André LESCA
Pendant plus de vingt ans (entre 1948 et 1970), il a marqué le cyclisme départemental et régional. Mieux, il a conquis quatre maillots tricolores, puisqu’il a été deux fois champion de France des indépendants (1952 et 1955) et deux fois champion de France des vétérans (1967 et 1969).
Le nom d’André Lesca était dans tous les quotidiens régionaux qui relataient les courses du samedi, du dimanche et du lundi.
Portrait de famille au vélodrome de Damazan (Betbézè) : une image du cyclisme lot-et-garonnais, avec l'Abbé Jobert et (de G. à D.) : Tino Sabbadini (de dos), Hervé Prouzet, André Lesca ("qui n'aimait pas la piste", dixit Ginette) et Jacques Bianco.
En Guyenne, dans les années 1950 et en compagnie des : Felix Adriano, Pierre Barrière, Jean Bertocco, les frères Bianco (Jacques et Jo), Gino Bisetto, Claude colomina, Roger Durand, Lino Negroni, les frères Pineau (Jacques et Jules), Honoré Pontoni, Hervé Prouzet, Settimo Perin, Tino Sabbadini et quelques autres, il incarne cette suprématie du cyclisme lot-et-garonnais, à propos de laquelle Bernard Peccabin (photovélo.2007) a trouvé ce joli titre : « La grande odyssée du Guidon Agenais ».
André Lesca , de Xaintrailles, champion de France des "indés" 1952 et 1955
« il n’est pas que les pruneaux qui sont de qualité en la ville d’Agen »
(Georges Drouard, journaliste)
1, 70 m pour 74 kg, le « sprinter aux cuisses d’haltérophile » est un gaillard assez râblé qui respire la santé. Le journaliste (Robert Mélix) ajoute : (il) « rappelle par plus d’un point Albert Dolhats : trapu, puissant et aussi rapide que le Landais ».
André Lesca était plutôt introverti voire effacé, n’ayant pas « la grosse tête », mais il n’était pas timide non plus. « Cet homme au caractère bien trempé » pouvait, parfois, avoir le « poing facile ».
Né à Xaintrailles, village à 35 km d’Agen, en 1927, il est élevé dans une famille de modestes cultivateurs et petits commerçants. Entre 1939 et 1945, il passe son adolescence entre la ferme et l’épicerie, dans ce vieux bourg perché sur une butte et connu pour son château du XIIIème siècle et son gentilhomme gascon, Jean Poton, compagnon de Jeanne d’Arc. Mais, comme le souligne Alex Bigorre dans « le Patriote » (11/08/1955), il n’est pas question d’oser la comparaison, tant « l’excellent Dédé risque(rait) de se montrer effaré ». En fait, « le probe et sympathique champion dont la modestie n’a d’égale que son affabilité (…) mène une vie régulière, ennemi de tous les excès, mais ne négligeant jamais son entraînement ». C’est à la fois, un « rugueux pédaleur » (l’hiver, il exerce le dur métier de bûcheron) et, aussi, « un sage, un coureur pratique » sur lequel « les lauriers n’ont pas de prise ».
Les débuts d’un coureur :
Dans son fief, petite cité lot-et-garonnaise, André qui fréquente le lycée de Nérac jusqu’en troisième, pratique le basket-ball à l’Union Sportive de Xaintrailles où il semble se satisfaire d’être « un excellent équipier ». Jusqu’au jour – un jour de la St. Pierre – où il décide : « je fais mettre un dérailleur à mon vélo ». Puis, il participe à l’épreuve de « non-licenciés » qui se déroule pour la fête locale et termine… 2ème et il recommence à St. Pierre-de-Buzet avec une nouvelle chute !
Il achète alors une monture neuve et finit 2ème à Pompogne, mais il gagne à St. Thomas -sur -Garonne et à Montesquieu. En fin d’année, il se licencie et fait ses débuts officiels au Guidon Agenais et se classe 2ème à Fauguerolles derrière un certain Paul Pineau.
1947, Prix des fêtes à Barbaste (47) : sur la ligne de départ (presqu'au centre de la photo) André
avec le maillot des cycles "Erka" (marque du Gers) et, au-dessus de l'épaule droite du commissaire
qui donne les consignes de course, Jo Bianco.
En 1947, au Vélo-Club Néracais et sous le maillot « Erka », il gagne le Prix du Printemps à Nérac, puis à Gignols, St. Clair, Monclar d’Agenais et à… Xaintrailles. A son retour du service militaire (un temps chez les « Zouaves » à Alger, d’où sa victoire dans le G.P. du cycle dans cette ville, puis de retour à Bordeaux à la caserne…Xaintrailles), il gagne avec le maillot « Elvish », le Prix des commerçants de Tonneins, à Nérac, Clairac, Casteljaloux, Moissac, Auros… à Clès, où la gerbe pèse 12 kilos ! et, le 24 septembre 1949, il épouse, à Xaintrailles, Ginette Dupuy qui est de Fargues-sur-Ourbise. De ce mariage, naîtront Alex, le 11/10/1950 et, deux ans et demi plus tard, Marie-José.
Le voici, bientôt, « tenant avec sa mère et sa gentille épouse une petite épicerie très sympathique et naturellement bien achalandée » (Gabriel Bernard, « les Nouvelles de Bx. et du S.O.).
André et sa "petite famille" : Ginette, sa femme, la mère de Marie-José et Alex (en bas)
et Lucienne, la mère d'André et la grand-mère des deux enfants.
Le « WOLBER » :
Depuis l’année 1949, où il a glané 12 bouquets, André Lesca émarge parmi les « grands ». Mais, la saison 1950 va lui donner une dimension nationale.
Le 2 mai, à Toulouse, il remporte l’éliminatoire régionale du Grand Prix Wolber (compétition réservée aux moins de 24 ans). Sur un parcours difficile de 192 km entre Revel et Toulouse, et après un démarrage dans les deux derniers kilomètres, il devance Martinez (Esperaza), Meilhon (Toulouse), Ledent (Bordeaux) et Pontoni et Prouzet d’Agen. Ce succès lui ouvre les portes de la finale à Paris.
Il s’agit alors d’un rude parcours de 210 km autour de Paris avec les vallonnements de l’Oise et de la Seine, les pavés de la banlieue Nord et le « raidar » terminal de Charenton. C’est dans la côte de la mairie à Charenton que Lesca porte une dernière attaque pour finir en vainqueur à la « Cipale » avec 25’’ d’avance sur Orts. Ensuite, arrivent Petotot, Garel et le jeune Pontoni.
Pendant la course qu’il anime dans le Lot-et-Garonne, le speaker, Michel Vérité, annonce la nouvelle au micro. « Les dirigeants du Guidon Agenais n’en croient pas leurs oreilles » et, au premier chef, « le dévoué entraîneur », M. Pelleran. En effet, si Lesca l’emporte et Pontoni fait 5, Prouzet, qui a malheureusement crevé dans le « Cœur Volant » a bien aidé son camarade de club, à l’attaque dès la côte de Neauphle.
Désormais porteur du maillot du Guidon Agenais, A. Lesca apparaît au journaliste Jean Mazier comme un « excellent grimpeur-rouleur ».
15 victoires encadrent cet exploit, parmi lesquelles la 2ème étape, La Rochelle-Bordeaux, de ce que l’on appelle alors « la Ronde Gasconne », qui deviendra plus tard « la Tomate » et qui se dispute en 5 étapes (de Marmande à Marmande, en passant par Saintes-La Rochelle-Bordeaux-Arcachon et St.jean de Luz). Epreuve qu’André Lesca aurait dû gagner sans une « mise hors course pour changement de roue », alors qu’il était ex-aequo à la 1ère place avec Bidart.
A Bayonne, dans le G.P. Izarra en 3 étapes, il finit 2ème au classement général après avoir gagné la deuxième étape.
Preuve de la dimension nationale qu’il a acquise, il se classe 4ème du championnat de France des indépendants à Toulouse, remporté par Sauveur Neri.
Le premier maillot tricolore :
Avant 1952, année fertile en succès de grande ampleur, André Lesca connaît une saison 1951 gâchée par les chutes. Cela commence par une chute à l’entraînement dont il gardera la cicatrice sur le visage. Puis, dans Bordeaux-Saintes, il s’éclate le menton sur le macadam. Enfin, le 21 juin, sur la piste du vélodrome de Damazan, il se fracture la clavicule. Malgré tout, il remporte une dizaine de courses.
Deux du Guidon Agenais, deux de chez "Terrot" : les deux premiers du championnat de
France des indépendants en 1952 à Carcassonne, Jo Bianco et André Lesca.
L ‘année suivante, à 25 ans, il enfile son premier maillot tricolore sur le podium du championnat de France des « indés ». Ce sont encore deux coureurs du Guidon Agenais qui plongent, échappés, vers Carcassonne : André Lesca (1er) et Jo Bianco (2ème). Cette année-là, le sud-ouest collectionne trois titres avec ceux d’Olivier (1er Pas sur Piste) et de l’U.V. Auch dans l’épreuve sur route pour sociétés.
Ce titre gagné par André avait été précédé par deux autres en Guyenne :
- à Bazas, lors du championnat individuel sur route, Lesca rattrape son jeune équipier Rodières (amateur 2ème catégorie), échappé et ils terminent ainsi.
Bazas, 1952 : le championnat de Guyenne, individuel sur route, les deux échappés, tous
deux du Guidon Agenais : le jeune amateur Rodières et, derrière, Lesca.
- à Marmande, l’équipe du Guidon Agenais composée de Pierre Barrière-Jo Bianco-Hostendie-Lesca et Ragot remporte le championnat des sociétés avec plus de trois minutes d’avance sur le VC Lion (2ème) (J.Rinco-P.Rinco-Guiral-Bacquey-Sosa) et les Girondins (3ème) (Yves Gourd-Aranud-Merino-Yvon Gourd-J.Alvarez).
Marmande, 1952 : l'équipe du Guidon Agenais, championne de Guyenne sur route sociétés :
Hostendie-Rabot-Lesca-Jo Bianco-Pierre Barrière.
une quinzaine d’autres victoires s’ajoutent à ce remarquable bilan, dont on peut retenir :
- le G.P. des vêtements Lapasserie à Pau, le 1er juin, avec 120 partants et 155 km et trois orages de pluie et de grêle,
- et, le G.P. de la ville de Tours : 2ème Esnault à un pneu ! 3. Pelé 4. Bidart.
Une seule ombre au tableau : du 6 au 15 août, André Lesca est engagé dans le Tour de l’Ouest avec l’équipe « Terrot » et le dossard n° 97. Il abandonne lors de la 4 eme étape de cette course gagnée par Hugo Anzile devant un certain Roger Walkowiak (Hervé Prouzet termine à la 14ème place). Assez casanier, André n’aime pas rester loin de chez lui trop longtemps.
Entre deux maillots tricolores : les années 53 et 54
Riche en victoires (=17), l’année 1953 est surtout marquée par 5 grands succès : André renouvelle sa victoire de la saison précédente dans le G.P. de la ville de Tours, le 4 octobre, mais, auparavant (le 1er mai), il gagne aussi le 9ème Tour cycliste de la ville d’Orléans (28 tours de circuit sur les boulevards et les quais, soit 150 km). Ce qui fait écrire au journaliste qu’il « n’est pas venu pour des prunes »…
Toujours au mois de mai (le 3), il remporte le Tour cycliste du Lot-et-Garonne (170 km) devant Jo Bianco et Paul Pineau. Et, le 19 mai, il gagne le 2ème Bordeaux-Eymet, auquel participent des aspirants de 1ère catégorie : Darnauguilhem, Dupré, Dihars, Prouzet, Bianco, Gourd, Chazaud…
En juin, il est le lauréat du 3ème G.P. Clément Joulin (en mémoire du sportif et promoteur des cycles Joulin à Cenon) soit 190 km en 4h 43’ 8’’ devant Gaudin (Les Sables) 3. Cigano (St. Pierre d’Aurillac) 4. Delmas (Belvès) 5. André Dupré (ASPTT). Il y a eu des milliers de spectateurs sur les routes girondines et André Lesca a démarré à 1km de l’arrivée… au pied de la côte de Monrepos.
Cenon, 1953 : le vainqueur du 3ème G.P. Clément Joulin, André Lesca entouré par André Joulin, Mme Veuve C. Joulin et Jacky Joulin
Avec la saison 1957, 1953 est l’une des deux saisons les plus fournies en succès de la carrière d’André Lesca.
En 1954, 9 victoires s’ajoutent à son palmarès, au premier rang desquelles s’inscrivent : Miramont-Agen et retour le 25 avril et, en juillet, le Prix de la Madeleine à Mont-de-Marsan.
Le deuxième maillot tricolore : Montlhéry, 1955
Après avoir remporté deux belles épreuves, le G.P. de Pâques à Langon le 10 avril et le G.P. du Printemps à Villeneuve/Lot (3 étapes) le 24 avril, puis le Prix de St. Barthélémy d’Agenais le 19 mai, André Lesca remporte le 2ème Bordeaux-Brive, le 30 mai.
La "Une" des "Nouvelles", le jour de "Bordeaux-Brive" : le parcours, les engagés, l'horaire,
le "sponsor", la photo de l'un des favoris (A. Dupré), l'article de Gabriel Bernard...
Inimaginable, aujourd'hui ! … encore mieux : un départ en pleine ville..!
Organisée par les Girondins de Bordeaux, la course prend son départ cours G. Clémenceau où se trouve le siège du club. Malgré la trêve de la Pentecôte, l’animation du centre ville est bien réelle. Gabriel Bernard, dans « les Nouvelles de Bordeaux et du sud-ouest » décrit l’atmosphère : « le pick-up d’une des voitures des « Nouvelles » déverse des flots de musique… (il y a) la caravane des camions « Spalthaller »…(et) les véhicules « Berger ». A 12 h 25, Julien Moineau, le directeur de la course, libère 35 concurrents. Tout au long du parcours, les coureurs sont « nettement desservis par un vent violent ». peu avant Brive, dans la côte de St. Pantaléon, Lesca, « le plus fort des quatre échappés » (Beuffeuil, P. Rinco, G. Dupré et lui) place un démarrage et finit détaché.
Vainqueur à Bassoues d’Armagnac le 6 juin, puis du Prix des pneus Pédarré à Mont-de-Marsan le 19 juin et, encore , à Casteljaloux le 14 juillet, André Lesca va revêtir un deuxième maillot tricolore, le 7 août, sur le circuit de Montlhéry.
Mont-de-Marsan, 1955, Prix des pneus Pédarré : sprint sans appel, 1er Lesca, 2ème Amigo,
3ème Vasquez.
Au terme des 200 km, pendant lesquels il « a dosé ses efforts avec sagesse », il utilise « les mêmes armes que le camarade André Darrigade, au coude à coude dans le côte Lapize et sur le faux-plat, il s’est assuré en puissance les deux longueurs de la victoire ». Il y avait 95 coureurs au départ, parmi lesquels : Milesi, Everaert, Delberghe, Lerda, Bihouée, Gainche (qui essaya mais faiblit à mi-pente de la côte Lapize)…
Classement : 1. André Lesca (Guyenne) 200 km en 5h 28’ 05’’ 2. Finat (Orléanais) à 3’’ 3. Pallu (Poitou) à 4’’ 4. Rohrbach (Orléanais) 5. Berthon (Lyonnais) 6. Mosello (Pyrénées) à 6’’ 7. Colomina (Guyenne) à 27’’…
"But & Club" , le Miroir des Sports(08/08/1955) consacre 3/4 de page au championnat de France des indépendants et au nouveau champion, André Lesca.
Dans « Midi Olympique », le titre sera : « le Comite de Guyenne à l’honneur : le bûcheron André Lesca (aspirant) et le fermier Roger Darrigade (amateurs) sont champions de France sur route ».
Le champion des « Indés » :
Dans « memovelo.com », nous avons déjà abordé, à plusieurs reprises, le problème posé par la catégorie des « indépendants », problème dont la solution aurait été , semble-t-il, trouvée par le commandant Marillier, devenu DTN du cyclisme français, autour de 1969. La solution radicale s’appelle alors « amateurs hors-catégorie » et les courses portent désormais la mention : « sauf ex-pros ». Lors de nos entretiens avec, successivement, Claude Perrotin, Michel Grain et, plus récemment, avec Michel Fedrigo, nous avons pu mesurer les conséquences d’une telle décision. Or, il convient de se rappeler que cette catégorie fut créée (au début du XXème siècle !) « pour écrémer la catégorie des amateurs et, en même temps, servir de pépinière au professionnalisme qui semblait en province atteint d’anémie » (Gaston Bénac, 1913).
Un siècle plus tard, qui, aujourd’hui, pourrait affirmer que c’est l’argent qui trace la frontière entre « amateurs » et « professionnels » ? Il y a, bientôt, plus de trente ans que les Jeux Olympiques ont été vendus à Coca-Cola…
Or, en 1955, bien avant R. Marillier, les articles relatant la deuxième victoire d’A. Lesca dans le championnat de France des « indés » commencent invariablement par poser « le cas d’A . Lesca, deux fois champion de France des indépendants (1952 et 1955) ». L’un d’entre eux, signé par René Mélix ne craint pas d’affirmer : « sa victoire ne revalorise pas le championnat de France des indés ». D’autres révèlent que « cette catégorie (est) réprouvée même par les officiels ». Un « pontife de la FFC » aurait eu cette formule en parlant des « indés » : les caméléons du cyclisme routier »…
Il faut, heureusement, quelqu’un comme Gabriel Bernard (« les Nouvelles ») pour faire entendre : (les) « indés ceux qui, en fait, meublent pour la plus grande part les épreuves qui font le cyclisme de France ».
Cependant, la question revient : « Pourquoi ce très bon coureur (André Lesca), habitué à affronter les « pros » et à écumer la Guyenne et les Landes n’a-t-il pas eu l’ambition de s’attaquer aux grandes épreuves classiques ? »
Les journalistes qui recueillent les réponses de la bouche d’André saluent tous « sa belle franchise ». Nous l’écoutons : « la catégorie des indépendants me permet de courir 4 à 5 fois par semaine et de gagner largement ma vie… » et, « pour les aspirants il y a très peu de courses », « d’autre part, je n’ai jamais trouvé une marque pour me lancer dans le grand bain. Il y a quelques jours, la firme dijonnaise qui m’emploie m’a envoyé une lettre recommandée pour m’avertir qu’elle ne me paierait plus les primes en cas de victoire… »
Les 4 maillots de marque portés par André Lesca, au cours de sa carrière chez les "indés":
Elvish - Terrot - Royal Fabric - Peugeot. Après son deuxième titre de Montlhéry , il déclarait
à G. Bernard : "Ah !…si chez "Terrot" qui m'équipait à ce moment-là, on m'avait offert de tenter
ma chance chez les "pros", j'aurais certainement accepté".
André Lesca n’a donc jamais été tenté par le professionnalisme. Et, il ajoute : « Je gagne plus d’argent en province que je n’en gagnerais à Paris. Je reste ce que je suis. » La presse en conclut donc que « Lesca est un sage » qui « n’a jamais voulu tenter la « grande aventure ». Imprégné de la culture paysanne, il aspire à « gagner honnêtement sa vie et celle de ses deux jeunes enfants ».
La fin des années 50 :
En 1956, André engrange 14 victoires qui tissent sa toile régionale du Prix des fêtes de la St. Georges à Périgueux (le 8 mai) jusqu’à Firmi (le 15 octobre) en passant par le Prix de l’Avant-Garde à Pau (17 juin), Issigeac (19 août), Lectoure, la semaine suivante et, surtout, le Prix de la Ruche Méridionale à Agen, le 9 septembre, qui « n’avait jamais connu un tel succès, la foule se pressant partout sur les routes ». 43 coureurs au départ des 180 km et « toutes les vedettes de l’époque : Bianco, Sabathier, Pineau, Rançon, Alvarez, Sastre, Delpicolo, Negroni, Pontoni…et André Lesca qui, pour gagner, échappe à un quatuor composé de Rançon, Jules Pineau, Sastre et Rigon.
Cette année-là, André frôle la victoire dans Bordeaux-Saintes, remporté par Gérard Gaillot de Surgères (le fils d’André, vainqueur en 1933) et le troisième s’appelle Luis Goya-Picassari, le quatrième André Trochut.
1957 : l’année suivante, Lesca inscrit son nom au palmarès de Bordeaux-Saintes. Charles Bidon décrit : « 115 routiers au contrôle installé au restaurant de Paris, allées de Tourny, sur 127 engagés… il pleut par intermittence, la bise est froide, le ciel chargé de nuages… le vent est l’allié des concurrents… » qui sont à Libourne en 31’ ! Après Guîtres, 30 coureurs sont à la traîne. Le premier échappé est Gaudin qui parvient à Montendre (85 km) en 2h 5’. Il n’y a plus que 60 coureurs en tête. Alors, « le soleil appuie ses rayons sur la campagne fleurie ». A Pons, au sommet de la rampe des Dames : « Maurice Bertrand en atteint le faîte avec le sourire ». Et puis, « en suivant la Charente », on arrive à Saintes, le cours National, le cours Reverseau… 6 hommes se sont échappés dans les derniers kilomètres : Lesca-Bianco-Pelé-Deloche-Bergaud-Perin. Au sommet de la rampe qui mène au vélodrome de Bellevue, Lesca pénétre avec 30 mètres d’avance dans un « éblouissant déboulé », les 150 km en 3h 56’ 10’’, 2. Jacques Bianco à 20m, 3. M. Pelé 4. J. Deloche 5. L. Bergaud 6. S. Perin 7. J. Rinco 8. C. Colette 9. J. Cigano 10. R . Buchonnet
"Deux droites parallèles ne se rencontrent jamais…" et dans un sprint, il ne vaut mieux pas !
Entre le natif de Xaintrailles (1927), Lesca et celui de Dolus (1933), Ricou, il y a 6 ans d'écart et deux
fleuves (Lot et Garonne) et un océan et un détroit (Atlantique et Pertuis de Maumusson). Mais,
ici (probablement une petite route charentaise), au bout de l'effort, une roue sépare deux grandes figures du cyclisme des années 50 et 60 dans le sud-ouest.
Une année riche au total de 17 victoires, dont Maurs (le 5 mai, 2.M. Bertrand 3.M. Gonzalès), La Rochelle-La Pallice (le 8 mai, 2. Barrière 3. Ben Brahim 4. Colette 5. Phelippeau 6. Cigano 7. Schepens 8. J. Alvarez 9. VanGeneugden 10. Darodes), le Prix Castagnet à Bègles (le 7 juillet, 2. Darnauguilhem 3. Delpicolo), Cérons (2. Albert Dolhats), Bordeaux-Marmande (2. J. Cigano) et un nouveau titre de champion de Guyenne à Hendaye « sur un parcours hallucinant » avec « les premiers contreforts pyrénéens, la Rhune, le col de St. Ignace,la route impériale des cîmes » par une « journée torride ».
Le Président Lathière a déjà remis le maillot de champion de Guyenne à André Lesca et la
Miss - probablement - pratiqué "l'accolade" (ou la bise), bien qu'elle en pinçe encore pour les
fleurs… en dehors des maillots de marque, André compte les maillots de champion de France...
…de Guyenne…1 2 3 4…?
Pour le journaliste qui signe « A.G. », A. Lesca est « le grand homme de ce genre d’épreuves », il l’a prouvé à maintes reprises : « 1952 avec le regretté petit Rodières, en 1953 à Agen où il éclate en plein sprint, en 1954, à Cenon, où il se fourvoie à 1 km de l’arrivée.. », et de conclure : « à 30 ans et quelques jours, Lesca n’a pas fini de nous étonner et personne ne serait surpris s’il endossait un troisième paletot tricolore des indépendants ».
1958 : Il renouvelle son succès dans le championnat de Guyenne le 6 juillet à Pau et devant René Abadie. S’ajoutent le G.P. de la Tomate à Marmande (2 étapes, les 19 et 20 juillet, 2. Chaumont 3. Gibanel), le G.P. des vêtements Thierry à Toulouse (2. Ja. Pineau 3. Nebut), le criterium de St. Aigulin (2. Batan 3.A. Dupré), le Prix de Monpazier (13 juillet), la nocturne de Montech (le 10 août, 2. Iacoponi). Un total de 14 victoires et, aussi, une nouvelle 2ème place dans Bordeaux-Saintes (1. M. Pelé).
1959 : André Lesca collectionne ses 10 victoires annuelles dont une étape du G.P. de la Tomate (2ème au final derrière Gibanel, 3. El Gourch) et une autre étape dans le Prix international des vins de Gaillac. Il gagne aussi le Prix du Guâ, sur le circuit de « l’enfer guâtais » et le Prix des fêtes de la St. Mathieu à Vic-Feznsac (2. F. Delort 3. Ju. Pineau 4. R. De Santi 5. M. Manzano).
Les années soixante :
En 1960, André Lesca a 33 ans, âge charnière dans la vie d’un coureur cycliste. Il continue à courir 70 courses par an, mais le nombre de victoires diminue sensiblement. A partir de 1965 – il a alors 38 ans – ce nombre n’est plus que de 5, puis 3, puis 2 victoires par saison. Sa présence dans le peloton des meilleurs régionaux est permanente jusqu’en 1970 (il a alors 43 ans).
Au cours des années 60, André obtient encore une soixantaine de victoires, parmi lesquelles le Prix international de Sigoulès (60), le G.P. des vins de Montbazillac (61), Le Guâ (62), le Prix du Chasselas à Montagnac-sur-Auvignon (65) et Anglet (65). Depuis quelque temps déjà, celui qui a été le « patron » du peloton et qui, tant de fois, a imposé son sprint ou son démarrage dans les derniers kilomètres, s’est mué en « serviteur » des causes qui le méritent : au premier rang, celle du jeune Michel Fedrigo, qui semble marcher sur ses traces…
Grand Prix de Fumel : un peu plus d'un pneu sépare le champion de France des "indés" 1951
Tino Sabbadini (à gauche) et le futur champion des France dans cette même catégorie, André
Lesca, en 1952...
Michel Fedrigo avoue clairement : « il a marqué ma jeune carrière, lorsque j’ai débuté avec lui… j’ai beaucoup appris à son contact… »
Les « donneurs de leçon » et les « Messieurs Propre », ceux qui dénichent à tour de bras la présence de « maffias » (en oubliant que, pour tout un chacun ou presque, la première figure en est la famille), sans parler d’autres turpitudes, dont personne, à la place des coureurs, ne peut vraiment parler, feraient bien de s’interroger sur cette figure du « grand frère », présente aussi dans le monde du cyclisme. Cette relation et ce moment sont particulièrement importants dans ce sport, quand un « Ancien » prend sous son aile un « jeune qui promet ». Il faut avoir écouté Claude Perrotin parler de C. Lelli ou André Delort raconter comment J. Rinco l’a amené à prendre conscience de ses possibilités, pour comprendre autour de quelles valeurs l’univers de la course cycliste se construit. Valeurs fondées sur la réalité vécue d’un sport sans concession. Valeurs qui ne se clament pas, mais qui s’éprouvent. « Qui se prouvent en s’éprouvant ».
En septembre 1967, alors qu’il vient de fêter ses 40 ans quelques mois auparavant, André Lesca remporte le championnat de France des vétérans à Chalonnes-sur-Loire, à 25 km d’Angers. Sur le podium il est entouré d’Amigo (2ème) et de Jodet (3ème). Selon un scénario qui a déjà fait ses preuves, André a « décramponné tous ses rivaux sur la fin d’un parcours très difficile » et c’est avec une avance confortable qu’il franchit la ligne.
Chalonnes-sur-Loire, 1967 : podium du championnat de France des vétérans, Jodet-Lesca-Amigo.
Mais, ce n’est une surprise pour personne. « Ouest-France » le qualifie de « valeureux champion » et, ailleurs, on souligne qu’il s’agit d’un « routier chevronné » qui court « toujours en compagnie de l’élite du sud-ouest (Brux-Gonzalès-R. Darrigade) ».
Rendant compte de sa réception à la mairie de Tonneins, le journal local écrit : « se parer à 40 ans d’une nouvelle tunique tricolore, n’est-ce pas la consécration indéniable d’un carrière cycliste menée avec une foi et une persévérance de tous les instants et jalonnée au fil des années par 250 victoires remportées sur toutes les routes de France et de Navarre ? »
Tableau réalisé à partir du "Cahier de courses" que tenait scrupuleusement André Lesca qui nous a été confié par Ginette Lesca
Bien que ne commençant qu'en 1953, il contient les données essentielles de l'activité d'un coureur : la longueur de la saison, le nombre de courses disputées, les victoires et les places sur le podium (2ème et 3ème). Bien sûr, il manque le nombre de km parcourus et le nombre de places dans les 10… Gageons qu'un jour (peut-être), "nos nouvelles générations"pourront montrer à leurs petits-enfants des courbes et des fréquences, des Watts et des lactates...
En attendant, voilà ce qu'était l'activité d'un très bon indépendant en régions françaises, dans les années 50…60.
« Raccrocher » ?
C’est l’occasion pour le nouveau champion de France des vétérans d’avouer : « C’est terminé. Peut-être encore quelques courses l ‘année prochaine, mais c’est décidé, je raccroche ». Et d’ajouter : « Je me consacrerai l’an prochain à mon fils Alex qui en sera à sa deuxième saison de compétition pour essayer que lui aussi brille sur les routes de la région et qu’il tâche de faire aussi bien que moi ».
Alex (le fils) et André (le père) Lesca : Alex, qui a couru de 1967 à 1973, devenu infirmier
psychiatrique au CHS de Cadillac, puis cadre-infirmier, dont l'un des deux enfants est
toujours en compétition BMX (comme les enfants de Marie-José, sa soeur, soit les petits-enfants de
Ginette) est entré au comité d'Aquitaine en 1990, "sous Pitallier". Depuis 2001, il est responsable
du Polo-Vélo à la FFC.
En fait, André Lesca sera une deuxième fois champion de France des vétérans, à Confolens le 14 juillet 1969 (2. Dandre 3.Bortot). Il n’a donc pas « arrêté ». Au début de la saison 1970, pour ce Grand Prix d’Anglet que son « élève » Michel Fedrigo vient de gagner, un an après son frère Claude Fedrigo, et dont il occupe la 3ème place (2. Barbe… 4. Guy Dolhats 5. Hubert Arbes 6. Roger Saladié…), le journal titre : « Pépé Lesca » toujours là ! ». André déclare au journaliste : « je ne me suis jamais senti bien dans cette course par la faute du froid » et celui-ci d’ajouter : « venant de quelqu’un qui en a vu d’autres et qui n’entend pas décrocher de sitôt ».
«Raccrocher », c’est-à-dire l’arrêt définitif, souvent ressenti comme brutal, est un moment difficile. Un cap à passer, un pas à franchir, parfois impossible… André Lesca continue à courir jusqu’en 1977, jusqu’à 50 ans !
Installés à Tonneins depuis 1963, où ils tiennent le bureau de tabac « le Khédive », Ginette et André « jouissent d’une sympathie et d’un rayonnement indiscutables ». Après s’être fait construire une villa au début des années 80, ils prennent leur retraite en 1988. Selon Alex, son fils, les journées du « nouveau retraité » sont alors occupées par ses trois passe-temps favoris : la chasse, la pétanque et… le vélo (deux fois 60 km par semaine).
En janvier 2003, c’est en allant à la chasse qu’il décède accidentellement.
André LESCA (1927-2003)
" coureur respecté, écouté et aimé par ses camarades
modeste et simple, un exemple et un modèle de volonté et de courage "
Principales victoires :
4 titres de champion de France :
- 2 fois chez les « indés » : Carcassonne 1952, Montlhéry 1955
- 2 fois chez les « vétérans » : Chalonnes 1967, Confolens 1969
3 titres de champion de Guyenne sur route :
-Bazas 1952, Hendaye 1957 et Pau 1958
Ville à ville :
- Bordeaux-Saintes 1957 (2 foix 2ème en 1956 et 1958)
- Bordeaux-Brive 1955
- Bordeaux-Eymet 1953
- Bordeaux-Marmande 1957
- Miramont-Agen-Miramont 1954
Grandes épreuves « en ligne » :
- « Wolber », Paris 1950
- Prix de la ville de Tours 1952 et 1953
- Tour d’Orléans 1953
- Tour du Lot-et-Garonne 1953
- Prix des vêtements Lapasserie, Pau 1952
- Prix « Clément Joulin », Cenon 1953
- Prix des pneus Pédarré, Mont-de-Marsan 1955
- Prix des vêtements Thierry, Toulouse 1958
- Prix de la « Ruche Méridionale », Agen 1958
- Prix du Chasselas, Montaignac-sur-Auvignon 1964 et 1965
Courses par étapes :
- Grand Prix de « la Tomate » 1958
- une étape de la « Ronde Gasconne » 1950
- une étape de « la Tomate » 1959 (2ème au général)
- une étape de G.P. « Izarra » 1959 (2ème au général)
Courses en circuit :
- La Pallice-La Rochelle 1957
- Maurs 1957
- Cérons 1957
- Monpazier 1958
- Montech 1953 et 1958
- St Aigulin 1958
- Valence/Baïse 1958
- Le Guâ 1959 et 1962
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