Memovelo

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ARCHIVES et RECHERCHE : "Aide-toi, le ciel t'aidera !"

 

 

« vous pouvez utiliser sans problème le matériel que je vous ai envoyé pour écrire un article dans votre blogue »

                                                                                  Hélène Jolicoeur.

 

 

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29-3-25, Versailles, 1er Pas Dunlop, départ (photographie de presse : agence Roll), sur gallica.bnf.fr

 

 

 

« memovelo.com » hébergé par « blog.4ever” a été créé le 13/08/2011, soit il y a presque dix ans. Au début de cette année 2021, le nombre des visiteurs à ce mini-site s’élève à plus de 340 000. En s’intéressant à l’histoire du cyclisme régional, notre objectif n’était pas d’égaler les records de Lady Gaga ou de cette première vidéo qui s’était pourtant contentée de filmer une machine à café remplissant consciencieusement une tasse. Pas plus nous ne nous illusionnons sur le nombre exact de véritables lecteurs, ceux pour qui la lecture est une activité qui demande une certaine forme de concentration, dépassant celle requise pour le feuilletage d’un album de photos.

Parmi la centaine de sujets mis en ligne, que ce soit dans l’histoire des coureurs, l’histoire des courses ou l’histoire du vélo, le « 1er Pas Dunlop » (déposé le 24/10/2011) totalise aujourd’hui 8664 « visites » et se classe au troisième rang des sujets « les plus consultés ».

Or, le 2 octobre 2020, une certaine madame Jolicoeur Hélène s’est adressé à memovelo depuis Québec en ces termes : « Je fais présentement des recherches sur Roger Lamaison, grand-oncle de mon mari … », lequel se trouve être le vainqueur de la finale nationale du « 1er Pas Dunlop » à Versailles en 1925. 

Et, depuis l’autre côté de l’Atlantique, cette dame a réalisé un travail de recherche remarquable, obtenant à propos d’un événement vieux de presque cent ans des photos, des commentaires et un classement qui ressuscitent « ce qui a été ».

Ce travail et le produit qui en découle sont un exemple pour toutes celles et tous ceux qui éprouvent la motivation, le besoin voire la nécessité de faire revivre – ne serait-ce que pour quelques instants – un passé qu’ils ont connu ou vécu, voire une personne qui leur est chère et qu’ils souhaitent mieux connaître encore.

Sur ce sujet (le 1er Pas Dunlop), nous avons reçu une bonne quinzaine de demandes, qui attestent de l’importance et du retentissement de cette organisation et de cet événement dans la France de l’entre-deux-guerres jusqu’aux années soixante-dix (1923-1972). Cependant, il convient de s’entendre sur le rôle premier et la fonction essentielle du blog « memovelo » et, tout d’abord, sur le fait que cet endroit même s’il entre dans la définition d’internet comme moyen de partage, n’est tout de même pas un cahier de doléances ni un registre de réclamations dans un grand magasin. Certes, il se peut que le seul animateur de cet endroit soit « coupable » de ne pas mieux entretenir un « forum ». Nous acceptons cette critique et nous l’assumons dans la mesure où nous avons volontairement « tout » sacrifié à la construction et à la rédaction des sujets choisis. Mais, en matière de temps consacré, il ne nous est pas possible de faire mieux.

Quand la demande est ainsi formulée : « Bonjour ! ( et encore…) je cherche le classement complet du dernier 1er Pas Dunlop ( 1981) où je fais (Xème) ». Outre que dans l’information donnée il y a une erreur (le dernier Pas Dunlop a lieu en 1972), l’exigence manifestée sans fard réclame un travail qu’une personne lambda (et de bonne volonté) peut accomplir sans aucune difficulté.

 

 

      « adieu trolls, spanneurs et autres intrus… »

 

 

            Familière des recherches en généalogie, Hélène Jolicoeur s’est attachée à « l’histoire de la famille de (son) mari ». Mais, elle savait déjà se garder de ce qu’elle désigne par « se gaver de ragots ». Pour elle, les histoires ne se réduisent pas aux « vieilles rancunes (et autres) coups bas voire chicanes d’argent… » Il s’est plutôt agi d’aller à la rencontre de « personnages qui se distinguent au niveau sportif surtout à une époque où les facilités n’existaient pas ».

C’est ainsi qu’elle s’est trouvée confrontée à Roger Lamaison, le grand-oncle de son mari, vainqueur de la finale nationale du « 1er Pas Dunlop » en 1925. En menant son enquête, Mme Jolicoeur a trouvé des photos sur « Gallica.fr » (le site de la BNF) et un article du « Monde illustré » (qu’elle a acheté sur e-bay). Abonnée au site de généalogie française GENEANET, elle a eu accès aux journaux anciens colligés par le site RETRONEWS et celui numérique de la BNF (Gallica), qui donne accès à tous les journaux entre 1630 et 1950. A titre d’exemple, le journal « l’Athlète » qui naît en 1917 s’y trouve jusqu’en 1949.

 

 

    L’énigme des coureurs cyclistes portant le nom de « LAMAISON »

 

            Etrangère au monde du cyclisme, elle a dû se frayer un chemin parmi des publications qui ne distinguent pas toujours les patronymes et les prénoms qui leur sont attachés. Le problème devient plus aigu lorsque les initiales des prénoms sont identiques (R : pour Roger comme pour Robert, M : pour Marcel comme pour Maurice…). Une autre difficulté provient ensuite de l’aire géographique où s’exerce la notoriété du coureur (par exemple, les recherches portant sur les coureurs dont les patronymes sont Bernard ou Bertrand…). Enfin, la période ou la durée au cours de laquelle s’accomplit la carrière du coureur (parfois troublée par des événements : guerre ou service militaire…).

En l’occurrence, Mme Jolicoeur a identifié un Gérard Lamaison originaire de Saint-Estèphe

(né en en 1902) dont G. Belliard, dans le  « Livre d’or du cyclisme girondin » (1934), signale le décès en 1927 à l’hôpital Saint-André de Bordeaux, suite à une chute à l’arrivée de la course de Vendays, le 7 mai 1927. Dans la même source, on peut aussi relever que ce coureur médocain se classe 2ème de Bordeaux-Soulac en 1924 : 1. J. Hourdebaigt (SAB) 2. G. Lamaison (UVSE) 3. R. Vignes (CGB). Il s’agit donc d’un coureur opérant surtout en Gironde, mais lors d’une période quasi-identique à celle de R. (Roger) Lamaison (1925-1927).

 

 

 

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Le "héros", Roger Lamaison, vainqueur du 1er Pas Dunlop 1925 : image et coupures de presse fournies par Mme Jolicoeur.

 

 

 

 

            Le grand oncle du mari de la « chercheuse québecoise » qui ne se prénomme pas Gérard mais Roger est originaire du Gers (32),où il est né en 1906. Il a perdu son père très tôt (1907) et sa mère se rend à Bordeaux (1911) pour y gagner sa vie. Entre temps, elle a placé ses enfants chez les parents et les voisins. Elle revient dans le Gers entre 1917 et 1924. Roger Lamaison, qui s’entraine depuis un an avec un club de Toulouse, se classe 2ème de l’éliminatoire régionale derrière Yvan Tarrit. La finale se dispute ensuite le 29 mars sur 60 km entre Versailles et La Minière. Il y a 80 coureurs au départ et Roger Lamaison (Toulouse) l’emporte après s’être « détaché nettement du peloton dans les derniers mètres de la course (la rampe de Guyancourt-la-Minière), en 1h 55’ 2/5 », devant Chapelain (Nantes) et Marcel James (Paris).

Les archives familiales le disent décédé à Paris en 1969, à l’âge de 62 ans.

 

 

 

R. Lamaison 1er PD (2).jpg

 

Pour la troisième édition du 1er Pas Dunlop, ce qui s'appellera bientôt "Championnat de France des débutants", il y a eu huit milles participants et la presse -toute la Presse- n'a pas "mégoté" sur l'information.

 

 

 

            Cependant, Mme Jolicoeur a découvert un (autre ?) « R. Lamaison ». Pour G. Belliard (1934), c’est un coureur français de Gironde qui roule sur les pistes bordelaises entre 1915 et 1923. Dans « memovelo.com », elle a relevé que R. Lamaison fait partie des coureurs du S.A.B. ayant enlevé le titre de champion de Guyenne et Gascogne en 1920 (en vitesse). Si elle avait pu avoir accès au « Livre d’or du cyclisme girondin », elle aurait pu découvrir que cela s’est passé sur le vélodrome du Parc (Caudéran) et que le deuxième et le troisième sont respectivement : C. Laborde (SAB) et L. Moreau (VCC).

Mais, par « Gallica », elle connaît que ce R. Lamaison gagne en octobre 1918 le Prix Albert Tournier (Bordeaux-Branne et retour en 2h 2’20’’) lors de la journée des Prix des Grands Disparus. Cet autre Roger Lamaison (mais les articles de presse ne lui attribuent pas toujours son prénom) court beaucoup sur les vélodromes. C’est un sprinteur : le 5 août 1918, au vélodrome du Parc, il enlève le Prix Léon Hourlier et « l’Auto-Vélo » le fait licencié au CAB(!) .

Et le troisième s’appelle Robert Verdeun, mais il ne s’agit pas encore de celui qui gagnera Bordeaux-Saintes en 1959. En 1921, il se classe 3ème du Grand Prix de Bordeaux amateurs derrière 1. A. Cantou (SAB) 2. D. Fourgeau (BVC) et, en 1922, dans le Grand Prix des Comingmen , il est deuxième derrière Lucien Michard pour l’une des dernières courses organisées sur le vélodrome du Parc. En 1927, c’est au vélodrome du Parc des sports qu’il s’incline devant P. Théringot dans le Prix Georges Cassignard.

Grace à « Gallica », notre chercheuse québécoise a recensé quelques sorties du coureur Lamaison en Charente, à Angoulême sur le vélodrome des Alliés en 1921, 1923, 1924 où il se vérifie que c’est l’un des adversaires réguliers de Charles Lanusse.

            Enfin – ce qui met fin à ses doutes – Mme Jolicoeur accède à un article de « la Petite Gironde » qui relate le Bordeaux- Arcachon d’août 1937. Le titre en est : « Pierre Chazaud chez les jeunes et Roger Lamaison chez les vétérans gagnent l’épreuve », le correspondant qui signe l’article, Charles Bidon, donne le classement respectif des deux épreuves : « Pierre Chazaud, sur cycles Maurice Martin, établit un nouveau record en parcourant les 50 km en 1h 8’ 43’’ 2/5 devant Domecq (Castillon) et le 4ème est un certain Robert Dutein (UC Arcachon)… Et, dans la course des vétérans, Roger Lamaison qui a alors 40 ans bat Ernest Fouaneau (54 ans) et Chauvreau (53 ans), à la septième place on retrouve Octave Chadeau (59 ans). Outre les dates, il y a aussi les noms, les clubs, les catégories qui ne facilitent pas le chemin vers l’exactitude. Après la guerre (1939-1945), R. Lamaison continue la compétition et Mme Jolicoeur le retrouve dans les résultats publiés par « la Petite gironde » (encore en 1944) puis dans «la France de Bordeaux et du Sud-Ouest »…

 

 

            Rechercher, pour quoi faire ?

            

            Au début des années 80, la mode est à « la communication » et nous en avons été, recruté sur la base du « on ne peut pas ne pas communiquer ». Parmi les nombreux auteurs, séduisant par son angle d’approche des problèmes entre paradoxes et changement, Paul Watzlawick publie en 1984 en France « Faites vous-même votre malheur » (titre original : « the situation is hopeless but not serious… »). L’ouvrage se présente comme une parodie des livres de conseils pratiques et l’auteur « examine tous les moyens qui sont à notre disposition pour nous rendre vraiment malheureux ». Il y raconte cette histoire : « Sous un réverbère, un monsieur visiblement émêché scrute longuement le trottoir. Survient un policier qui s’enquiert de l’objet de ses recherches. « J’ai perdu ma clé » », répond l’ivrogne. Et les deux hommes se mettent à chercher ensemble. Au bout de quelques minutes, le policier s’étonne : « Vous êtes bien sûr de l’avoir perdue ici, votre clé ? ». D’où la réponse pleine de logique : « Non, je l’ai laissée tomber plus loin, par là-bas, mais il fait beaucoup trop sombre ».

            S’il ne s’agit pas de vaccin, quel est l’intérêt de nos recherches ? et, surtout, sur des coureurs cyclistes ? Nous avons exposé dans la « présentation de Memovelo » nos raisons plus ou moins conscientes et, aussi, quelques facteurs déclenchant comme celui incarné par Jacques Bégué, un presque contemporain, à la poursuite de documents susceptibles de tirer un copain de jeunesse d’une profonde dépression.

            Taquinée par nos soins sur le rayonnement de son patronyme, Mme Jolicoeur s’en est brillamment sortie. Avant  de nous confier ses sources (Geneanet et la généalogie française), elle nous explique : « mon nom de famille provient d’un ancêtre de la ville de Paris, arrivé au pays en 1776 comme militaire dans les troupes de la Marine. Son nom était Louis Pilet… arrivant de Québec, le capitaine qui le prit dans sa compagnie lui attribua le surnom de » « Jolicoeur » et il devint ainsi « Louis Pilet dit Jolicoeur ». Ensuite, l’état-civil ou l’Eglise a demandé aux porteurs de ce type de surnom de faire un choix. Ma famille a adopté le nom de Jolicoeur (…) un registre de soldats blessés et soignés à l’hôpital militaire de  Rochefort au 19ème siècle, parmi lesquels il y a des Jolicoeur… »

            Dans « Archives et méthodologie », nous avons tenté de citer nos sources et d’exposer notre méthode d’enquête, sans trop nous illusionner sur la pérennité des unes et sur les conditions de l’autre. Nous savons bien aussi que « c’est (parfois) le carton d’archives qui fait l’historien ».

Cependant, nous avons été sollicité au moins deux fois par des personnes adultes parties à la recherche du passé sportif de l’un de leurs parents (les filles d’A. Gonzalez et de D. Dihars). L’exemple du travail réalisé sur R. Lamaison introduit une dimension nouvelle, qui fut longtemps un motif de découragement : le passé lointain et l’absence de témoins vivants.

            Finalement, pour répondre à la question posée au début de ce dernier paragraphe :

Il s’agit de satisfaire une curiosité saine avec le souci de l’exactitude des faits et du respect des conditions spécifiques de vie, ce qui revient à se mobiliser pour CONNAITRE *dans un but désintéressé et accessible à chacun.

 

 

* - nous insistons (majuscules) sur le mot «connaître» pour signifier précisément que nous nous situons du côté de « Comprendre » beaucoup plus que de celui de « Savoir ». L’idée, ici, est de respecter l’etymologie et l’origine de « co-naître », situation où il n’est pas question de domination et d’emprise, mais bien de partage. 

 

 

 

 

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1972 : le dernier "1er Pas Dunlop" (cela s'appellera ensuite "championnat de France juniors") est remporté par celui qui est encore en 2021 le dernier vainqueur français du Tour de France : Bernard Hinault.

(La France cycliste, n°1286 du 18 mai 1972)

 

 

 



21/01/2021
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