Memovelo

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Daniel PANDELE et Michel CORTINOVIS, les frères CAMistes

 

 

    

 

                    Nés tous les deux en 1961, à un mois d’intervalle, ils renouvellent – à la fin des années 70 et au cœur des années 80 – la tradition bordelaise de la piste et des vélodromes. Daniel et Michel sont les dignes représentants de cette école du cyclisme et de la piste que le CAM de bordeaux, à la suite du SAB, perpétue jusqu’à nos jours. Dans la lignée de leurs glorieux prédécesseurs : les Verdeun, Suire, Rebière …, ils participent aux prestations de l’Equipe de France et, cela, dans un contexte marqué par la disparition du « Vel d’Hiv » à Paris en 1959 et, un peu plus tard, du vélodrome de Lescure, à Bordeaux en 1986. Elevés ensemble dans ce club, auquel ils restent fidèles, ils incarnent les deux types d’effort que cultive la piste : le rouleur et le sprinter.

 

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Au milieu des années 70, la "pépinière-pouponnière"  du CAM devant lavitrine du sponsor. Daniel et Michel avec leurs "potes", A. Lesbats,  Sauviac, Redoulez,Dominguez, Garbay,… encadrés par "Bébert" Lesbats à gauche et  R. Tastet, le président àdroite.

                                                                  

 

 

 

 Daniel PANDELE

 

 

            De ses débuts en cadets au CAM en 1976 jusqu’à sa dernière saison en 1996, il est resté fidèle à ce club, pendant 20 ans. Et, René Lesbats précise : « il y a perdu beaucoup d’argent ! ». Daniel, lui, s’y trouvait bien, il s’y sentait bien entouré et il était avec ses copains. « Si on veut évoluer au plus haut niveau, il vaut mieux être bien dans sa tête », ajoute-t-il.

Question d’époque et de mentalité, aussi. « A mon époque, il était possible de rester au CAM et de continuer le haut niveau. Aujourd’hui, ce n’est plus possible : même mon fils, Sylvain, n’a pas pu ».

Cependant, D. Pandelé ne regrette pas de ne pas être passé « pro », même s’il a eu deux propositions ( au début puis au milieu des années 80 ), l’une venant de « Peugeot » et l’autre de « La vie claire ».

            En provenance de l’US Bouscat, il est venu au CAM retrouver son copain Alain Lesbats. Minime puis cadet, il se fait remarquer parce qu’il est souvent « le premier échappé, puis le premier lâché ». De ces débuts « difficiles », il émerge grâce au cyclo-cross, où il se met à gagner et devient champion d’Académie en 1977.

 

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"premier échappé, premier lâché", le déclic pour Daniel, c'est le cyclo-cross : premières 

victoires et premier titre.

 

 

A l’école d’Albert Redoulez, il élargit sa palette et devient, en 1978, champion de France scolaire en vitesse et course aux points, chez les cadets. Les leçons ont porté et Daniel devient, rapidement, un spécialiste de la course aux points. Cette spécialité, où il faut toujours être placé, savoir tenir le compte des points marqués, être « stratège ». Beaucoup plus tard, Daniel dit avoir « aimé la course à l’américaine avec son complice Dominique Péré ».

 

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1989 : les premiers "Six Jours" de Bordeaux, dans l'enceinte du Stadium à Bordeaux-Lac

et la paire 100% bordelaise et amateur (formée au CAM) : Bruno Bannes et Daniel Pandelé.

 

            Il s’agit d’abord d’un pistard, qui a commencé sur le « ciment rose de Lescure » et qui, avec ses « potes » : Alain Lesbats, Michel Cortinovis, Michel Sauviac, commence à glaner les titres en Aquitaine. Dès 1978, Daniel et Michel sont sélectionnés pour une première grande aventure aux Etats-Unis, à Trexlertown, où ont lieu les championnats du monde juniors. Daniel doit cette sélection à sa présence « in extremis » au sein de l’équipe d’Aquitaine de poursuite olympique, qui remporte le titre de championne de France, cette année-là. C’est le début d’un bail avec l’Equipe de France, qui s’achève sur une sélection pour les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992.

Cependant, cette relation à l’Equipe de France et à ses cadres techniques ne sera pas sans éclipses. Entre ses débuts en Equipe de France juniors (après les championnats du monde aux Etats-Unis suivent en 1979 ceux de Buenos Aires (Argentine), où il obtient avec l’équipe nationale une médaille d’argent en poursuite olympique) et cette « apothéose » de sa carrière à Barcelone, il « rate » les Jeux de Moscou (1980), Los Angelès (1984), Séoul (1988).

Parfois remplaçant, souvent oublié, il vit à ses dépends un nouvel épisode du rapport toujours inégal entre Paris et la Province.

Bordeaux a longtemps occupé cette place d’interlocuteur privilégié du cyclisme sur piste parisien, notamment grâce à ses vélodromes (du Parc et du Stadium, autour de 1900, puis de Lescure et du « Stade municipal » (A. Marquet) à partir de 1924), mais aussi grâce à ses champions les frères Lapébie, les frères Verdeun, André Darrigade… Or, entre 1984 et 1989, il n’y a plus de vélodrome à Lescure et à Bordeaux. Ainsi que nous l’avons déjà rapporté ici, en reprenant la formule du grand journaliste J. Ladoire (« Sud-Ouest »), le spectacle du football « a avalé l’anneau rose de ciment ».

Et, « quand il n’y avait pas de vélodrome, on allait à Aire / l’Adour » raconte D. Pandelé. Il ajoute :  « ce n’était pas trop préjudiciable pour un routier-coureur de fond comme moi… », mais la situation était autrement plus critique pour les sprinters, dont Michel Cortinovis, pour lequel A. Redoulez avait déniché un bout de piste désaffectée du côté de Mérignac…

Bordeaux, aujourd’hui nanti d’un vélodrome couvert et d’un Pôle France, qui produit de nouveaux talents (Laffargue, Labèque, Boudat… entre autres), était en ce temps-là en position de fragilité. Il est donc remarquable qu’un garçon comme Daniel Pandelé ait enfin obtenu  cette reconnaissance au moment où la « tradition bordelaise de la piste » revivait – par la volonté de son maire, J. Chaban-Delmas – grâce au Stadium du Lac. Avec des débuts retentissants : courses de Six Jours, organisation de championnats…

 

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1992 : de retour du Colorado, l'Equipe de France de poursuite olympique termine sa préparation

au vélodrome de Bordeaux-Lac avant les Jeux Olympiques de Barcelone, Hervé Dagorne, Daniel Pandelé, Jean-Yves Mançais et Pascal Potié.

 

           

            En 1981, Daniel devient champion de France de poursuite amateurs à Reims.

 

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       1981, Reims : premier titre de champion de France pour Daniel Pandelé. Même s'il y a 

      poursuite, il y a aussi effort solitaire et, déjà, plus de "dirigeants" que de coureur...

 

 

C’est l’époque de l’après- Bondue et, en Aquitaine, de l’après-Rebière. D. Pandelé sera titré encore à trois reprises :

                          - 2 fois avec l’Aquitaine en poursuite olympique (1984 : Bannes-Cortinovis-

                            Dief et 1987 : Gourmelon-de Bacco-Surault)

                          - en 1988, sur le vélodrome d’Aire/Adour, dans la « course aux points ».

            Michel Lesbats, l’archiviste du CAM, a minutieusement comptabilisé les victoires de Daniel. Il arrive à ces chiffres :

            - 7 titres de champion de France

            - 8 participations aux championnats du monde

            - 32 titres de champion d’Aquitaine

            - 54 vélodromes pratiqués (dont 18 hors de France)

… et, bien sûr, cette participation aux Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, sur le soir d’une carrière qui s’achève en juillet 1995. Depuis 1993, Daniel s’use face aux objectifs et aux contraintes qui leur sont associées.

 

 

            En réalité, D. Pandelé a toujours été attiré par la route.

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      Macau, cadet 2ème année : premier bouquet  pour une première victoire "en solitaire".

 

Dès 1983, il tente d’accorder la priorité à la course sur route et,  cette année-là, il participe au Ruban granitier breton. Ainsi, jusqu’en 1994 et cette belle victoire dans le Circuit du Marensin, Daniel combine ses prestations sur les vélodromes (en France, dans le monde et dans la région) avec les courses sur route :

 

                - courses par étapes : Route de France 1985, Tour de Normandie 1987-88-90, Tour du Poitou-Charentes 1988, Ronde de l’Isard 1987-88, Tour du Loir-et-Cher 1991, Tour des Landes (2ème en 1990 et 3ème en 1992), Tour de Gironde ( 3ème en 1987 devant A.  de Las Cuevas 4ème, 5ème en 1991, vainqueur d’une étape en 1985), les 3 jours des  Mauges 1991, Tour du Nivernais-Morvan, Tour de Nouvelle-Calédonie 1994. La victoire à laquelle D. Pandelé attache beaucoup de prix, c’est cette 4ème étape «Paysandou-Salto » (160 km) dans le Tour d’Uruguay 1991, auquel il participe avec l’Equipe de France amateurs, l’après-midi d’un contre-la-montre qu’ il a terminé 4ème le matin, et dans laquelle il termine détaché après avoir tenu le peloton à ses trousses à bonne distance jusqu’à l’arrivée.

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        Tour d'Uruguay 1991 : Daniel a tenu son guidon jusqu'à la ligne...

 

               - quelques belles victoires, comme le « Royan-Blaye » de 1987 (2ème en 1991), le Tour du Blayais (2ème en 1987), le criterium de Beaulac-Bernos 1989, « l’Enfer Béarnais » 1990, la « Flèche landaise » 1990, le Gd. Px. du C.A. Bègles 1992, le Gd. Px. de Lugagnan 1992, le Prix de l’Asperge à St. Christoly 1991, le Gd. Px. du Haillan (2 étapes) 1993, le Circuit du Marensin 1994…

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      A peine rentré des championnats du monde sur piste à Stuttgart, Daniel gagne à Rion-des-Landes.

 

              - auxquelles il convient d’ajouter : 2 titres de champion de Gironde sur route, à Mazion en 1985 et à La Rivière 1989 et, aussi, un titre de champion d’Aquitaine route-sociétés à Houeilles en 1991(avec les frères Peré et M. Cortinovis). En 1987, il termine 2ème du championnat d’Aquitaine route individuel derrière F. Lajo.

             - dans les souvenirs reste aussi cette échappée dans le Circuit de la Chalosse avec Christophe Dupouey, où ils sont victimes d’une erreur d’aiguillage à proximité de l’arrivée.

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      Au départ de la "Tomate", un sacré trio de la fin des années 80 : Pandelé-Sonson-De Las Cuevas.

 

            Au total, une carrière longue et, comme le précise J.J. Rebière – alors C.T.R. – «  ce  sont des semaines et des semaines de stage, des heures et des heures d’entraînement, de longs moments de préparation loin du milieu familial ». De son mariage avec Muriel sont nés deux garçons :  - Sylvain, aujourd’hui 25 ans, qui combine un emploi à temps partiel au « Décathlon » de Bouliac avec une activité de coureur sous les couleurs de St. Martin de Seignanx. En 2012, Sylvain a remporté une étape du Tour de Gironde à Braud- St. Louis,

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Petit matin à Chantecigale (le soleil perce): c'est toujours l'aîné (Sylvain) qui montre le chemin à suivre

(à Audric).

 

                - Audric, 20 ans, qui a arrêté le vélo en juniors 2ème année, peut-être parce qu’ « il n’aimait pas assez ça » ou bien parce qu’ « il voulait des résultats tout de suite » et que, « dans cette région, sans le sprint… » Il suit désormais une formation d'ingénieur en informatique.

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       Daniel et deux supporters : le grand est Jérome Lesbats, fils de Michel, et le petit,  Sylvain

      Pandelé… tous deux futurs coureurs cyclistes.

 

           

            Sans éluder cette question qui s’est, forcément, posée : comment vivre décemment quand on est coureur sur piste ? (pas seulement, mais enfin…) Il y a eu le « statut d’athlète de haut niveau » en 1990 à l’approche des J.O. de Barcelone et cet emploi à l’U.C.P.A., mais, comme tous les autres athlètes embauchés par cet organisme, Daniel est licencié en 1992…

Nanti d’un C.A.P. d’électricien obtenu au cours de sa scolarité au Vigean, D. Pandelé a cru, un instant, pouvoir bénéficier d’un emploi à EDF, comme cela avait été le cas pour Ermenault. Hélas, les frasques d’un rugbyman bèglais ayant bénéficié d’un tel contrat avaient laissé un trop mauvais souvenir au directeur régional de l’époque.

            En 1996, son idée du « baptême de piste » séduit Mme Janning, directrice de la société « Axel Vega », gestionnaire des grosses installations sportives de la ville de Bordeaux. C’est d’abord un premier emploi de moniteur 3heures par semaine, puis un emploi constitué d’un mi-temps pour la piste et d’un autre mi-temps d’électricien. Cependant,la complexité des installations (particulièrement à la patinoire) dépassant ses compétences, il est recentré sur le vélodrome avec le statut « d’employé polyvalent et moniteur » (qu’il partage avec Gilles Zech) et, depuis 1997-98, il est installé dans le rôle de « régisseur-responsable ».

            Ce pourrait être la « morale de cette histoire », qui est celle d’un « athlète de haut-niveau », sélectionné olympique, titulaire d’un brevet d’Etat et d’un brevet fédéral, d’un C.A.P. d’électricien et… père de famille. Son idée de l’ouverture du vélodrome aux civils (reprise à Roubaix, annoncée à St. Quentin en Yvelines) touche cependant à certaines limites, comme cette décision surprenante du rectorat de l’Académie de Bordeaux qui empêche le vélodrome et son responsable d’accueillir des classes du secondaire pour pratiquer le cyclisme sur piste.

 

            Né au Bouscat un 24 décembre, fils d’une mère espagnole et d’un père chaudronnier aux Chantiers de la Gironde, nourri au sein du CAM, Daniel Pandelé  éprouve encore « presque le besoin de mettre un dossard ». Depuis 2010, il court des « trails » et il nous parle concrètement de cette nouvelle activité : « dans le « Canigou », le premier met 3heures, moi je mets 6 heures 30, mais tout le monde est applaudi… », parce qu’il « y a tellement de mauvaises langues dans le vélo !». Ainsi, ces paroles à lui adressées du bord de la route au cours d’un duathlon :  « Ah ! on ne peut pas être et avoir été… ». Ce à quoi, Daniel ne s’est pas gêné pour répondre : « Oui, mais moi… »  

 

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      "Il voyage en solitaire

        Et nul ne l'oblige à se taire"  (Gérard Manset)

 

       

 

 

 

 

 

  Michel  CORTINOVIS

 

 

            Le récit de son voyage chez les coureurs cyclistes, Michel Cortinovis l’emprunte à sa vérité. Et, chez cet homme de 52 ans, j’entends à la voix que le choix de la sincérité est dicté par les expériences vécues.

On peine à retrouver le cadet aux mèches collées sur le front par la sueur, qui, derrière ses yeux plissés et malgré le bouquet dans ses bras, tarde à manifester la joie du vainqueur.

 

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                  Michel , ado et … coureur cycliste.

 

 « J’avais du mal à accepter ce physique différent… j’étais en avance sur les copains, sur les ados de mon époque… » et Michel en convient maintenant : « j’étais très complexé ».

 

            La course Bordeaux-Castillon et retour qu’il gagne en 1978 à 16 ans et 4 mois lui fournit l’occasion de nous initier aux aléas d’une psychologie de jeune vainqueur. Chacun – particulièrement les adeptes de la « rive droite » - sait le parcours par Camarsac et Branne et, pour finir, l’arrivée dans la côte de l’Empereur à Cenon. La « classique bordelaise » du début de saison a vu, parfois, plus de 200 coureurs au départ. Michel suit « les conseils de Bébert (Lesbats) », il ne se montre pas : « je filochais dans les roues ». Mais, à l’approche du but, il « prend des risques insensés pour être dans les 10 premiers, au pied de la côte ». Il se souvient ensuite d’avoir rattrapé Ballion, puis un par un d’autres coureurs, « cuits », pour passer la ligne d’arrivée, sans savoir qu’il était « premier ». Ce n’est que quand il a vu ses parents courir vers lui et sa mère criant : « Michel ! », qu’il a su…

 

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       1978 : en haut de la côte de l'Empereur au terme d'un effort total, sur son vélo Michel fait

       plus que son âge !

 

            Cette maman qui, devant l’énergie du petit bonhomme, l’avait mis au judo. Et, vers 11-12 ans, il voit passer devant lui un peloton de coureurs. « Les cris, les couleurs, le souffle », ce fut un éblouissement.

A Paris, il y a le cousin Serge Arias. Il a été champion d’Ile-de-France de poursuite et vainqueur du Grand Prix de la Boucherie, puis il s’est arrêté de courir précocement. La mère de Michel sollicite ses conseils. Le cousin ne lésine pas, il envoie un vélo de piste, un vélo de route et des maillots. Aujourd’hui, Michel avoue :  « Je ne savais pas du tout ce que c’était ». Mais, sa mère l’emmène voir des courses. Michel n’adhère pas tout de suite.

Néanmoins, il prend une licence au Bouscat, « chez Max Laville ». Il se souvient de sa surprise et de sa maladresse quand il faut « se raser les poils sur les jambes ». Puis, dans une course, il accroche son guidon avec celui d’Alain Lesbats dans un virage, et c’est la chute.

Survient alors « Bébert », lequel « ne s’est pas seulement préoccupé de son fils ». Qui, en plus, découvre que les boyaux de Michel ne sont pas collés . Une faute pour René Lesbats qui, toujours, prend soin de la sécurité. Alors, Mme Cortinovis dit : « Ce Monsieur Lesbats ! » et Michel rejoint le CAM l’année suivante.

 

            Maintenant – sans plaisanter – M. Cortinovis raconte : « Je suis tombé au bon endroit, au bon moment ! » … au milieu de copains d’école, comme l’étaient Alain Lesbats et Daniel Pandelé, avec un entraîneur, Albert Redoulez, qui, sur le plan sportif, tactique et mécanique complètait parfaitement la férule morale de « Bébert ». Mais, Michel en convient désormais : « J’étais un assisté » pour lequel le dérailleur conservait encore quelques mystères. Et, de donner l’exemple de son désarroi quand, arrivé en Equipe de France, il s’est entendu dire : « Tiens ! voilà ton plateau et tes roues… »

 

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       Buenos Aires, 1979 : l'Argentin Faris regarde le Français Cortinovis, "mais c'est qui ce 

       type-là ?"

 

             L’aventure avec l’Equipe de France commence dès 1978 avec les championnats du monde juniors aux Etats-Unis (à Trexlertown). Déjà champion en Aquitaine depuis les rangs des cadets, il est aussi parvenu en finale du championnat de France amateurs de vitesse où il a été battu par Cloarec. Il termine aussi 3ème du Km départ arrêté.  A la D.T.N., on l’estime « pas tout à fait dégrossi, mais dont la densité athlétique et le « jus » constituent un visa pour un avenir hautement qualifié ». De son côté, Daniel Morelon parle du « meilleur sprinter régional depuis 1977 » et il l’encourage à « choisir la piste »… (après Bordeaux-Castillon , Michel vient de gagner Bordeaux-Arcachon).

 

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      Lyon, vélodrome de "laTête d'Or", championnat de France sur piste juniors : finale de la vitesse,

     1. Michel Cortinovis 2. Jean-François Dury.

 

En 1979, Michel est champion de France juniors de vitesse sur le vélodrome de la « Tête d’Or » à Lyon, puis vainqueur du « Kilomètre Rustines » (après J. Suire en 1960, D. Morelon en 1964, G. Trentin en 1968, Y. Cahard en 1977 et F. Depine en 1978). A Alençon, en Normandie, il se classe 3ème du championnat de France seniors de vitesse derrière Cahard et Depine, justement, et après avoir battu en finale pour la 3ème place E. Vermeulen, qui à ce moment-là court pour l’Ile-de-France.

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       Alençon, finale pour la troisième place du championnat de France de vitesse amateurs :

      Michel Cortinovis et Eric Vermeulen.

 

 Mais, en demi-finale, il y a eu un incident  avec Pontet, qui – heureusement – s’est terminé sans chute, juste du matériel abîmé. Pontet a été déclassé. Pour Michel, « c’était le choc des générations… », « arrivé chez les seniors, parfois inconscient,  je n’avais peur de rien… » 

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      Un "senior"  (Pontet) et un "junior" (Cortinovis), côté "muscles" on a  du mal à voir la

      différence, par contre, c'est plutôt "rictus" contre "relâchement"..?

 

On peut alors lire :  « Cortinovis, ce junior qui sème la perturbation chez les sprinters seniors en place… dont la classe éclate autant que sa puissance ». Morelon réserve Michel pour le Mondial juniors en Argentine. A Buenos Aires, Michel Cortinovis gagne deux médailles : l’argent en vitesse et le bronze sur le Km. Dans ces deux épreuves, Michel s’est « frotté » au redoutable Allemand de l’Ouest, Schmidtke (1’07’’93 au Km. contre 1’09’’26).

 

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           Podium du Km. aux championnats du monde  juniors à Buenos Aires, 1979 :

           2. Liepinch (URSS)    1. Schmidtke (RFA)  3. Cortinovis (France)

 

 

            Sa présence au plus haut niveau français dure 7 ans (1978-1984). Le « début de la fin », c’est – peut-être – cette place de second (la plus mauvaise) sur le podium du Km. aux championnats de France à Besançon en 1983. Le lauréat s’appelle alors Philippe Boyer, lequel écrit, 20 ans plus tard, « Champion, flic et voyou » (édts. La Martinière, 2003). J’avoue à Michel avoir déjà lu le livre. « Tu sais tout », me dit alors Cortinovis.

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       Philippe Boyer a rassemblé  sur la plus haute marche du podium ses adversaires du KM...

       "20 ans après…", il écrit : "Je ne suis ni un repenti, ni un donneur de leçons. Je m'avance

       seulement à visage découvert. Si l'on peut penser que j'ai fait fausse route, alors c'est le sport

       tout entier qui s'est égaré". Michel Cortinovis semble déjà y réflèchir...

 

 

D’autre part, il aimait « trop sa région » et il a refusé Paris et l’INSEP. Michel ne veut se souvenir que des « bons moments », des voyages et des pays traversés. Il exhibe une chasuble marquée :  « la Foulée Blanche » (Autrans) et me dit : « ça, je n’aurais jamais pu le connaître, s’il n’y avait eu l’Equipe de France ».

Sans doute convient-il d’ajouter à ce bilan – sous peine de paraître trop succint et trop naïf – la proposition qui lui est faite, en juillet 1982, d’entrer à France Telecom grâce au statut « d’athlète de haut niveau » (six mois à temps complet+six mois à mi-temps, sans modification de salaire). Il vivotait alors avec un emploi de magasinier que son père lui avait trouvé dans l’entreprise où ce dernier travaillait. Il suit les conseils de J.J. Rebière, qui lui a expliqué que c’était « une chance inouïe ». 32 ans après, titulaire chez France Telecom , M. Cortinovis travaille pour « Orange Business Services ». « Moi, qui n’avais aucun diplôme ».

 

            De 1980 à 1987, Michel Cortinovis est régulièrement champion d’Aquitaine de vitesse sur piste. Il y ajoute des titres sur le Km. (1981-1983-1984 et85) et en « poursuite sociétés » (1982-83-85). Si, aujourd’hui, il ne renie pas le choix de la piste, il désigne ce virage qu’il prend vers 23-24 ans, d’abord avec la poursuite olympique (champion de France avec l’équipe d’Aquitaine, en 1984 sur le vélodrome de Grande Synthe, en compagnie de Pandelé, Bannes, Dief et du C.T.D. E. Vermeulen), pour finir en 1991 sur le titre de champion d’Aquitaine « route sociétés » avec le CAM (D. Pandelé et les frères Péré).

Bien qu’il n’y ait pas eu « suffisamment d’épreuves », que le vélodrome de Lescure démoli soit remplacé par celui d’Aire/l’Adour, tous les 15 jours ou qu’A. Redoulez ait été obligé de dénicher un bout de piste près de l’aéroport de Mérignac pour « faire des séries », « le sprint a été le bon choix ».

La route sur laquelle il avait pourtant réalisé un premier exploit (Bx.-Castillon et retour en 1978) et confirmé par 2 victoires dans Bordaux-Arcachon ( 1979 et 1981, vainqueur au sprint d’une échappée à 4 : 2. Decima 3. Bannes 4. Suire), ne vient qu’en fin de carrière. En cette année 1990, il gagne coup sur coup à St. Augustin et à Bègles au terme d’échappées solitaires.
Puis, il monte en 1ère catégorie (à 29 ans !), dispute et termine le Tour des Landes.

 

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      Lever le bras  fait apparaître les sponsors. Aujourd'hui,  on étire  même le maillot pour les 

     désigner du doigt. Ici, Michel laisse apparaître sa joie d'une victoire sur la route...

 

 

            Entre temps, il a quitté le CAM en 1981 pour aller à Mérignac, cédant en cela à Jacques Suire et à ses arguments. Il renouvelle ses infidélités pour aller en 1986 à Talence et en 1987 aux Girondins. Aujourd’hui, il avoue :  « la plus belle connerie que j’ai faite, c’est de quitter le CAM ». Il s’est laissé séduire par « le côté financier » et, maintenant, il « trouve cela ridicule ». D’ailleurs, «j’étais tellement mauvais que ça ne valait pas le coup ».

Une première cassure a lieu en 1987 : « des kilos à perdre », il est « saturé, fatigué, écoeuré du vélo ». La renaissance aura lieu sur la piste de Mourenx pour le championnat d’Aquitaine 1988 où il s’affirme à nouveau aux dépends de F. Surault (3ème du championnat de France 1987). G. Bouscarel, le journaliste, décrit quelqu’un de « presqu’aussi ému qu’à 13 ans » et qui « n’avait même pas osé le rêver ».

 

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Retour aux "affaires" sur la piste de Mourenx en 1988, ici avec Fabien Surault. 

 

             A 30 ans, au moment d’un premier divorce, une autre cassure se produit. « Je n’avais plus trop de résultats »   et, ayant couru de 14 à 30 ans, il pense « avoir fait le tour ». « Il est temps de boucler la boucle » se dit-il en prenant conscience qu’il est entré dans cettecatégorie que lui-même appelait  « les Vieux », quand il a commencé vers 13-14 ans.

Malgré tout, « ça ne se fait pas en claquant des doigts ». Car, « on a tous besoin de continuer » et on a « tout intérêt à le faire » : « il faut entraîner cette machine-là qu’on a sollicitée très tôt ». Alors, Michel s’est mis à faire beaucoup de footing, à courir des semi-marathons. Le sprinter s’est converti à l’endurance.

            M. Cortinovis développe aussi une autre argumentation : « le sport, c’est l’émotion, ce sont des moments d’émotion, de plaisir… la folie des courses, les risques que tu prends dans un état second… Quand tu t’arrêtes, tu ne les a plus, et ça manque… la vie paraît morne et ennuyeuse… »  Et, c’est quand le téléphone ne sonne plus (que)… tu découvres que personne ne s’intéressait vraiment à toi… »

            Finalement, à 50 ans, il considère « la course cycliste comme un reflet de la vie ». « Quand mon « ex » est partie », c’est « comme une chute à vélo : tu te retrouves par terre et tu ne comprends pas pourquoi… comme dans la course, tu peux être devant puis derrière, puis tomber… tu peux rencontrer de mauvaises personnes… »

            Il y a donc eu quelques « années noires »… Et puis, un soir, alors qu’il rentre d’un footing, il voit  un camion noir garé devant chez lui. Il craint un cambriolage, mais lorsqu’il s’approche, il découvre ses potes du CAM : D. Pandelé, A. Lesbats, E. Garbay, E. Campaner, qui sont venus l’arracher à sa solitude. « Quelle surprise ! » s’exclame-t-il, ajoutant aussitôt « suivie d’une soirée inoubliable ». Michel énonce : « Voilà ! c’est ça le cœur du CAM, une âme de gens qui ont un grand cœur ».

 

            Le père Cortinovis, un Italien immigré en Lot-et-Garonne, était très fier de montrer le lundi au travail les résultats de son fils dans le journal. Il avait fait la Légion, puis trouvé cet emploi dans une grosse entreprise bordelaise, parce qu’il fallait « élever quatre enfants ».

« Un homme à la vie tonitruante », gros fumeur, mais qui « nous a appris le courage et le respect, soit la base de beaucoup… » reconnaît Michel.

 

            Michel Lesbats m’avait prévenu :  « il n’a rien gardé ». Surprise ! M. Cortinovis revient avec une vraie valise de souvenirs : des maillots, des dossards, des photos, des affiches… Les trophées, un temps conservés, ont été donnés pour être recyclés dans la grande boucle des récompenses.

Il retrouve le maillot envoyé par le cousin Arias : un maillot à manches longues d’un bleu fané sur lequel on peut lire « Ripolin » (sic). Cela lui donne l’occasion de m’initier aux mystères de la publicité extra-sportive, en me montrant ensuite le maillot rouge-oranger « Zeus-Concho » avec lequel il fut sous contrat. Il me raconte maintenant avoir reçu un coup de téléphone de ce sponsor qui l’a reconnu sur une photo portant son maillot-fétiche « Ripolin ».

Il n’a pas apprécié et lui signifie clairement que « ce qui a été promis, n’est plus dû ». Michel Cortinovis laisse tomber : « C’est ça, le sponsoring ! » 

 

 

Cortinovis 12.jpg
Championnat de France de vitesse amateurs, Alençon 1979 : 1. Hervé Cahard  2. Franck

Depine  3. Michel Cortinovis, 18 ans...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  



06/05/2014
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