à Besançon au mois de juillet.

 

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 Championne d'Aquitaine de poursuite individuelle dans un vélodrome désert, grillagé et maquillé de publicité par "le grand spectacle du football professionnel". Solitude du coureur de fond ?

Elle prend part à nouveau au Tour du Val de Sèvre et Gâtine dans une équipe d’Aquitaine composée de Bernès-Broca-Gorostéguy-Lafargue et les sœurs Merlos, encadrée par Yves Perpignan et Chantal Puig. Lors de la deuxième étape contre-la-montre, Chantal est 2ème et Virginie Lafargue 4ème. Au final, l’épreuve est remportée par Guichard et Broca se classe 8ème juste derrière Damiani. L’équipe d’Aquitaine est classée 2ème par équipes derrière celle du Dauphiné-Savoie.

 

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 Les filles d'Aquitaine de "papa" Perpignan, deuxièmes par équipes au Tour du Val de Sèvre et Gâtine 1983.

A Barsac, au Grand Prix « Europe » où féminines et cadets concourent ensemble et où J.M. Roncin (Nérac) gagne, Chantal Broca « mène la vie dure aux garçons » et termine 1ère féminine.

 

 

 1984-1985-1986 : l’aventure du Tour de France féminin

 

            Certes, il y avait eu un premier Tour de France cycliste féminin en 1955, organisé par J. Leulliot. Mais, c’est en 1984 – soit 80 ans après le premier Tour de France masculin – qu’une épreuve portant le même nom est mise sur pieds par F. Lévitan, dans un contexte difficile.

En effet, 1984 c’est aussi la date de la première apparition d’une épreuve cycliste féminine sur route au programme des Jeux Olympiques organisés à Los Angelès. Les Etats-Unis organisent aussi une grande épreuve pour les femmes : le Tour du Colorado. Mis à part les championnats du monde depuis 1958, il n’y avait guère pour les femmes d’autres grandes épreuves internationales.

A ce moment, la F.F.C. compte 1550 licenciées, dont une vingtaine seulement peuvent prétendre au niveau international. Malgré les titres mondiaux acquis successivement par Geneviève Gambillon (1972, 1974) et Josiane Bost (1977), les courses sont rares.

En raison de la proximité des Jeux Olympiques, l’élite mondiale n’est pas au rendez-vous de cette première édition, qui n’en constitue pas moins un véritable événement.

L’hebdomadaire « La Vie » (12-18/7/84) titre : « Elles courent, elles courent les cyclistes » et dans un billet pour le journal « l’Equipe », l’humoriste Jean Amadou feint (lui aussi !) de s’étonner : « un Tour de France féminin… en voilà une idée ! » Et, ici ou là, on peut relever des formules telles que celles-ci : (c’est une) « une victoire sur la misogynie du monde de la pédale » ( !) ou « intrusion des femmes dans l’un des fiefs de la misogynie ». De leur côté, les filles (dont Ch. Broca) déclarent (vouloir) « montrer au moins qu’on existe… pour l’instant, les gens nous regardent un peu comme des bêtes sauvages ».

 

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 Six filles sur une "quintuplette" (le photographe n'a pas trouvé de sextuplette..?) : le "Six" de l'équipe de France pour le Tour 1984 : Diart-Broca-Lutz-Simonnet-Le Gal-Potereau, soit Nathalie-Chantal-Corinne-Valérie-Corinne et Marie-Françoise. 

            Cependant, l’organisateur se heurte à un « règlement anachronique » qui dit : « pas plus de 4 jours de suite » et « moins de 60 km par étape ». Finalement, une dérogation accordée par la FFC permet la mise sur pied d’une épreuve en 18 étapes et 5 jours de repos entre le 30 juin et le 22 juillet 1984. Cette « première » se fait « dans la discrétion » (6 équipes de 6 filles chacune, soit 36 concurrentes : France A et B, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Etats-Unis et Canada) voire « dans la plus grande indifférence », sauf que, déjà,  filles et garçons finissent sur les Champs-Elysées. Il y a de la montagne et un contre-la-montre, l’Américaine Betsy King, qui vient de terminer la course Bordeaux-Paris en 16h 41’ le 28 mai, est au départ.

L’équipe de France A est composée par : 21- Broca Chantal, 22- Diart Nathalie, 23- Le Gal Corinne, 24- Lutz Corinne, 25- Potereau Marie-Françoise, 26- Simonnet Valérie, soit une viticultrice, deux kinés, une conductrice de métro, une électronicienne et une aide-soignante. Elles ne sont pas « pros » et courent « pour leur plaisir ».

Au final, l’épreuve est remportée par Mary-Ann Martin, une Américaine qui a gagné deux étapes : La Chapelle-en-Vercors-Grenoble et Moutiers-La Plagne. C’est dans ces étapes de montagne que Chantal Broca a construit peu à peu sa 9ème place au classement général. Malgré une chute due à un saut de chaîne dans La Plagne, alors qu’elles étaient les seules avec Painter à garder la roue de M.A. Martin, la future gagnante.

A Morzine, Chantal Broca qui est passée en 6ème position au sommet du col de Joux Plane, se classe 7ème de l’étape et figure à la 9ème place du classement général, place qu’elle conserve jusqu’à Paris. Ce 1er Tour féminin, long de 1067 km, a été parcouru à 35km/h de moyenne.

            Au terme de cette première expérience, Chantal déclare : « franchement, je pensais que ce serait plus dur ». Puis, elle ajoute : « à la réflexion, je pense que j’aurais pu mieux faire si j’avais eu plus d’expérience et si j’avais été plus audacieuse ». D’où l’envie de « repartir en 1985… avec l’expérience acquise cette année je suis capable de mieux faire ».

            Le directeur sportif de l’équipe de France, Jean-Yves Plaisance, après avoir souligné « le manque de travail de fond chez la plupart des concurrentes », s’attarde sur le cas de Chantal Broca : « très constante, mais (qui) manque encore de puissance », de plus « si toutes les filles étaient comme elle, ce serait du gâteau. Elle ne se plaint jamais, récupère très bien… C’est un sujet d’avenir ».

 

            1985 :

            Avec le titre : « la roue tourne » et sous la plume de S. Chaussée-Hostein, « l’Equipe-magazine » annonce « l’an II du Tour féminin », qui doit se dérouler du 29/6 au 21/7 1985, en deux séquences pour contourner le règlement de la F.I.A.C. (qui limite les épreuves par étapes amateurs à 12 jours). Il y a donc deux épreuves officielles : une série A (12 étapes et un prologue du 29/6 à Lanester au 13/7 à St. Etienne) et une série B (5 étapes du 15/7 au 21/7 jusqu’à Paris). Les deux épreuves sont réunies dans un classement par points (un écart d’1’’ = 1 point).

 

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Au milieu des Suèdoise, Italienne et Hollandaises, la Tricolore Chantal  et son "petit noeud rouge".

 72 concurrentes (le double de l’année précédente) sont au départ, représentant les Etats-Unis (A et B), la France (A et B), l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, la Canada, l’Italie, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Suède et la Chine. Les étapes prévues sont un peu plus longues (entre 60 et 80 km) et, entre Laguépie et Toulouse, le 15 juillet, la distance est même de 104 km. Jean-Claude Moussard, le cadre technique chargé du cyclisme féminin à la FFC depuis le début des années 80, affirme que « pas une fille ne râle contre les distances ». L’équipe de France A qu’il dirige est formée par : Broca Chantal (dossard 21), Damiani Dominique (22), La Gal Corinne (23), Longo Jeannie (24), Odin Cécile (25) et Ranucci Pascale (26).

 

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Les équipes de France "A" et "B" : (de g.à d.), en haut , L.Lisnard, M.F. Potereau, V. Simonnet, C. Odin,J. Longo, D.Damiani, C. Broca et, en bas,  N. Pelletier, C. Breyton, D. Bonnoront, C. Le Gal, P. Ranucci.

Au terme des 12 premières étapes, Maria Cannins précède Jeannie Longo de 12’ 14’’ au classement général. Chantal Broca, qui a bien traversé les Alpes (12ème à Avoriaz, 4ème à Lans-en-Vercors, 7ème à Villard-de-Lans, 9ème à St. Nizier) se classe 9ème à 22’42’’.

Au cours de la deuxième partie, Chantal confirme dans les Pyrénées en prenant la 5ème place à Luz Ardiden à 11’ de Maria Cannins (1ère) et à 1’47’’ de Jeannie Longo (2ème).

A l’arrivée à Paris, le 22 juillet, Ch. Broca est 6ème  au classement général établi aux points . Soit : 1 - Maria Cannins (Italie),  2 – Jeannie Longo (Frce A),  3 – Cécile Odin (Frce A), 4 – Imella Chiappa (Italie), 5 – Roberta Bonanomi (Italie), 6 – Chantal Broca (Frce A), 7 – Tanelle Parks (USA), 8– Wang Li (Chine), 9 – Dominique Damiani (Frce A), 10 – Helen Hage (Hollande).

Dans le journal « Sud-Ouest », Hervé Mathurin écrit : « Chantal Broca, de Langon, millésime 85 » et il rapporte que « dans la très difficile étape du Vercors (elle fut) l’une des rares à limiter les dégâts à l’arrière…  2ème en haut de la côte de St. Dizier à 2’ 25’’, rattrapée dans la descente, (elle) termine 4ème à plus de 8’ ».

            En 1984, elle avouait « avoir la trouille dans les descentes ». Désormais, elle reconnaît « manque(r) de puissance pour amener du braquet ». Pourtant, H. Mathurin ajoute : « ce petit moineau, d’apparence si inoffensive, a de l’énergie à revendre ». et, « papa » Moussard, qui l’a surnommée « Brouquette », pense que « sa marge de progression est importante ». Francis Castaing, parfois son compagnon d’entraînement, témoigne : « elle s’entraîne comme une forcenée tout l’hiver… elle ne donne pas sa part aux chiens… »

 

            1986 :

            Le troisième Tour de Chantal Broca ne lui permet pas de concrétiser ses progrès. A nouveau membre d’une équipe de France composée aussi de J. Longo, V. Simonnet, C. Odin, N. Pelletier, M. L’Haridon et M. Alevêque, victime d’une chute dès la première étape, Chantal est reléguée à plus de 11’. L’épreuve est dominée et, à nouveau, remportée par Maria Cannins, dont Jeannie Longo, 2ème à 15’31’’, est obligée de reconnaître la supériorité. Chantal Broca se classe 30ème.

 

 

            Déceptions, désillusions et recul :

 

            Le bail de Chantal Broca avec l’équipe de France a été perturbé par ce qui reste sa grande déception : pour les championnats du monde en 1985 et 1986, elle n’est sélectionnée que comme « remplaçante ». La presse titre : « un strapontin pour … » (Sud-Ouest, 20/8/85).

Chantal pensait avoir mérité plus de reconnaissance de la part du leader de cette équipe : Jeannie Longo. La « sportive préférée des Français » (encore, il y a peu) qui a «usé » Jean-Claude Moussard, auquel succède Jacky Mourioux (qui démissionne deux ans après avoir pris la succession) lequel en dresse un portrait sévère dans le journal « l’Equipe », en rappelant comment elle avait fait « rouler toute l’équipe de France derrière  Chantal Broca en position de revêtir le maillot jaune ».

 

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 Jeannie Longo, le "bout-en-train" de l'Equipe de France ? Tous les visages ne disent pas la même adhésion...

Il y aura encore quelques convocations lancées par le DTN Lucien Bailly : Chantal fait partie des 13 filles prévues pour le stage de début de saison au Lavandou en février 1987, mais Jeannie Longo n’y est pas. Elle est aussi au Tour du Texas en mars avec Simonnet-Pelletier-Le Gal-Lafargue-Gorostéguy-Damiani et Bonoront. Puis, au Tour de l’Aude, en mai. Toujours en l’absence de J. Longo.

            Cinq ans seulement après avoir commencé à faire « sérieusement » du vélo, Chantal Broca, « vigne et vélo », membre de l’équipe de France de cyclisme féminin, dirige déjà l’exploitation viticole familiale. Après le Tour 1985, elle avait déclaré : « je me donne encore trois ou quatre saisons de vélo », tout en révélant son « penchant pour la course à pied » : « Je rêve de courir un jour le marathon ». Au bout de 7 petites saisons, elle met fin à sa carrière cycliste.

 

 

            Une belle victoire : Paris-Bourges 1985

 

 

            La première édition du ville-à-ville Paris-Bourges date du 28 septembre 1913 (Ch. Benz, « Paris-Bourges, les 100 ans d’une classique », éd. Marivole, 2013). C’est donc l’une des plus vieilles « classiques » françaises. 72 ans plus tard, à l’initiative de Rémy Pigois, un premier Paris-Bourges est organisé. La course se dispute en deux étapes. Au cours de la première, c’est la Canadienne Kelly-Ann Way qui l’emporte devant Chantal Broca à 13’’ et Cécile Odin à 2’ 37’’.

            La deuxième étape donne lieu à un véritable « bras de fer » entre l’équipe du Canada et l’équipe de France. « Dans la côte de Jars, Chantal Broca, telle une libellule, jaillissait à son tour du peloton sans que les Canadiennes puissent réagir ».

 

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"Libellule "..?   oui, mais bien posée sur sa machine pour un braquet raisonnable ..?

Elle reçoit « l’aide efficace » de Corinne Le Gal, possède deux minutes d’avance à Sucy-en-Vaux. Dans le Sancerrois, la montée du Graveron fait « sa lessive » et, bientôt, il y a quatre tricolores en tête : Odin-Ranucci-Broca-Le Gal, qui terminent dans cet ordre à Bourges, malgré le retour à 30’’ des Canadiennes. L’étape va donc à Odin et le général à Broca.

            Dans la presse locale, un certain « Jean-Claude » signe une « lettre à Francine … », dans laquelle il raconte : « Je me trouvai sur le coteau, en haut de la côte qu’ils appellent « le Graveron ». Eh bien, elles m’ont épaté les filles. Surtout la minuscule qui était la première ! »

Et, le journaliste Christian Ragot la décrit : « Elle pèse 48 kilos, sans doute encore moins après l’arrivée, et mesure moins que vous le pensez. Elle est frêle, mais elle est viticultrice dans les Graves. Et elle a battu tout le monde dans le 1er Paris-Bourges féminin". 

 

            Cyclisme féminin de haut-niveau en région .. ?

 

            Comment rester au « haut-niveau » quand il y a si peu de courses pour les filles dans la région ? Ici ou là, quelques compétitions permettent de garder (un peu) le contact.

            Ainsi, les « Jours cyclistes en Dordogne » lancés par Maurice Jouault en 1984. Fin août, Chantal Broca s’y montre à son avantage. Quand Virginie Lafargue gagne entre Neuvic/Isle et St. Privat des Prés devant Pascale Ranucci, elle se classe 6ème, mais elle est la « meilleure grimpeuse ». Présent, Raymond Poulidor aurait dit :  « On dirait Charly Gaul ! » Elle est encore 6ème entre St. Pierre de Chignac et Le Lardin où Damiani gagne, mais où elle a réussi à réintégrer le peloton après une crevaison. Cela confirme son comportement lors de la première étape, Lalinde-Le Bugue, dans laquelle, échappée avec Damiani, Guichard et Odin, elle est apparue « vaillante en diable ».

En 1985, dans la même épreuve (24-25-26 août), elle est successivement 1ère à Port-Ste Foy, 2ème à St. Cyr-la-Roche et 1ère au Bugue.

En août 1984, elle court en Suisse à Olten. Mais, elle est bien présente au criterium international féminin des Artigues-de-Lussac (33), où Jeannie Longo, gagnante en 1983, ne peut faire mieux que 6ème face aux Hollandaises (1. Pieta De Bruin,… 4. Hennie Top), alors que les deux « Aquitaines » : Virginie Lafargue et Chantal Broca se classent 2ème et 3ème à 25’’ de De Bruin. D’autres confrontations ont lieu comme à Hostens-Gradignan (Longo et Top), puis à Augignac, près de Nontron.

 

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  Artigues-de-Lussac, 1984 : Jeannie Longo mène avec les Belges et les Hollandaises dans la roue. En 8ème position, Chantal ne cherche pas spécialement l'abri et ne grimace pas, non plus...

             Hors région, Chantal est au Tour de l’Aude féminin en mai 1985, où 13 nations sont représentées. Malade la veille, elle fugue le lendemain avec la Britannique Edwards, avec qui elle roule pendant 30 km en direction de Rennes-les-Bains. Au col de Roquetaillade, elle passe juste derrière l’Américaine Parks, la future gagnante et s’avère être « la meilleure tricolore en montagne ».           

             Au criterium international de Tanville (deux étapes et un contre-la-montre), elle s’échappe dès la première étape avec l’Anglaise Swinnerton qui la bat au sprint. Et, le classement sera le même lors des deux autres étapes.

             Son dernier grand voyage, en mars 1987, c’est pour le Tour du Texas (un vol d’Amsterdam à Houston), mais, en fait de Tour, c’est plutôt une suite de criteriums dont le refrain est à peu près celui-ci :  « sprint-chute- sprint-ch… »

 

             Plus près de chez elle, en 1986, au lendemain du championnat d’Aquitaine, elle gagne à Puymirol devant Josiane Bernès et Viviane Labarthe.

Le Vélo Sport Marmandais organise un Grand Prix féminin avec 17 concurrentes. Chantal Broca « tente de prendre le large à chaque tour, toujours suivie par Chantal Gorostéguy » qui, finalement, la bat au sprint, prenant ainsi sa revanche de Bretagne-de-Marsan, où C. Broca l’avait emporté laissant l’autre Chantal à 2’.

A Marmande, il y eut, aussi, un Grand Prix de la Tomate féminin, dans lequel Chantal « qui avait fait le plus dur » (65 km d’échappée après la bosse de Meilhan) est victime du bris du câble du dérailleur avant dans la descente de Cocumont et, malgré 2’40’’ d’avance, elle est rejointe par V. Lafargue, qui gagne.

 

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 Large vue sur ce que nous souhaitons appeler "le peuple cycliste" : les amis, les parents, les garçons, les filles, les dirigeants, le speaker… au centre  Chantal, en jupe et fleurie… (Marmande)

 

             Sinon, il faut courir avec les garçons pour y briguer la première place des féminines, comme au Grand Prix des Jeunes à Marmande où elle prend le départ au milieu de 130 concurrents. Mais, Chantal avoue être dépassé par le « monde des 1ère catégorie » et elle se contente de courir en « 2-3-4 ». Cependant, il est arrivé que les organisateurs lui refuse le départ. Suite à une décision du comité directeur de la FFC, le DTN Lucien Bailly lui fournit une lettre l’autorisant à courir avec les hommes pour la saison 1988. Il est trop tard, Chantal ne fait plus que quelques courses et elle « arrête ».

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Le plus souvent, on appelle ces courses "gentlemen". Mais, ici, le couple est  vraiment un homme et une femme. Image attachante, parce que Chantal (sans casque et noeud dans les cheveux) est dans la roue d'un fameux rouleur : Dominique Lecrocq, décédé en 2014 à l'âge de 51 ans. 

 

             

Pourtant, au CC Marmande, Chantal Broca a connu « une excellente ambiance et des dirigeants tout acquis au cyclisme féminin. Parfaitement équipée, encadrée à la section féminine par Chantal Puig, conseillée par Claude Magni, elle est au Tour 1984 avec son camarade de club et, parfois, compagnon d’entraînement, Francis Castaing :  « un garçon très aimable, attentif aux autres et capable d’aider celui (ou celle) qui est en difficulté ».

 

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 Deux  "Marmandais" sur le Tour en 1984 : cyclismes féminin et  masculin, deux mondes à part ?

  

             A 55 ans, Chantal Broca gère une petite propriété familiale en place depuis 158 ans à Artigues (33), le château de Leyre. Ce sont 8,5 ha de vignes dans les « Graves ».

Celle qu’une trouvaille de journaliste avait baptisée « la môme Broca » répond encore au portrait qu’à l’époque il en traçait : « Menue, brunette, volontaire en diable, Chantal Broca traverse les courses les plus huppées sans faire grand éclat. Mais, elle est toujours là ».

 

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14/09/2014
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