Memovelo

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Alain BERNARD (1947-2020)

 

 


 

Avant-propos .

 

                           Lundi 1er Juin 2020, le lundi de la Pentecôte dans l'après-midi où l'orage commence à gronder, un coup de téléphone donné par un ami m'apprend le décès d'Alain Benard.

La veille encore, je confiais mon désarroi de ne pas arriver à finir le travail que nous avions commencé le 23 janvier 2018, date à laquelle je lui avais rendu visite à son domicile de St. Pardoux-Isaac (47).

Puis, il y avait eu une longue interruption causée par la maladie, qui l'obligeait à de fréquents voyages à Agen . Les notes que j'avais griffonnées lors de notre premier entretien s'avéraient parfois illisibles. Je lui proposais de reprendre le chantier et de me rafraîchir la mémoire, ce qu'il accepta de bon gré. Nous progressions - lentement - vers l'achèvement du travail. Une dernier mail - daté du 22 avril 1981 (!!!), en réalité 2020 - me dissuadait d'avoir un entretien téléphonique (cf. ci-joint). Il m'avait confié son palmarès, mais ne semblait plus s'en souveniir. Une nouvelle  fois, il utilisait le qualificatif "fastidieux"... Mais, je ne me doutais de rien.

                           Voici ce travail qui nous a occupé plus de deux ans. Puisse-t-il confirmer la place que ce coureur mérite d'occuper dans la mémoire de ceux que le cyclisme intéresse.

 

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Introduction :

 

Aujourd’hui encore présent sur les courses et attentif à l’évolution du cyclisme, Alain Bernard, l’ancien élève du collège du Terrain de Manœuvres à Libourne, l’apprenti géomètre, a reconstruit avec minutie le tableau précis (toutes les courses, pas seulement les victoires…) de son activité de coureur cycliste. Le fait est rare et traduit l’un des traits de caractère de cet ancien coureur professionnel (1975-1979). Nous lui devons l’exactitude du parcours ici rapporté.

Un parcours exemplaire du cyclisme au cœur des années 70, dont le paysage a été grandement modifié par l’action du Directeur Technique National, R. Marillier, avec la suppression de la catégorie des « indés » à la fin des années 60 et la création autour de l’entraîneur national R. Oubron d’un « Club France ».

Cette refonte du cyclisme « amateur » ne pouvait pas ne pas avoir d’impact sur le cyclisme professionnel, lequel venait de s’engager dans la voie nouvelle des groupes sportifs sponsorisés par des marques étrangères au milieu cycliste.

La carrière d’Alain Bernard est marquée par cette période qui vit, d’une part, la fin des « indés » et, d’autre part, la diminution du nombre d’équipes et, partant, de coureurs professionnels en France. C’est dans la « conjoncture de cette époque » que s’ébauche le premier syndicalisme des coureurs cyclistes professionnels, lequel rassemble les « chômeurs » dans une équipe de l’U.N.C.P.

 

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 Une carrière de coureur cycliste résumée sous la forme d'un escalier de cinq marches, allant de 1963 à 1982, soit une vingtaine de saisons.

 

 

 

1 . La période libournaise :

 

 

Dans la région de Libourne, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, deux sociétés cyclistes se partagent encore l’organisation des courses : l’AVCL (Auto Vélo Club Libournais, 1901) et la SCAL (Société Cycliste et Athlétique Libournaise). A partir de 1968, sous l’impulsion du maire, Robert Boulin, une politique municipale des sports rassemble la plupart des sociétés dans un grand club omnisports, l’ASL (Association Sportive Libournaise)

Longtemps, deux manifestations célèbrent la présence du sport cycliste dans la sous-préfecture de la Gironde : Le Chalenge du Duc Decazes et le Grand Prix de la Victoire. De nombreuses courses ont lieu dans les villages ou quartiers environnants : Condat, l’Epinette, les Billaux, Fronsac, Saint-Germain-du-Puch, Génissac, Nérigean, Moulon, et dans les collines proches de Saint-Emilion : Saint-Laurent-des-Combes, Saint-Christophe-des-Bardes… entre autres.

Deux grandes courses traversent la ville et son pont sur la Dordogne : Bordeaux-Saintes au mois de mars et Bordeaux-Paris dans la nuit à la fin du mois de mai.

La famille Bernard vit à Arveyres (Gironde). Les parents d’Alain Bernard sont viticulteurs. Ils ont des vignes à Cadarsac. Le père est aussi commerçant, il vend des primeurs sur les marchés. L’environnement familial n’est pas vraiment favorable à la pratique du sport. Mais, Alain Bernard est un enfant asthmatique. Ce n’est pas encore l’heure de la Ventoline et autres bronchodilatateurs bien connus aujourd’hui…

            Alain évoque les crises et quelques épisodes nocturnes qui mettent en émoi la famille : appeler le médecin qui viendra faire une piqure de solucamphre, aller chercher chez le mécanicien la bouteille d’oxygène et chez le pharmacien le masque pour l’inhaler. Cependant le médecin de famille, ennemi des fortes médications conseille aux parents, de faire pratiquer à l’enfant une activité physique d’endurance pour son développement. En récompense de l’obtention du certificat d’études Alain se voit offrir un vélo demi-course jaune de marque "Vélor". Lequel a tôt fait de perdre ses garde-boue pour ressembler à un vrai vélo de course. Alain est déjà allé avec son père au bord de la nationale 89 pour voir passer Bordeaux-Saintes et il a été ébloui par tous ces vélos rutilants et ce peloton chamarré.

Alain Bernard souffrira de cette maladie jusque vers ses 35 ans. C’est à l’occasion d’un changement d’habitation que cela s’arrêtera avec la suppression des moquettes et autres nids d’acariens.

La maladie a sensibilisé le jeune adolescent à ce phénomène qui conditionne toute activité sportive (et peut-être plus encore) : la respiration. Entre "suffocation atroce" (Hector chez Homère) et "respiration pénible" (chez Hippocrate), le futur coureur cycliste a appris à respirer. Il est l’un des rares coureurs à parler de diaphragme, de dyspnée ou d’apnée. Chaque matin il pratique une gymnastique respiratoire.

Un jour à force de sillonner les routes libournaises sur son "Vélor" jaune, et de voir courir les autres, l’envie lui vient de prendre une licence. C’est en 1963 dans la catégorie cadet deuxième année et sous les couleurs de la SCAL qu’il effectue ses débuts. Une petite dizaine de courses cette année-là, avec le sentiment de manquer de "maturité" par rapport aux autres qui se nomment : Bernard Dupuch, Francis Duteil, Patrick François, Jean-Pierre Nicot, Patrick Guimberteau, Jean-Claude Castaing, Bernard Feyte, ou Guy Glize… Mais, le 15 septembre, la première victoire est acquise à Jarnac en Charente. Soit 10 courses disputées pour 8 classements dans les dix premiers.

En 1964, pour l’élimination départementale du "1er Pas Dunlop" qui a lieu à Saint-Exupéry (33), il n’est plus vraiment un débutant et se classe 9ème de cette course gagnée par Patrick Sajous devant Bernard Feyte. Quatre bouquets viennent fleurir cette première saison, trois en  4ème catégorie : Libourne (33), Lorient (33), Laruscade (33), et un en 3ème catégorie car, le 5 juin,  Alain Bernard est "monté" en 3ème catégorie et, le 2 août, il gagne à Saint-Germain-la-Rivière (33). Soit 21 courses disputées pour 14 classements dans les dix premiers.

En 1965, toujours en 3ème catégorie (né le 17-10-1947, il est obligé d’attendre d’avoir 18 ans, au mois d’octobre pour "monter" en 2ème catégorie), il participe à 40 courses et cumule 9 victoires, dont le Challenge du Duc Decazes, le 1er mai à Libourne, et 32 places dans les dix premiers.

 

 

2 . La période bordelaise, du Cyclo Club Bordelais à l’Union Sportive Bouscataise :

 

1966 :

 

 

Parce qu’il souhaite disputer des courses par étapes et participer à des épreuves du calendrier national, Alain Bernard signe au Cyclo Club Bordelais, club qui est sponsorisé par les sirops « Berger », marque dont le commercial est Jean Guédon, le père de Frédéric (pro. chez « Clas » en 1988). Le directeur sportif est Jean Laffargue. Avec lui, il y a : Patrick Raymond, Christian Bordier, Michel Bidart, Claude Mazeaud, Alexis Eyquard, tous d’excellents coursiers régionaux.

 

 

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le 12 juin 1966, victoire d'Alain Bernard (CC Bordelais) à Bègles-Argous. Ici, le porteur du maillot rouge et or marqué de "BERGER, sirop de luxe" est interviewé par Bernard Sans.

 

 

 

Alain monte en 1ère catégorie le 19 juillet (il aura 19 ans le 17/10). Entretemps, il gagne à St. Caprais de Lalinde (la 1ère étape puis il est 2ème de la seconde et 2ème au final), il est encore 2ème de Bordeaux-Arès derrière son coéquipier JC. Margueritte, 10ème de Bordeaux-Clérac (1er Laclau de Sauveterre de B.). Il participe au Tour du Béarn (9-11 juillet) qu’il termine à la 37ème place et dont le vainqueur est Jean-Claude Daunat (CRCL). Le 14 juillet à Chateauneuf sur Charente, il prend la 7ème place d’une belle course dont le podium est composé par 1. André Delort  2. Maurice Laforest  3. Jean Ricou.

Le 24 juillet, au Havre, il participe au championnat de France des sociétés sur la route avec l’équipe du CCB, laquelle prend la 13ème place de l’épreuve remportée par l’AC Sotteville devant l’ACBB. En septembre, il gagne à Clérac. Sur 30 courses disputées cette année-là, il se classe 22 fois dans les dix premiers.

 

1967 :

 

L’équipe du CC Bordelais s’est enrichie de la présence des deux « copains » : Bernard Dupuch et Serge Lapébie et, désormais, il y a aussi Francis Duteil et Michel Perin. Mais, la saison d’Alain Bernard va être mise à mal par la période du service militaire.

Alors qu’il devait se retrouver à Nansouty, il est convoqué le 1er mars à Landau (Allemagne), où il n’est plus question de cyclisme. Après un long séjour à l’hôpital militaire Robert Picqué pour y soigner les crises d’asthme, il est finalement réformé le 30 avril.

Le temps de retrouver un semblant de condition physique, il gagne à Antignac (15) au début du mois d’août, après avoir pris la 5ème place du championnat d’Aquitaine juniors à St. Médard en Jalles en juin. Le 1eroctobre est prise cette sympathique photo où l’on voit Alain classé 2ème à côté du vainqueur du jour, Michel Fedrigo, sur la place et devant l’église de St. Pardoux-Isaac : soit les deux futurs beaux-frères réunis à l’occasion d’une course disputée sur le lieu de la résidence actuelle d’Alain. 

 

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 ... deux futurs beaux-frères, un clocher dans le soleil couchant.

 

 

 

1968 :

 

A 21 ans, passé le souci du service militaire qui a « gâché » la saison précédente, Alain Bernard réalise une saison « pleine » : 66 courses, 6 victoires et 35 fois dans les « dix ». Les six bouquets sont conquis à : Cézac (2.JP. Wilhelm 3.J. Comme 4.M. Bidart) – St. Christoly de Blaye – Cendrieux – Reignac – Savigné et Nérac, auxquels il faut ajouter celui de la 1ère étape du Prix Codec à Pessac (1. Fauquey).

 

 

 

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 Saint-Léon sur l'Isle, le 11 mai 1968 : 1. Francis Dubreuil  2. Alain Bernard.

 

 

 

Le 17 mars, il prend le départ de Paris-Ezy, que remporte Daniel Ducreux devant Alain Van Lancker, et il termine à la 60ème place devant un certain Poletto.

En juin, il termine le Tour de Serbie à la 17ème place et, en juillet, la Copa Vointa en Roumanie (43ème au général et 2ème de  l’ étape Pirot-Nis). En région, il est 2ème du Grand Prix de la Victoire à Libourne, 4èmedu Tour de la Fraise à Braud-et-Saint-Louis, 8ème du championnat d’Aquitaine à Saint-Emilion (1. Bordier 2. Masseys 3. JP. Barbe) et 9ème du G.Px. de la Tomate (1. B. Labourdette).

 

 

1969 :

 

Pour cette saison, Alain semble trouver davantage de sérénité au sein de la section cycliste des Girondins de Bordeaux. Sur le maillot bleu marine cerclé de blanc, A. Bernard arbore  - toujours en compagnie de « Berger sirops de luxe » - la marque « Legnano », distribuée à Libourne par Jean Campaner. Ses principaux équipiers se nomment : Alexis Eyquard, Patrick Guimberteau et Gaston Wilhelm.

 

 

 

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... avec l'ami Magni, le leader , le vainqueur de l'étape du Tour des Landes : A. Bernard.

 

 

La récolte est copieuse : 91 courses disputées, 14 victoires et 55 fois dans les dix premiers. Alain gagne le Grand Prix de la Victoire à Libourne, la 1ère étape du Tour des Landes (Dax-La Bastide » d’Armagnac) et le classement par points, la 1ère étape de Bordeaux-Clérac, le Prix du Pas d’Ozelle à St. Ciers/Gironde, à Aire/Adour, à Villeneuve de Marsan, à Vayres, à St. Denis de Pile…, en Charentes à Montlieu-la-Garde et à Brigueil, dans la Creuse à Jalesches.

Il est aussi 2ème du Tour des Landes, 2ème de la deuxième étape des Boucles de l’Aude, 2ème au championnat d’Aquitaine des sociétés, 6ème de Bordeaux-Saintes (1er Rossetto). En fin de saison, monté à Paris avec B. Dupuch (à leurs frais), il se classe 8ème de Paris-Garchy et 11ème de Paris-Tours.

 

 

3. Les « meilleures années » sont bouscataises (1970-1973) :

1970 :

Les Girondins de Bordeaux n’ont pas proposé à A. Bernard le programme de courses par étapes ou de classiques nationales auquel il souhaitait se confronter. A l’Union Sportive Bouscataise, il retrouve Max Laville comme directeur sportif, avec lequel il courait encore la saison précédente. Alain rapporte qu’ « entre eux l’osmose sera parfaite ». Parmi ses coéquipiers, il y a : Alain Cigana – Alexis Eyquard – Francis Lamouliatte et Patrick Raymond.

 

 

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 1970 - Cigana, Bernard et Eyquard, le trio-maître de l'US Bouscat.

 

 

 

La saison 1970 est encore plus copieuse que celle de l’année précédente : 110 courses disputées, 23 victoires, 73 fois dans les « Dix ». Parmi les plus savoureuses, citons déjà les deux titres de champion d’Aquitaine : celui des sociétés à Cenon le 28 mai et, en individuel à Agen le 14 juin. En avril, il gagne le Tour du Sud-Ouest (1er de la 1ère étape), des étapes aussi au Tour du Pays Basque, au circuit du Gard, au Tour du Béarn. Et, aussi, de belles courses à Tonneins, La Rochette, Saint-Gervais, Bergerac, Bayonne, Saint-Amand Montrond (le G. Px. des foires d’Orval). A Serent (56), en compagnie d’A. Cigana, P. Raymond, A. Eyquard, ils terminent à la 4ème place du championnat de France sur route des sociétés (1. Pédale Charentonnaise 2. CA Civray 3. UV Caen). Puis, le 4 octobre, il retente sa chance dans Paris-Tours qu’il avait couru en 1969 et il finit deuxième derrière Lechatellier (3. Botherel 4. Hézard 5. Duchemin).

Enfin, le 18 octobre, à Lussac-les-Châteaux où il gagne devant Michel Fedrigo, il fait la connaissance de Claude Gabard (alors C.T.R. du Poitou), lequel lui fait envisager la possibilité de faire partie du « Club France ». Une semaine plus tard, Alain reçoit un courrier de la D.T.N. (Richard Marillier) lui annonçant sa sélection pour la saison 1971.

 

1971 :

 

Désormais, entré dans cette catégorie de coureurs (non officielle) où la saison, entre mars et octobre, compte plus de 100 courses, Alain Bernard qui porte maintenant le maillot frappé de « Peugeot-BP-Michelin » est en compagnie des : Caneiro – Cigana – Eyquard – Frosio – Lannegrand – Raymond – Wilhelm… Avec l’équipe de l’US Bouscat, ils montent enfin sur le podium du championnat de France des sociétés à Jeumont (3 èmes).

103 courses disputées et 31 victoires !  A la récolte effectuée dans le sud-ouest : Lagorce-Laguirande le 27 mars (2. Maurice (Tours) 3. Noguès 4. Dolhats 5. Dubreuil 6. Fedrigo 7. Gestraud 8. Lescure, le lendemain de Bordeaux-Saintes où il a fait « 2. » derrière son camarade du « Club France », Claude Magni (3. Augard 4. Esclassan 5. Bossis).  Il ajoute en avril le Tour du Sud-Ouest ( +le classement des points et par équipes), le Tour du marais poitevin à Niort, la finale du Trophée Peugeot à Valentigney, le championnat d’Aquitaine des sociétés à Cenon, le 1ère étape du Circuit du Gard (7ème au général) et des victoires en Bretagne (Pont- Aven) et en Vendée (Chantonnay)…

 

 

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Tout a changé avec la participation au « Club France » : en avril, avec Claude Magni, le vainqueur, ils règnent sur le Tour du Maroc (Alain gagne deux étapes et il finit 6ème au général, 1. C. Magni 2.Gorski (Pol) 3. Hüber (S.) 4. Meslet 5. Faraka (M). En juillet, A. Bernard est au Tour de Pologne (1. Szozda 2. Smyrak…6. Ovion), qu’il termine à la 76ème place. Le 4 septembre, à Mendrisio (Suisse), il participe avec l’équipe de France au succès de Régis Ovion (2. Maertens), dans le  championnat du monde amateurs de cyclisme sur route (Alain est 38ème).

 

 

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 le 4 septembre 1971 à Mendrisio, la "bande à Oubron" fête le sacre d'Ovion au balcon : Alain avec David Gouverneur sur les épaules est en partie caché à la droite de Régis Ovion. En partant de la gauche : G. Gauguin, J-C. Meunier, R. Oubron, M. Duchemin (...) puis à la gauche d'Ovion, C. Magni, B. Bourreau, J-C. Duterme, J. Thomazeau et P. Béon.

 

 

 

L’année 1971 peut être considérée comme un point d’inflexion dans la carrière d’Alain Bernard, dont on a noté jusque-là la progression régulière par paliers. C’est le moment où s’opposent les ambitions du coureur amateur (avec le DTN Marillier et le « Club France » en route vers les Jeux Olympiques 1972 à Munich) et le projet également légitime de tout coureur de passer « pro » (avec la proposition de Gaston Plaud de courir le Tour de France).

 

 

 

 

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 Mendrisio après l'arrivée en compagnie d'un supporter girondin, M. Subileau.

  

 

1972 :

 

La saison 1972, justement, est, selon Alain, « loupée ». Et, ce n’est pas rien ! En effet, par la faute d’amibes ingérées lors du Tour du Maroc en 1971, le début de saison est profondément perturbé. Les victoires (12) ne viendront qu’à partir de juin-juillet. Trop tard pour être sélectionné pour les J.O. !

Aux courses girondines et limitrophes (Mérignac, St. Emilion, Le Bouscat, Abzac, Reignac de Blaye, Aillas, Pellegrue,  Cercoux et Villeneuve de Marsan) s’ajoutent Saillat dans la Creuse (2. Frosio) et Saint-Junien (Prix A. Reix).

A Saint-Jean de Monts, il fait partie de l’équipe de France (avec Tollet, Magni, Bourreau, Meunier, R. Martin, Corbeau) qui remporte le prologue par équipes du Tour de l’Avenir. L’épreuve est remportée par Den Hartog devant Bourreau et Duchemin et Alain Bernard abandonne lors de la 6ème étape, après avoir pris la 3èmeplace dans l’étape qui va de Niort à Saint-Yrieix-la-Perche . On est alors en septembre. Auparavant, Alain a disputé avec l’équipe de France (Roques, Dubreuil, Hellion, Béon) le Tour de Yougoslavie en juillet et il l’a terminé à la 61ème place.

 

 

1973 :

 

Entré dans sa 26 ème année, A. Bernard – et même s’il le pressent – ne sait pas encore qu’il court pour la dernière année chez les amateurs avant de tenter sa chance chez les « pros ».

C’est une nouvelle saison à 100 courses disputées pour 25 victoires et 55 places dans les dix premiers. A Dax, le 22 juillet, il renouvelle son bail de 1970 avec le maillot de champion d’Aquitaine sur route et, quelques jours plus tard (le 26/7) à Villenave d’Arengosse (40) il remporte avec ses coéquipiers de l’USB le titre des sociétés. Cette « pole position » régionale est étayée par de nombreux autres succès comme à Anglet en début de saison et, tout de suite après, par une nouvelle victoire à Lagorce-Laguirande (2. Desplat 3. Bourreau). Suivent en particulier : Pessac, Trémolat, Monclar d’Agenais, Broca-les-Forges, Villandraut, Biran, mais aussi Fourchambault (58), Saint-Jory (31), Limogne (46), Audry-le-Chatel (45), Plelan-le-Petit (22) et Duravel (22). Soit, quelques courses largement « hors sud-ouest ». Il faut encore ajouter une étape du Tour du Béarn à Artix et, à Lloret del Mar-Figueras, le 14 octobre, la 4ème étape du Tour d’Ampurdan, en Espagne, qu’il termine à la 7ème place du classement général.

Avec Cigana, Frosio et Hénard, ils finissent 4ème au championnat de France des sociétés qui a lieu entre Dax et Mont-de-Marsan.

Au plan international, il est présent en avril en Grande-Bretagne à Manchester pour le « Greenhall Whitley » (18ème au classement général) et, en mai, dans la 26ème Course de la Paix qu’il termine à Prague à la 40èmeplace, au sein d’une équipe de France composée avec lui de : Béhue, Bodier, Béon, JL. Danguillaume et Talbourdet.

 

 

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 "Papa Oubron et ses Bleus" : C. Behue (34°à 26'05), A. Bernard, G. Talbourdet (9° à 10'10), P. Béon (36° à 26'28), JL. Danguillaume (43° à 34'34), P. Bodier (11° à  12'27).

 

 

 

Entre Prague-Berlin et Varsovie, il y a 99 coureurs au départ et 83 sont classés et, surtout, 2083 km parcourus à 42,942 km/h de moyenne. Deux Polonais occupent les deux premières places : 1.R. Szurkowski  2. S. Szozda.

Au terme de cet exercice, sa rencontre avec le manager Roger Piel ne lui laisse entrevoir qu’une hypothétique éventualité de passer professionnel. 

 

4.  être « pro » et le rester :

  

A l’approche de la saison 1974, Alain Bernard s’apprête à repartir, toujours sous les couleurs de l’US Bouscat et des cycles Peugeot, mais au sein d’un groupe sportif amateur « VIFRANCE », basé en Bretagne et dirigé par Georges Le Bourhis. En janvier 1974, présent alors au mariage de son ami Claude Magni, il reçoit un coup de téléphone de Roger Piel, lui annonçant qu’il reste une place dans un une équipe nouvellement créée : « JOBO- Lejeune- Campagnolo ». Alain, qui s’est engagé auprès de G. Le Bourhis et qui a déjà effectué un stage d’entraînement avec lui, est confronté à un choix difficile. Pourtant, il nous l’a avoué : « je commençais à m’ennuyer… toujours les mêmes courses…les mêmes coureurs… » Mais, « il avait fait une croix ». C’est Georges Le Bourhis lui-même – fort de son expérience d’ancien coureur professionnel – qui le libère de son engagement et lui conseille de « franchir le rubicon ».

En février 1976, le « Miroir du cyclisme » (n°212, « Un mariage de raison ») consacre un article à l’existence précaire des nouveaux groupes sportifs dans ce qui ressemble à « la loi de la jungle »… Au terme de l’introduction de cet article de Roger Frankeur, on peut lire ceci : « A vrai dire, si la « petite reine » est décidément beaucoup plus solide que les Cassandre le prédisent, le cyclisme professionnel pour sa part se nourrit par le moyen de ballons d’oxygène renouvelables chaque année… » Cet article, qui raconte la naissance des groupes extra-sportifs et parle de cette nouvelle mâne pour le sport cycliste et ses « professionnels », est accompagné d’une photo qui annonce la naissance de cette nouvelle équipe à laquelle désormais Alain Bernard appartient. En voici la composition : Bernard Alain *, Blain Christian, Blocher Jean-Claude, Boulas Jacques*, Campaner Francis, Cigana Alain*, Ducreux Daniel, Dupontreue Alain*, Grosskost Charly, Guillemot Jean-Pierre, Lapébie Serge, Loth Jean-Pierre*, Magni Claude, Marchal Jean-paul*, Mason Bernard, Pingeon Roger, Romero André. (* = néo-pro).

 

 

 

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 L'humoriste Jean Amadou fait mine d'arroser la naissance de cette équipe 100% française : (de g.à d.) R. Lejeune, D. Ducreux, JP. Guillemot qui cache un peu A. Bernard, Romero, Cigana, C. Grosskost, Dupontreue, S. Lapébie, R. Pingeon, C. Magni, F. Campaner et R. Charpentier à la gauche d'Amadou. Accroupis : G. Faubert, C. Alain et JC. Blocher.

 

 

 

Le début de la saison est encourageant ? Dans « l’Etoile de Bessèges », A. Bernard est présent trois fois dans les dix premiers lors de trois étapes et, le 25 février, ils se classe 5ème du Grand Prix d’Aix-en-Provence gagné par Guy Sibille devant Cyrille Guimard. Vient ensuite Paris-Nice où il est contraint à l’abandon après une chute dans la 2ème étape. A la fin du mois de mars, à Belvès, dans le Criterium National de la route (1. B. Thévenet  2. C. Raymond), Alain, encore blessé, s’accroche et termine 27ème et dernier à 13’52’’. Puis, dans ce Paris-Roubaix que remporte R. De Vlaeminck devant Francesco Moser, Marc Demeyer et Eddy Merckx, il est contraint à l’abandon faute de boyaux de rechange. En suivant, il est au départ, à Verviers, de la « Flèche Wallonne ». Cependant, quelques jours plus tard, il se rattrape dans Paris-Vimoutiers, gagné par A. Santy devant H. Kuiper, où il prend une belle 5ème place. Après cela, Alain est au Tour d’Indre-et-Loire (1.H. Kuiper) et, successivement, aux 4 jours de Dunkerque où, dans la première étape, il mène une très longue échappée et n’est rejoint qu’à proximité » de l’arrivée (66ème), puis au Tour de l’Oise et au « Midi Libre ». En juin, il se classe 19ème du général du Tour de l’Aude (1. C. Bal 2. Hoban 3. Fussien).

C’est alors que survient une nouvelle déconvenue. Sélectionné par son équipe pour disputer le Tour de France, il apprend par téléphone à l’avant-veille du départ qu’il est remplacé et envoyé sur le Tour de l’Avenir. Néanmoins, c’est lors de ce Tour de l’Avenir, le 11 juillet, qu’il remporte l’une de ses plus belles victoires : le 2ème étape qui va d’Avignon à Montpellier : 1. A. Bernard 2. S. Szozda (Pol.) 3. Martinez-Heredia (Esp.), futur vainqueur de l’épreuve. Alain abandonne lors de la 6ème étape (Sort-Saint-Lary Soulan). Il portait alors le dossard n°91 et courait (déjà) dans une équipe constituée par « l’Association française des constructeurs et associés sportifs » (AFCAS), composée de : Boulas, Colinet, JL. Danguillaume, Fussien, Guitard, Le Guilloux et lui-même.

 

 

 

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 11 juillet 1974, échappé sur la route de Montpellier, où il va gagner l'étape. 

 

 

 

Cette victoire, « avec la complicité de Maurice Jouault », va le maintenir dans le « train » du cyclisme professionnel et il va disputer 26 épreuves de la « tournée des criteriums », l’ensemble étant ponctué par une belle 2ème place à Miramont de Guyenne, le 7 septembre, derrière Michel Perin et devant JL. Molineris, M. Martinez et F. Campaner. Quelques jours avant, il avait pris deux fois la sixième place : à Plouay (1. R. Martin 2. J. Botherel) et à Ambarès (1. Poulidor 2. F. Campaner).

En fin de saison, il est présent à Fourmies (30ème) gagné par W. Tierlinck et à Isbergues (21ème, 1. B. Bourreau). Le 19 octobre, il épouse Joëlle Tomiet, le sœur de Bernard son coéquiper à l’US Bouscat et belle-sœur de Michel Fedrigo. Mais, à la fin de ce mois, il apprend qu’il ne sera pas conservé dans l’équipe « Jobo » sans que ne lui soit précisé la raison exacte. 

En ouvrant ce chapitre consacré à la carrière « pro » d’A. Bernard, nous évoquions l’article de R. Frankeur dans « Miroir du cyclisme » qui soulignait la précarité des groupes sportifs dans le cyclisme. Et, Alain Bernard surenchérit : « chômeur avant même de terminer (ma) première année de coureur professionnel ».

 

1975 :

Au cours de l’hiver 1974-75 qui suit cette cruelle désillusion, Alain contacte de nombreux groupes sportifs professionnels et il continue à s’entraîner dans l’éventualité d’une nouvelle embauche. Il n’est pas le seul dans ce cas. Un article de R. Pajot (« Le creux de la vague », France Vélo n°137, 1979) monte l’évolution du nombre de coureurs professionnels en France. Si ces coureurs sont au nombre de 337 pour 30 équipes en 1950, ils ne sont plus qu’une centaine au début des années 60. La destruction du Vel d’Hiv., en 1958, a contribué au renoncement d’un certain nombre de pistards, paradoxalement les raisons de cette diminution sont plutôt à rechercher du côté du nouveau financement du cyclisme professionnel, donc du côté de la publicité extra-sportive. Le cyclisme professionnel ne repose plus comme avant sur les marques de cycles et les firmes de pneumatiques – certes, toujours présentes – mais sur des « partenaires » moins attachés à la tradition cycliste. Bientôt, à la fin des années 80, le nombre de « chômeurs » n’aura jamais été aussi élevé. Il ne reste plus que 5 ou 6 équipes « Pros »…

L’Union Nationale des Cyclistes Professionnels (UNCP) a été fondée en 1957 sous l’impulsion des frères Bobet (cf. J.C. Crucherat, « Dans la roue de l’UNCP »). Les statuts de ce que l’on peut considérer comme l’ébauche d’un « syndicalisme » des sportifs ont été élaborés par l’avocat J. Bertrand, qui s’est déjà fait connaître auprès des footballeurs professionnels. En 1958, 15 coureurs sans emploi sont réunis sous le maillot de l’UCPF. Cette « équipe de chômeurs », qui porte un maillot vierge de publicité et qui est soutenue par une aide des fabricants et des organisateurs, est dirigée par Léo Véron (ex-Dilecta). Elle prend part aux épreuves françaises. 

 

 

 

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 la "Côte' d'Azur", peut-être, mais pas vraiment les vacances...

 

 

En 1975, cette équipe est remise en œuvre pour des coureurs sans contrat. Elle est dirigée par R. Mattivet et Claude Larcher en est le directeur sportif. Alain Bernard se retrouve en compagnie de : Aubey – Boishardy – Bouloux – Cluzaud – Ducasse – Ducreux – Dupontreue – Fin – Grelin – Rieu – Tosi – Van Lanker. Parmi ces noms de professionnels mis au chômage, quelques-uns joueront ensuite un rôle important dans l’évolution du cyclisme… Pour Alain, ce n’est plus une saison à 100 courses ou plus, mais 60 jours de course, dont la moitié dans des critériums. Selon ses dires, ce sont ces dernières courses qui « lui assureront, en plus des indemnités de chômage, des revenus décents ». Pour le reste, il participe au Tour de Corse, au Tour de l’Oise (49ème au général), au Tour du Limousin (37ème), à l’Etoile des Espoirs. Lors des critériums qu’il dispute, il se classe deux fois deuxième : à Rodez (1. B. Thévenet… 3. J. Esclassan) et à Lannes (47) (1. R. Poulidor… 3. M. Perin). Il est aussi 4ème à Commentry (1. Hezard) et à Mereville (1. Esclassan).

Toujours dans l’incertitude du lendemain, Alain Bernard – recommandé par son ami Georges Bloy – travaille pendant les trois mois d’hiver au rayon cycles d’une grande surface à Pau. 

 

1976 :

 

Fidèle à son ami palois, Alain signe une licence 1976 au Pau Vélo Club. De leur côté, les cycles « Lejeune », dont il a su conserver la confiance, l’intégrent dans l’équipe « Lejeune-BP » qui vient d’être créée autour de Roy Schuiten et Ferdinand Bracke. Le directeur sportif de cette nouvelle formation est Henry Anglade. Alain Bernard participe en France à quelques courses par étapes.

 

 

 

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 ... la confiance des frères Lejeune.

 

  

En voici le bilan :

-        Février : Tour méditerranéen (1. Schuiten, abandon)

-        Avril : Circuit de la Sarthe (40ème, 5ème de l’étape 4, 1. B. Hinault)

-        Mai : Paris-Limoges  (15ème, 8ème de l’étape 1 et 10ème de l’étape 2, 1. M. Le Guilloux)

          Tour de l’Oise  (26ème, 1. Gijsemans)

-        Juin : Midi Libre (42ème, 1. A. Meslet)

-                  Tour de l’Aude (abandon)

-        Septembre : Etoile des Espoirs (7ème de la dernière étape, 1. JL. Vandenbroucke)

Par ailleurs, Alain abandonne dans le Critérium National, le Championnat de France et l’Amstel Gold Race. Mais, il est 9ème du G. Px. du Tournaisis à Templeuve (Belg.), 10ème à St. Claud, 15ème de Paris-Bourges et 42ème du Gd. Prix E5 en Belgique. Son calendrier fait apparaître – cette année encore – une longue période d’inactivité : la période du Tour de France, soit la dernière semaine de juin et trois semaines en juillet. Ensuite, il reprend la série des critériums et glane deux bouquets (Marmande et Saussignac). Il est aussi 7ème à Ambarès, 8ème à Niort, 9ème à Brette les Pins, 14ème à Quillan…

La saison se termine par quelques cyclo-cross (Chamiers, Boeil-Bezing…), mais son contrat n’est pas renouvelé avec « Lejeune-BP », où apparaissent, entre autres, Bazzo, Boyer, Van Impe…

 

1977 :

 

Encouragé par son ami J. Alvarez, Alain prend une licence au Cyclo Club Bergeracois et trouve place dans l’équipe « FFC » (qui succède à celle de l’UNCP) et retrouve quelques-uns de ses anciens compagnons (Boishardy, Cigana, Cluzaud, Fussien…) et des « nouveaux » (Genet, Labourdette, Mourioux, Pescheux…).

La saison commence bien à Bessèges où Alain prend la 6ème place du classement général (1. W. Plankaert) après avoir fait 3ème, 6ème et 7ème lors de trois étapes. En mai, il est classé 42ème du Tour de l’Indre-et-Loire (1.JP. Danguillaume). En juin, il termine à la 22ème place du championnat de France, disputé à Château-Chinon et gagné par Marcel Tinazzi. En août, au Tour du Limousin (1.B. Hinault), il prend la 3ème place lors de la 2ème étape qui va de Tulle à Limoges. L’Etoile des Espoirs, en octobre, lui donne l’occasion de figurer à la 8ème place au classement général et à la 10ème du classement par points.

Dans les courses en circuit, A. Bernard obtient quelques bons résultats : 4ème à Beaulac-Bernos (1. JP. Danguillaume), 6ème à St. Macaire en Mauges, à Fougères, 7ème à Vailly/Saudre, 10ème à Roanne, 12ème à Seignelay et à Plouay…

Lors de notre premier entretien à son domicile de St. Pardoux-Isaac en janvier 2018, Alain Bernard, en réponse à l’une de nos questions plus ou moins pertinentes, laisse tomber : « je m’étais rendu compte que je ne serai jamais champion du monde… tu vois tout de suite ce que tu vaux… (surtout) quand tu es dans la bordure…(et que) tu vois l’équipe de Merckx qui remonte… ». 

Désormais, il s’est agi de « gagner sa vie avant tout ».

 

1978 :

 

Cette année-là, A. Bernard trouve une place en Espagne chez Teka et il resigne sa licence au Cyclo Club Beaulac-Bernos.

La saison commence vraiment en mars à Saint-Claud, où Esclassan gagne devant Bossis et Bourreau. Ensuite, Alain court quelques épreuves par étapes :

-        En avril, le Tour d’Indre-et-Loire (1. Saronni) où il se classe 65ème au final,

-        En mai, le Tour d’Aragon (1. Suarez-Cueva) et il termine 70ème,

-        En juin, le Midi Libre (1. Bortoletto), il est 65ème au général, et le Tour de l’Aude (1. F. Moser) où il finit à la 47ème place

Puis, en juillet, il court quelques kermesses en Belgique : Gistel (33ème), Zevekôte (31ème), Zottingen (23ème), Kampenhout (29ème).

En août, il est aux Trois jours de Leganès (communauté de Madrid) : 4ème de la deuxième étape et, aussi, de la 3ème, il termine 6ème au général.

En fin de saison, il remporte – associé à Jean-Luc. Confolens – le cyclo-cross à l’américaine de Jugazan (33). En Gironde justement où, en juin, il s’est classé 5ème du critérium d’Ambarès derrière : 1.F. Moser 2. Villemiane  3. Bazzo  4. F. Campaner.

 

 

A. Bernard teka.jpg

 

 ... la période espagnole : peu de temps avant Bernard  Thévenet, Alain trouve une place chez TEKA.

 

 

 

 

1979 : 

 

En octobre 1979, A. Bernard a 32 ans et cela fait bientôt 5 ans qu’il « galère » dans les rangs d’un cyclisme professionnel, lequel, depuis une dizaine d’années, connaît ses premiers chômeurs au gré des apparitions et disparitions des groupes extra-sportifs.

Déjà, au dos de la carte éditée par le groupe sportif « Teka » pour la saison 1978, est apparue, la mention « LMDS » (la mode du sport), marque pour laquelle Alain Bernard est le correspondant dans le sud-ouest. Ainsi que le déclare Gérard Moneyron (alors trésorier de l’UNCP et qui a trouvé refuge chez « Flandria ») : « on ne pouvait être à la fois coureur cycliste professionnel et représentant de commerce ». En effet, être « coureur cycliste professionnel » doit, en principe, signifier que le coureur est en situation de pouvoir décemment « gagner sa vie ».

Pour cette saison 1979, la licence FFC d’Alain identifie le « professionnel 2ème catégorie au sein du CC Beaulac-Bernos. En course, il porte le maillot vert du G.S. « Les amis du Tour de France », une équipe où il retrouve deux autres « pros » du sud-ouest : F. Campaner et G. Simonnot.

 

 

 

les amis du TdF 1979.jpg

 

 Au départ du Criterium National , l'équipe des "Amis du Tour de France" : JP. Loth (d.s.), JP. Hosotte, H. Inaudi, D. Coccolo, F. Campaner, A. Bernard, C. Calzati, JM. Guérinel, J. Toso, P. Busolini, P. Hosotte et A. Budet.

 

 

 

Lorsqu’il rédige son palmarès, Alain dresse le bilan de cette saison qui fait apparaître une nette diminution du nombre de jours en course. Outre les conditions économiques et la relative précarité de l’existence de son équipe, A. Bernard souffre d’une douleur dorsale qui se répercute sur la jambe droite. Classiquement, la médecine y voit une « sciatique ». Difficile d’ « être efficace au plus haut niveau quand on pédale d’une jambe », écrit Alain. Et, il attribue à G. Zaragoza, kinésithérapeute de son état, la découverte de l’origine du mal : une jambe droite plus courte, donc une position qui, au fils du temps et des efforts, génère des douleurs et des engourdissements.

Timidement commencée à Bessèges en février, suivie du Critérium International le 24 mars à Draguignan (1. Zoetmelk), la saison se poursuit en mai au Tour de Picardie (1. B. Hinault) qu’il termine à la 65ème place, puis, en juin, au Tour du Luxembourg (1.L. Didier) où il abandone lors de la 4ème étape. De la fin juillet jusqu’à la première quinzaine d’août, Alain court une dizaine de critériums. Le 1er septembre à Fougères (35), il se classe 10ème d’une course gagnée par B. Hinault et, le 30 du même mois, il termine 113ème du Grand Prix d’automne, désormais « Blois-Chaville » (1. Zoetmelk 2. Saronni 3. Raas). Novembre et décembre le voient dans quelques cyclo-cross, dont celui de Jugazan, où il gagne à nouveau en compagnie de JL. Confolens.

Ainsi se termine l’expérience d’Alain Bernard dans le cyclisme professionnel. Mais, en 1980-81-82, le coureur reprend une licence FFC « senior A » pour terminer sa carrière à l’US Bouscat. 

 

 

 

A. Bernard être pro et....jpg

 

 Les 6 maillots d'une existence de coureur professionel - plus ou moins stable - dans les années 70.

  

 

5. Finir à l'U.S. Bouscat (1980-1981) :

 

De la saison 1980,  commencée aux Girondins de Bordeaux puis continuée à l'US Bouscat, A. Bernard écrit, le 24/03/2020 : "catastrophique, une année blanche".

Toujours sous licence "pro" ("une tolérance de la part de la FFC pour les coureurs n'ayant pas retrouvé  d'équipe ... jusque fin février 1980"), il accepte, à la demande de l'UNCP de participer au championnat de France de cyclo-cross à Langres, le 13 janvier 1980.

Il en revient quelque peu désemparé : les changements apportés (cale sous la semelle de la chaussure) n'ont fait qu'empirer le mal. Il souffre du dos et n'a plus de force dans la jambe droite.

Première décision : il stoppe l'aventure chez les "pros" et prend une licence amateur aux Girondins de Bordeaux qui l'ont sollicité.

Lors du Tour du Sud-Gironde, toujours souffrant de la jambe et du dos et, de plus, déçu par ses dirigeants, il pense arrêter définitivement.

C'est Max Laville et l'Union Sportive Bouscataise qui le remettent en selle à partir de juillet.

 

En 1981, A. Bernard gagne en août à Beaumont-de-Périgord. En septembre, il finit 2ème du Prix A. Reix à Saint-Junien derrière Duprat et devant Fedrigo, Bajan et Valade. Cette avant-dernière saison se solde par 2 victoires (avec JL Confolens, il a encore gagné le cyclo-cross à l'américaine de Jugazan) et 15 places dans les dix premiers entre juin et octobre.

 

En 1982, il gagne au Lardin-St. Lazare (24) en août et il se classe 28 fois dans les "10" entre mars et septembre. Alain est encore bien là dans ce grand sud-ouest qui va de la Haute-vienne au Tarn-et-Garonne en passant par la Charente, la Dordogne, la Gironde et le Lot-et-Garonne.

 

Depuis longtemps déjà, A. Bernard s'est occupé de sa reconversion. Après quelques hésitations (portefeuille d'assurance, éducateur diplômé...), il est devenu correspondant pour "La Mode du Sport" (74), une maison qui produit les vêtements griffés "Bernard Thévenet". Avec sa femme, Joëlle, ils ont élevé deux enfants : une fille, Christelle et un garçon, Cedric. Ce dernier a eu deux garçons : Loris et Luca, lequel faisait ses débuts dans le cyclisme lors de ma visite en janvier 2018.

 

 

Conclusion :   A quoi tient la réussite ?

 

 

Nous n’aurons pas l’outrecuidance de vouloir répondre à cette question. 

 

Trop facile ! me direz-vous. Tout le monde n’a pas la chance de s’appeler Poulidor ou d’être repéré par Bernard Gauthier dans un critérium. Evidemment, nous forçons le trait, peut-être jusqu’au mauvais goût… Mais, ils sont si nombreux ceux qui croient pouvoir répondre : « Moi M’sieu ! Moi M’sieu ! » et puis : « le Mérite ! la Chance ! ou le Travail ! le Talent ! »

 

Au fil des entretiens avec les anciens coureurs, il nous revient quelques formules. Ainsi, Daniel Barjolin qui affirme avoir préféré « être un très bon amateur plutôt qu’un mauvais « pro ». A quoi fait écho cette déclaration de Jean Ricou : « je n’aurais jamais dû passer « pro », j’ai déçu beaucoup de gens ».

 

Me reviennent encore les propos de Maurice Laforest, sollicitant mon avis à ce moment crucial où il fallait choisir : « to be or not » (« pro ») ? Maurice avait couru la course de la Paix dans une équipe de France, dont le leader Bernard Guyot avait été le premier Français à remporter cette grande course « amateurs », en 1966, bien avant la chute du mur de Berlin !

 

Et, Bernard Guyot dont les performances suscitaient les prédictions les plus optimistes…

 

Résonne aussi le témoignage de Claude Perrotin concernant son ami Michel Grain et la révélation (pour moi) du trouble produit par une situation où l’on n’est plus « professionnel » et qu’il n’y a plus de catégorie « indépendant » et qu’il n’est pas vraiment question « d’arrêter »…

 

 

Interrogé sur sa méthode, l’écrivain Pierre Lemaître (Prix Goncourt 2013, « Au revoir là-haut »), dont le dernier titre « Miroir de nos peines » occupe la tête du classement des livres publiés récemment, insiste sur le choix de ses personnages, lesquels, a priori, ne sont pas des « héros ». Un peu de la même façon – mais à notre niveau, bien sûr – « memovelo » a délibèremment choisi des coureurs, non pas anonymes, mais sur lesquels jamais aucun « livre » n’a été écrit. D’excellents coureurs certes et que nous admirons beaucoup, comme peuvent le faire les « passionnés de cyclisme », mais des hommes ordinaires aussi, parce que nous pensons qu’il y a une vie au-delà du vélo (malheureusement pas pour tous).

 

Alors, nous revient aussi le début de colère (vite étouffée) de Pierre Nardi, l’excellent mais surprenant vainqueur du « Midi Libre » en 1953, alors qu’il est « indé ». Bientôt, il est « pro » et, tout de suite après (ou presque) il redevient « indé ». Son début de colère s’entend dans cette déclaration : « en France, il n’y a que le Tour ! »

 

 

Justement, comment se distribue le mérite sinon la chance ? Pourquoi cette course (tiens !) au palmarès et cette tentative de comparaison impossible (quel est le meilleur coureur du XXème siècle ?) ?  

 

L’opinion de Daniel Barjolin entendue, faut-il pour autant mépriser le statut de « pro » ?

 

Par exemple, quand j’aligne les noms de Maurice Bertrand, Jacques Bianco, Michel Brux, Daniel Walryck, Jacques Sabathier ou Bernard Dupuch, tous excellents « indés », passés « pros » puis redevenus « indés » et, très conscient du constat de R. Marillier (Cyclisme n°17, janvier 1970) selon qui des « coureurs détenteurs d’une licence « amateur » vivent du vélo en grande partie », comment ne pas comprendre que « passer « pro » est le but légitime poursuivi par tout coureur « réussissant » chez les « amateurs » … ?

 

Mais, qu’est-ce qu’un « pro » qui ne fait jamais le « Tour » ? J’entends bien le mépris qu’une telle question peut recéler. Alors, je prends l’exemple de Fernand Delort ( j’entends déjà les donneurs de bons conseils) et je demande : « n’y a-t-il pas eu d’autres « pros » engagés dans le « Tour » qui ne le méritait pas plus que Fernand ?"

 

Charly Wegelius, dans le livre « Gregario », nous confronte à une autre interrogation : « quel est le palmarès aujourd’hui de certains « pros » après plusieurs années dans le « métier » ?

 

Ces coureurs qui passent leur vélo, ramènent dans le peloton et « tirent des bouts droits », oui, ce sont des « pros », car ils font leur métier.

 

Cependant, cette évidence ne dispense pas de s’interroger sur les logiques qui se concurrencent :  sportive – commerciale – de stratégie de course – individuelle en termes d’accomplissement et/ou d’épanouissement… 

 


 

 

 Tableau réalisé avec les données de son palmarès (1963-1982)recueillies par Alain Bernard:

 


 

tableau capture d'écran.png

 

 

 

 

AB étape Tour Avenir 74.jpg

 

 

 

 

            Les courses par étapes auxquelles Alain Bernard a participé entre 1966 et 1979

 

            . Tour du Béarn 1966, 1970 (1 étape et 11ème), 1973 (1 étape)

 

            . Tour du Bordelais 1968

 

            . Copa Vointa  (Roumanie) 1968 (43ème)

 

            . Boucles de l’Aude 1969

 

            . Tour des Landes 1969 (1 étape)

                     

            . Tour du sud-ouest 1969, 1970 (1 étape), 1971 (1 étape et 1er)

 

            . Tour du Pays Basque 1970 (1 étape)

 

            . Tour du Maroc 1971 (1 étape et 6ème)

 

            . Tour de Pologne 1971 (76ème)

 

            . Tour de l’Avenir 1972, 1974 (1 étape)

 

            . Tour de Yougoslavie 1972 (61ème)

 

            . Tour de l’Ampurdan 1973 (1 étape)

 

            . G. Px. Greenall Whitley (GB) 1973 (18ème)

 

            . Course de la Paix 1973 (40ème)

 

            . Etoile de Bessèges 1974, 1977, 1979

 

            . Tour de l’Aude 1974 (19ème), 1976

 

            . Tour de l’Oise 1974, 1975 (36ème), 1976 (26ème)

 

            . 4 jours de Dunkerque 1974

 

            . Paris-Nice 1974 (ab. 2ème étape)

 

            . Tour d’Indre-et-Loire 1974, 1977, 1978 (66ème)

 

            . Tour du Limousin 1975 (37ème), 1977

 

            . Tour de Corse 1975

 

            . Etoile des Espoirs 1975, 1976, 1977 (8ème)

 

            . Circuit de la Sarthe 1976 (40ème)

 

            . Midi Libre 1976 (42ème)

 

            . Tour Méditerranéen 1976 (ab. 2ème étape)

 

            . 3 jours de Leganés 1978 (6ème)

 

            . Tour du Luxembourg 1979

 

 

 

 

 fait à La Prade, le 2 juin 2020.

 



02/06/2020
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