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Les LUGUET, cyclistes

 

 

Bordeaux fin du XIXème siècle, celle que l’on appelle enfin la « bicyclette » a continué à se répandre pendant l’année 1890 et les premières grandes courses sur route ont été organisées : Bordeaux-Paris en mai 1891 et Paris-Brest-Paris en septembre de la même année. Au cœur même de la métropole girondine sont apparus des magasins et des marchands de cycles. Un Bordelais, G. Juzan, aurait pu être l’inventeur de ce nouvel engin qui clôture l’époque des vélocipèdes avec ses hésitations : le Grand Bi et les tricycles…

A Ambarès-et-Lagrave, au nord de l’aire urbaine de Bordeaux et à l’extrêmité de l’Entre-deux-mers sur la presqu’île formée par la confluence entre Dordogne et Garonne, Achille Luguet tient une forge près du domaine de Charron. Forgeron en milieu rural, habitué au travail des métaux sur les machines agricoles, il lui vient l’idée et l’envie de façonner sur son enclume quelques cadres. En 1880, il s’installe fabricant-mécanicien et il monte sur les cadres qu’il a fabriqués des accessoires qu’il fait venir de Bordeaux. Assez vite, les vélos «LUGUET » obtiennent une honnête réputation, à laquelle s’ajoute la mise au point de la lampe à acétylène, qui éclairera bientôt toute le ville d'Ambarès.

En 1893, avec l’apparition des premières automobiles, la cohabitation entre voitures et cyclistes s’avère déjà délicate à tel point que le maire d’Ambarès prend un premier arrêté pour réglementer la circulation (Pierre Bardou, dans la revue municipale d'Ambarès).

 

 

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 La chaudronnerie Luguet à Ambarès : ici, Achille avec ses fils et leur mère, mais aussi toutes sortes de bicyclettes.
 

 

Grâce à l’abbé Christian Vareille, curé d’Andernos et petit-fils de Charles Lanusse champion d’Europe de vitesse au vélodrome du Parc en 1920, nous avions appris le décès de Pierre Luguet en 2017. Et, nous avions eu connaissance des coordonnées de Mme Francine Berc (fille de Pierre Luguet) et celles de M. Jean Luguet (le fils d’André, frère de Pierre).

Tout au début de cette année 2021, nous recevons un appel de Yan Couttausse, lequel a publié sur «Tontonvélo » quelques photos des cyclistes de la famille Luguet. Il nous informe avoir déposé un dossier plus fourni encore chez Gérard Saint-Martin à Cambes. Ce dernier nous a bien volontiers permis d’en prendre connaissance.

Il y a une vingtaine d’années, nous nous étions penché sur la trame familiale du sport cycliste : à partir de trois fratries « Lapébie-Darrigade-Verdeun », nous avions étudié le couple des frères à vélo, quand le cadet se lance sur les traces de l’aîné qui a réussi. Sans avoir approfondi de la même façon le sujet de la relation entre « le fils et le père », nous avons introduit, ici-même dans notre galerie de photos, le beau cliché réalisé par Jean Missègue et qui met en scène Jacques Suire et son fils. Plus récemment encore, nous avons pu établir une sorte d’arbre généalogique de la famille Verardo (sujet déjà esquissé dans « les Chazaud »). 

 

 

 

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Avec la famille Luguet, nous retrouvons trois générations de cyclistes dont les succès s’inscrivent en des lieux et lors  d’épreuves mémorables : vélodrome du Parc à Caudéran, vélodrome du Parc des sports à Lescure, vélodrome du Jard à Mérignac, championnat de France, Jeux Olympiques, Grand Prix de Bordeaux, course à la Médaille, Bordeaux-Royan, Bordeaux-Soulac, Bordeaux-Cognac, Bordeaux-Arcachon, Criterium du Midi et, même, Giro d’Italia. Le tout, au cours de la première moitié du 20ème siècle (1902-1946).

 

 

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1911 : Sur la pelouse du vélodrome du Parc à Caudéran, le père, Achille, derrière ses trois fils : de gauche à droite :Louis, Edmond et Fernand (avec la casquette). 

 

 

 

 

Edmond, l’aîné

 

            Achille, le chaudronnier d’Ambarès, a vingt-six ans lorsque naît son premier fils, Edouard. Et, dans l’environnement que l’on sait, Edouard commence à courir à seize ans en 1902. Il est « imbattable » dans les courses locales. Puis, il est choisi pour entrainer Lesna dans Bordeaux-Paris.

1906 est « l’année de son apogèe » (E. Baudoin), il cumule 19 victoires. Il est sélectionné pour les Jeux Oympiques qui se disputent à Athènes en compagnie de Vast (VCL) et de Brudonneau (AVF). Edouard court sur le vélodrome du Parc à Caudéran où il y a foule et, le 23 juin 1912, il conquiert le titre de champion de France de demi-fond derrière tandems humains, parcourant les 50 km en 1h  05’ 02’’ devant 2. René Apouey (CSAG)  3. Franck Henry (VCL).

 

  

Edmond Luguet. 1912. Parc.jpg
 

 1912 : Edmond est couronné champion de France des "indés" sur la piste du vélodrome du Parc (50 km en 1H 05' 02''), autour de lui (de g. à d.) : Fernand, Achille, Edond et Louis , amis et supporters, casquettes et canotiers....

 

 

Bien que le demi-fond de l’époque (qui se court derrière entraineurs humains) soit vraiment sa spécialité, il gagne en 1907 le championnat de vitesse Guyenne et Gascogne des amateurs devant Dufaure (SAB) et A . Apouey (SAB).

Le 18 octobre 1904 avec le Sport Athlétique Bordelais (en compagnie de JM. Villeligoux et F. Février) il remporte à Meaux le Challenge d’honneur de l’U.V.F.

Sur la piste, il est encore champion du sud-ouest de demi-fond (50 km) en 1906 et 1912 et il gagne le Grand Prix de Bordeaux de demi-fond en 1905 (2. A. Tardieu) et en 1906 (2.  P. Pardier).

Le 22 juin 1914, il remporte la Coupe d’Aquitaine « Hutchinson », 3 heures à l’américaine avec D. Fourgeau, soit 112, 4 km. Devant R. et F. Dumercq, 3. Barrière-Lapoudge.

Sur la route, il est champion du sud-ouest des amateurs sur 100 km en 1905 et 2ème en 1906 derrière Villeligoux. En 1913, il enlève le titre chez les « indés » en Gironde : 1. E. Luguet (SAB)  3h 14’ 07’’ 2. M. Cazeaux (CASG)  3. R. Apouey (CASG). Vainqueur de Bordeaux-Royan amateurs en 1906 (devant P. Bertrand et L. Delteil), il est 3ème en 1912 chez les « indés » derrière : 1. E. Cailley 2. J. Apouey. En 1906, il remporte Bordeaux-Soulac devant F. Février et Bordeaux-Cognac devant Delteil, comme il l’avait fait en 1905 devant L. Houque.

La guerre de 1914-1918 interrompt une carrière qui l’avait conduit chez les professionnels avant qu’il ne revienne dans les rangs amateurs. Emile Baudoin écrit : « il n’avait pas l’âme d’un professionnel (…) plus exactement (il était) « indépendant », classe qui venait d’être créée à l’U.V.F. ».

Le 1er août 1931, sur la piste du Stadium à Talence dans une individuelle de 100 km, il obtient un dernier résultat qui confirme sa place dans le cyclisme national : 1. Henri Pélissier 2h 49’ 13’’ 2. Francis Pélissier 3. Edouard Luguet. Au terme d’une carrière de 14 années où il fut fidèle aux couleurs rouge et blanc du SAB.

 

 

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 1904-1905 : le SAB (un peu plus tard, on écrira "le vieux Sport") est, quantitativement et qualitativement, le grand club bordelais. Ici : Février, Merkhès, Fernand et Edmond Luguet.

 

 

 

Fernand, le cadet

 

 

            Le deuxième fils d’Achille Luguet, Fernand, est né le 6 avril 1887 à Ambarès. Emile Baudoin (l’Athlète du 11/02/1946) qui estime que les trois fils Luguet ont la « classe », attribue à Fernand la puissance, à Louis la souplesse et à Edmond, ces deux qualités.

En 1903, Fernand qui a 16 ans, remporte Bordeaux-Arcachon devant A. Thibeault (SAB) et R. de Lavilette (RCB). Ici , on évoque une « santé fragile » (P. Bardou) et là, il est dit « qu’il abandonne tôt la compétition, atteint par un mal qui devait le terrasser alors qu’il paraissait avoir le plus bel avenir » (E. Baudoin). Il aurait pris la suite de son père, avant de céder l’entreprise à Fellonneau (auparavant mécanicien cours V. Hugo à Bordeaux) en 1926. 

 

 

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 1903 : Fernand le "cadet" remporte à 16 ans Bordeaux-Arcachon.

 

 

Cependant, il invente le dérailleur à tige sur roue dentée à double plateau pour le vélo de cyclotourisme.

Sa grande fierté, c’est son fils André qui la lui donne en remportant la finale de la Médaille sur le vélodrome du Parc des sports de Lescure en 1930. Auparavant, on le retrouve lors du succès de son frère Edmond en 1912 dans le championnat de demi-fond, puis lors de celui du « petit frère » Louis dans le Grand Prix de Bordeaux de demi-fond en 1921, les deux fois au vélodrome du Parc à Caudéran.

Il meurt tragiquement noyé le 15/10/1933 et il est inhumé à Saint-André de Cubzac.

 

Louis, le « petit frère »

 

Le dernier fils Luguet naît aussi à Ambarès, le 19/9/1892. Il fait des débuts éblouissants entre 1910 et 1914. A 18 ans, il est champion du sud-ouest dans l’épreuve des 100km sur route en 3h 30’ et il gagne Bordeaux-Cognac amateurs devant R. Taleyrand (SAB) et J. Bristanet (VC). En 1911, il remporte le Circuit du sud-ouest (dont deux étapes, l’une à Auch, l’autre à Bordeaux), le Circuit Labeyrie (220 km) et Bordeaux-Soustons (235 km).

 

 

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 Louis, le dernier des 3 frères Luguet, pistard (ici, cliché BnF, devant une piste en bois), mais aussi grand routier, professionnel au contact des frères Pélissier, de Girardengo, Lapize, Alavoine, Petit-Breton...
 

 

 

1912 : il se classe 2ème de Paris-Bruxelles derrière 1. Octave Lapize et devant Oscar Egg(3ème).

1913 : 5ème de Paris-Roubaix (1er François Faber), il remporte le Grand Prix de Bordeaux en demi-fond sur le vélodrome du Parc (25 km) devant Oscar Egg et Octave Lapize. Dans Paris-Tours, gagné par Crupelandt, il est 3ème derrière Passerieu (2ème).

 

 

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 Au départ du Grand Prix de Bordeaux (demi-fond) en 1921, René par son frère, Fernand.
 

 

 

1914 : 2ème de Paris-Roubaix (1. Crupelandt… 3. Mottiat), il est 8ème de Bordeaux-Paris (16/17 mai), la course est enlevée par trois Belges : 1. P. Deman 2. M. Buysse 3. Van Houwaert. Sur le vélodrome du Parc (Caudéran), en compagnie de Perchicot, ils gagnent une américaine de 100 km devant les équipes : 2. L. Comes-O. Lapize 3.G. Schilling-L. Trousselier . S’y ajoute le Bol d’or toulousain. Il prend part aussi au Tour de France dans l’équipe « Automoto-Continental » en compagnie de C. Girardengo, Petit-Breton et Trousselier et il abandonne à la 9ème étape.

Selon Jean Luguet, Louis aurait effectué son service militaire en Italie dans l’aviation. « Pro » depuis 1912, il reprend en individuel en 1919 et gagne le Criterium du Midi (dont l’étape Bordeaux-Toulouse 250 km) devant Albert Cantou et Victor Fontan. Il renouvelle ce succès en 1920, cette fois-ci devant Georges Deltreille et Francis Pélissier sur le parcours Toulouse-Tarbes-Toulouse, soit 310 km en 10h 33’. Il porte alors le maillot « Bianchi-Pirelli » en compagnie de J. Alavoine et de Francis et Henri Pélissier. En Italie, il se classe 6ème de Milan-San Remo (1. Belloni 2. Henri Pélissier 3. C. Girardengo) et 5ème du Tour de Lombardie (1. H. Pélissier 2. C. Brunero 3. O. Belloni).

Sur la piste du Stadium, à Talence, le 8 juillet 1920, en compagnie de J. Alavoine, ils remportent une américaine de 3  heures (effectuant 108 ,8 km) devant 2. C. Laborde-F. Dubarry 3. E. Rohrbach-R. Piquemal.

En 1921, il remporte le Grand Prix de Bordeaux en demi-fond devant : 2. M. Brocco 3. M. Berthet. A Vincennes, il gagne le Challenge national de vitesse avec le SAB en compagnie de A. Cantou et R. Piquemal. Avec le maillot "Bianchi-Dunlop",  il a pris part au « Giro d’Italia », gagné par Brunero , où il a pris la 19ème place.

Au terme de cette carrière bien remplie, Louis Luguet se retire à Toulouse où il tient un magasin de cycles. Selon le témoignage de Jean Luguet, il sera aussi, un temps, directeur du vélodrome.

 

Les « petits-enfants » : André, Pierre, Jean-louis.

 

Fernand Luguet a deux fils, qui seront eux-mêmes d’excellents cyclistes : André, qui est né en 1911 et Pierre, en 1919. Bien qu’il y ait huit années d’écart entre eux, ils apparaissent, sur les documents photographiques qu’il nous reste aujourd’hui, presque comme des jumeaux. Leur pratique sportive y invite aussi, puisque leurs succès en compétition sont surtout obtenus dans les courses de tandems, très prisées dans les années 30.

Cependant – ainsi que nous l’avons cité dans le paragraphe « Fernand » - les premiers succès sont à mettre au compte d’André Luguet et, d’abord, la victoire dans la finale de la Médaille sur le vélodrome du Parc des sports de Lescure, le 25/5/1930 (2.C. Boulon (BVC) 3. J. Gaillard (BPC). Dans un article (probablement daté de 1937) que Charles Bidon lui consacre dans une rubrique intitulée « les As régionaux de la vitesse », le chantre du cyclisme girondin rappelle son « lourd et glorieux héritage » et salue sa victoire dans « la plus belle des épreuves sur piste pour débutants ». En fait, André ne commence à courir qu’à 18 ans après s’être blessé en pratiquant le football.

 

 

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 1930 : "le père et le fils", Fernand et André, après la victoire du fils dans la "Médaille", ici sur l'esplanade derrière le virage nord du Parc des sports à Lescure.

 

 

C’est, incontestablement, un « pistard » et plus précisément un « sprinter », qui va cultiver sa « vitesse » sur le vélodrome du Parc des sports de Lescure et qui commence par une victoire dans cette épreuve chère au promoteur puis directeur du vélodrome de Lescure : Robert Hue. Mais, il n’est pas le seul. Dès 1931, il bute dans le Prix Georges Cassignard sur R. Fabre (BVC) et fait « second » devant P. Mirouze. Et, l’année suivante, il doit se contenter de la troisième place derrière : 1. Marcel Verdeun (SAB) 2. L. Gonzalo BEC). 

Encore second dans le championnat de vitesse du SAB derrière Marcel Verdeun, il le bat pour la première fois à Damazan (Prix Louis Durant) puis il gagne le Prix Lapize, le Prix Dumercq et il devient champion de vitesse des Halles sportives de Bordeaux, dont il gagne ensuite l’individuelle (Prix des champions) en 1932.

 

 

Luguet GP de Paris 1932.jpg

 

 La belle délégation bordelaise au Grand Prix de Paris 1932, disputé à la Cipale : devant accroupis Armand Foch et André Luguet, derrière (toujours de g. à d.), Douat, Dubarry, Chapelle, Sourbier, Fabre. 

 

 

Durant son service militaire à Angers, il gagne le Prix régional sur le vélodrome et se retrouve associé dans une américaine au champion allemand Richter. Ils se classent deuxième derrière Gérardin-Chaluneau. La même année, il se classe 3ème du championnat de France militaire.

1934 : à nouveau bordelais, André se classe 2ème avec Ménard dans l’américaine d’un France-Belgique derrière G. Lapébie-Louviot, puis 1er du Prix Petit-Breton, du Prix de vitesse à Libourne, 2èmed’une américaine toujours avec Ménard à Angoulême (les Alliers : 1. Faure-Einer ). Lors de la fête fédérale de l’UVF, il est éliminé en ½ finale du championnat de France de vitesse, tout comme Paul Maye. Lors du Grand Prix de Bordeaux, il manque créer la surprise en ½ finale face au Hollandais Van Egmond et au champion du monde J. Scherens, avant de gagner l’américaine des As (avec Ménard) devant Maye-Virol et G. Lapébie-Manet.

 

 

 

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 1936 : les frères Luguet (Pierre et André) s'affirment en remportant l'omnium des tandems sur la piste du Jard-Mérignac.

 

 

 

Pierre Luguet apparaît aux côtés de son frère dans le Criterium des tandems de la « Petite Gironde ». Les deux frères se classent deuxièmes de la première étape Bordeaux-Marmande. Désormais sous les couleurs du Burdigala-Paris-Club et de la marque de cycles « Reboul », les deux frères sont vainqueurs de l’omnium des tandems au Jard-Mérignac, puis à Montendre en cette année 1935. En 1937, sur la piste du Jard-Mérignac encore,

 

 

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 Sur le vélodrome de Montendre (17), tout neuf dans l'île verte, les frères Luguet en tête dans le dernier virage.

 

 

Pierre devient le champion de fond du B.P.C. pendant qu’André est celui de la vitesse. Plutôt « routier » donc, Pierre sera vainqueur du Grand Prix de Podensac en deux étapes et 2ème du Prix « Tendil » en 1938.

André, linotypiste, travaillera à « Sud-Ouest », puis il se spécialisera dans le matériel d’imprimerie. Avant la guerre, en 1939, il s’achète une moto et découvre une nouvelle passion. Marié à une Mérignacaise en 1936, André devient le père d’un garçon, Jean Luguet, lequel, aujourd’hui âgé de 85 ans, nous a aimablement reçu dans sa confortable échoppe au Bouscat.

 

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1946 : les deux frères "reviennent de loin"... Ici, le plus jeune, Pierre, vient de finir 2ème du championnat de Guyenne de cyclo-cross. André, un peu moins éprouvé est à ses côtés.
 

  

Jean nous a parlé encore de ces deux frères (son père et son oncle) déportés tous les deux pendant la seconde guerre mondiale (à Linz, en Autriche). Il nous a appris que Pierre avait eu trois filles (Josiane, Francine et Colette). Nous avons su que Pierre, décédé en 2017, avait ouvert en 1945 un magasin de cycles rue Chantecrit, puis un autre avec le fils de Charles Lanusse rue du Pas-Saint-George. Ensuite, entré d’abord dans une entreprise d’électricité rue Saint-Rémi, il allait finir par être embauché chez « Dassault », où il était au réglage des « Mystère 20 » et ce sont ses compagnons de travail qui l’ont alors surnommé « la Boussole ». Médaillé de la ville d’Andernos en 2017, il s’était retiré sur le Bassin, tout entier à sa dernière passion : le pédalier excentré, invention pour laquelle il dépose à l’INPI plusieurs demandes de brevet.

Nous y consacrons notre dernier paragraphe. 

 

Jean-Louis Luguet (1928-2018) est le fils d’Edmond. Lui aussi appartient à la tradition cycliste familiale. En 1942, il a 16 ans et demi et il est licencié comme les autres Luguet d’abord au SAB. A Paris, en marge du Grand Prix de Paris, il est le vainqueur du « 1er Pas sur Piste ». Le journaliste de « l’Auto » (du 29/6/1942) titre : « Ce nom ne vous rappelle-t-il rien ? ». Jean-Louis, fils d’Edmond Luguet qui fut champion de France des « indés », est décrit comme un garçon calme, froid, méthodique ». Le journaliste qui signe « C.T. » affirme : « Il est urgent que nous fassions une récapitulation de tous les sprinters éclos en Gironde : nous atteindrons des chiffres astronomiques ! ».

 

 

 

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Jean-Louis, le fils, vainqueur du 1er Pas sur piste et son père, Edmond Luguet. (cliché extrait du journal "l'Auto").
 

     Jean-Louis est décédé en 2018. Et aurait eu un fils, Philippe.

 

Du côté de Toulouse et de Louis Luguet, il y a eu un fils, Lucien, père à son tour de trois enfants (deux filles et un garçon, Michel, aujourd’hui décédé).

 

Au niveau des arrière-petits-enfants, la tradition cycliste vieille chez les Luguet de trois générations ne persiste pas. Ainsi que l’exprime Jean Luguet : « je n’ai jamais eu la passion du vélo au point de le pratiquer en compétition ».

 

Le « Pédalier excentré »

 

Ultime trophée de cette longue et respectable lignée, celle des Luguet, reste le « Pédalier excentré ». J’en témoigne pour étayer les quelques photos ici présentes : je l’ai vu et je l’ai touché. Je l’ai vu fonctionner, mais quand Jean Luguet m’a proposé de me le confier, j’ai poliment refusé, arguant sincèrement de mon incompétence.

Après « l’injure faite à Juzan » (ce n’est pas lui, mais l’Anglais Starley qui a inventé la bicyclette…), cette autre invention a fait l’objet de cinq déclarations de dépôt de dessins et modèles auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) :   1976-1981-1982-1895-1987, par Pierre Luguet.

Celui-ci a repris la proposition faite par Armand Poupar d’un « pédalier à manivelles variables ». Le«masseur de Louison Bobet » (mais aussi celui des danseuses du Grand Théâtre de Bordeaux) était passionné par toute recherche pour améliorer les performances physiques. Sa réflexion matérialisée par le dépôt d’un brevet d’invention en date du 5/4/1941 consistait en « un dispositif pour provoquer l’allongement automatique du bras de levier des manivelles au moment où se produit l’effort maximum ». Le pédalier qui en est résulté aurait fait ses preuves avec la victoire de Pierre Nardi dans le « Midi Libre » en 1953, puis sur la piste où le stayer Pierre Chazaud battit les records du monde des 30, 40, 50 et 60 km sur le vélodrome de Lescure en 1954.

Dans « Sud-Ouest » du 23/11/1979, Robert Dutein publie un article : « Excentré mais non-excentrique », selon lequel A. Poupar aurait confié son invention à un retraité de fraîche date. En l’occurrence, Pierre Luguet change de matériau (de l’acier au dural) et tente de dissimuler l’excentration. Ce qu’il obtient « en substituant au bras de levier un plateau percé de cinq alvéoles dans lesquelles glissent de galets solidaires de la roue dentée ».

L’invention ne connaît pas le succès espéré.

 

 

 

pédalier excentré 1950-1980.jpg

 

 "Comment pédaler rond avec un centre qui se déplace ?" (de Poupar à Luguet, 1941-1975)
 

 

Cependant, entre 1980 et 1990, toujours dans le but d’effacer les points morts du pédalage, apparaissent les plateaux ovoïdes (Pochlopek, 1973). Toléré par l’UCI, ces « outils » sont réapparus avec Wiggins et Froome à l’occasion du Tour de France 2012 .

 

 

L’obsession de pédaler « rond » - et non pas « carré », comme lorsqu’on n’est pas en forme – traduit bien chez les cyclistes cette recherche pour l’amélioration de l’engin et de sa mécanique, en l’occurrence une « bio-mécanique » dans laquelle le « bio » se sentirait mal soutenu par le mécanique. Ce qui, d’une certaine façon, résume l’histoire de l’invention de l’engin nommé bicyclette. Engin produit par une inventivité incongrue : deux roues placées l’une devant l’autre et entraînées par l’arrière.

La famille Luguet illustre par trois de ses générations cette interaction fructueuse entre l’homme et sa machine. Quand dans l’atelier d’Ambarès on décide de raccourcir au maximum la potence du vélo d’Edmond parce qu’il « avait les bras trop courts » et, surtout, parce qu’il était champion de demi-fond, lorsque cet exercice se faisait derrière des « entraineurs humains ». Allant même jusqu’à inverser la position de la fourche avant pour cette « recherche de l’abri » qui sera bientôt l’expertise des « stayers » derrière les motos.

 

 

« (sic transit) gloria mundi », Robert Guédiguian 2019 .

 

 

 



18/02/2021
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