Memovelo

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Grand Prix de l'Ormeau, Créon 1967

 

 

 

 

"Le Petit Peuple des 3 et 4"

Créon

 

Perchée à un peu plus de 50 mètres au-dessus du niveau de la mer, la petite cité de Créon se situe dans « l’aire d’attraction de Bordeaux » au cœur de l’Entre-deux-mers. Cité rurale s’animant au gré des marchés et des foires, Créon vit d’abord dans l’Aquitaine anglaise (mariage d’Aliénor et de Henri de Plantagenet) et elle doit faire face à une Eglise très puissante dont l’abbaye de la Sauve Majeur incarne la présence.

En 1315, le chevalier Amaury III de Craon, issu d’une très vieille famille, à la fois sénéchal de l’Anjou pour le roi de France et sénéchal d’Aquitaine pour le roi d’Angleterre, est le fondateur de la bastide, au carrefour des voies qui vont, l’une de Bordeaux à Sauveterre-de-Guyenne et, l’autre, de Libourne à Cadillac. Construite selon un plan orthogonal, sans fortification (malgré la guerre de Cent ans), mais avec des arcades qui entourent une place carrée de 70 mètres de côté.

Au milieu du XIXème siècle, après le phylloxera qui ravage la vigne, le chemin de fer fait son apparition en 1873 (une ligne relie Bordeaux à La Sauvetat sur Dropt) et la compagnie des chemins de fer de Paris à Orléans crée une gare en 1892.

A la fin du XXème siècle, Créon devient en 1999 la première station de vélo de France le long d’une piste cyclable installée sur l’ex-voie ferrée qui allait de Latresne à Sauveterre de Guyenne. Cette piste cyclable a pris le nom de Roger Lapébie. La cité s’est ouverte sur les loisirs et la culture, elle possède un cinéma Max Linder et abrite le JOSEM (Jeune Orchestre Symphonique de l’Entre-deux- Mers). Cette ouverture se manifeste à la fin de l’été par un cyclo-festival appelé « Ouvre la voix » qui se déroule le long de la piste cyclable.

La course sur laquelle s’appuie notre étude est organisée par le club local, le CA Créon. L’un des licenciés de ce club nous a établi -de mémoire- une liste* assez complète des différents acteurs du cyclisme à Créon dans les années 60 :

 

Dirigeants : Barnagaud Pierre, Bellot Serge, Bourgouen Yves, Condon Michel, Dudon André,

Laurent René, Moulin Serge, Truant frères, Vermeulen père, Viaud Marc…

 

Coureurs : Aubert, Alexandrovitch, Bastide, Bazoin, Bernatet, Brenot, Claverie, Coelbo, Cornet, Cousseau, Dubourdieu, Duron, Estebe, Ferrere, Gatto, Gaurry, Germano, Jouneau, Jumeaux, Laforêt, Lamouliatte, Lenouel, Mathieu, Metreau, Natali, Nossit, Onfroy, Paris, Paulhac, Peydecastaing, Peyches, Pinson, Prime, Purgues, Ramadour, Ros, Suire, Salazac, Tauzin, Veral…

 

Fratries :  Bellot, Fournier, Servens, Saint-Martin, Vermeulen…

 

« As » : Cigana alain, Fauquey christian, Gimberteau patrick, Lopez francis, Lopez marcel, Michel jean-marie, Paponneau didier, Raymond patrick, Vermeulen eric, Vermeulen patrick…

 

*Liste établie « de mémoire » par J.P. Peydecastaing.

 

Cet événement semble avoir été lancé par le maire, Michel Bastiat (1959-1977). Le jeune orme, l’ormeau est l’arbre le plus populaire de Gascogne. Souvent planté sur la grand-place, l’ormeau participe aux fêtes locales, aux marchés et aux banquets, il symbolise la longévité d‘une collectivité.

 

 

Le Grand Prix de l’Ormeau 1967

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  Sud-Ouest Sport l'Athlète, 20/04/1967, n°68

 

 

Nous vivons alors – sans le savoir – les deux dernières années de ce qui s’est longtemps appelé « l’Athlète », désormais baptisé « SOSA » (Sud-Ouest-Sport-l’Athlète). Dans l’édition du 30 mars 1967, parmi les 11 épreuves prévues en Aquitaine, nous relevons à la date du 16 avril dans la ville de Créon (33) le Challenge de l’Ormeau désigné par la catégorie : « régionale juniors et seniors, 3 et 4 ». Organisée par le CA Créonnais, la course se dispute par équipes de 5 coureurs sur une distance de 90 km. Il y a 5 prix d’équipes dont 70 Francs à la première puis 50, 35, 25 et 20 Francs. 5 Francs sont attribués aux vingt premiers classés. Les dossards sont à retirer à partir de 13h30 et le départ est donné à 14h30. Les engagements (5 timbres par équipe) sont reçus par M. Frédéric Truant, à Créon.

Dans la rubrique « sur les routes d’Aquitaine » (SOSA du 20/4/1967), J.-P. Billochon écrit :

« Assurément, meilleures fut celle de Créon, où se disputait le 10ème Challenge de l’Ormeau.     

Jean-Marie Gaurry a remporté chez lui sa première victoire et pour un coup d’essai, c’est bien un coup de maître. En vue également sur son terrain : Saint-Martin. Le récent vainqueur du départemental du Dunlop se classe 5ème et ne démérite pas. De plus, avec Peydecastaing qui le précède au classement et Gaurry, bien entendu, il donne au CA Créon la coupe, convoitée et manquée de peu par les Libournais Chaussat, Duresse et Seureau. Les postiers Cigana et Lamouliatte font respectivement 13 et 17èmes. Ils peuvent faire beaucoup mieux.

Le journal «SOSA» a publié le classement complet de cette épreuve. A la lecture nous constatons que sur les vingt premiers nous en connaissons une bonne moitié pour les avoir côtoyés depuis lors. Il s’agit de garçons nés entre 1944 et 1950, ceux que l’on désigne aujourd’hui par l’appellation « baby-boomers ». Mais, ils nous paraissent illustrer ce que nous avons choisi d’appeler « le petit peuple des 3 et 4 ». Chacun sait qu’à cette époque la F.F.C. classe ainsi les coureurs, désignant sinon les débutants, ceux qui n’ont pas encore gagné de course ou, tout au moins, qui ne compte qu’une seule victoire.

Cinquante ans plus tard, il nous a paru intéressant de les rencontrer, afin de confronter leur vécu avec le cyclisme contemporain.

Ce sont neuf coureurs de la Gironde : Bazoin Ch., Chaussat A., Dartigolles J., Lagrave B., Petit P., Peydecastaing J.P., Saint-Martin G. Nous avons ajouté à ce panel Dagot G. et Nossit J.P., dont le témoignage s’inscrit dans le même cadre que les autres : les courses de 3ème et 4ème catégories en Gironde à la fin des années 60.

Ces garçons ont des parcours de vie assez semblables, dont la première caractéristique est d’être resté fidèle à cette pratique, le cyclisme, acquise au moment de l’adolescence. Quatre d’entre eux se sont par la suite différenciés en occupant des rôles particuliers dans l’univers du vélo.

  • Alain Chaussat est devenu un speaker réputé des courses et des criteriums.
  • Christian Bazoin, devenu collectionneur, s’est installé à Montlouis sur Loire en 1989. Il y a créé une « bourse aux objets sportifs ». Il est décédé en 2021 à 73 ans.

 

NB : Ce jour, 13 mars 2024, Gérard Descoubes me signale "une erreur monumentale" que nous lui laissons rectifier :  "Le "Père" Bazouin qui est un de mes amis depuis longtemps n'est pas mort, à 75 ans comme en ce moment il travaille dans les vignes".

 

  • Guy Dagot, originaire de la Dordogne, est l’initiateur du site « Sud Gironde Cyclisme ». Il y fait partager ses images sur les courses, les résultats et les quelques informations que l’on veut bien lui communiquer.
  • Gérard Saint-Martin, après de brillants débuts chez les 3 et 4 (1er Pas Dunlop, Bordeaux-Castillon et retour…) et un premier emploi dans l’industrie automobile, s’est établi à Cambes où il a été pendant de longues années le mécanicien de nombreux coursiers régionaux, de quelques équipes de France, puis le spécialiste du vélo de randonnée.

 

 

Le « petit peuple des 3 et 4 »

 

La plupart de ces existences ont donc fait une place quasi-permanente au cyclisme : la pratique, la mécanique et la compétition. La réussite au plus haut niveau, quand elle aurait pu être envisagée, ne s’est pas manifestée même si la plupart d’entre eux a lutté contre et avec les « vedettes régionales » du moment.

Ainsi que nous l’a exprimé Guy Dagot, il y a « ceux qui veulent gagner » et « ceux qui aiment faire la course ». Lors du départ d’une course, parmi les jeunes rassemblés derrière la ligne, tous n’ont pas la conviction qu’ils peuvent gagner et, dans la réalité, s’il n’y avait que ceux qui ont une chance de gagner pour prendre le départ, on peut estimer que les trois-quart du peloton ne partiraient pas. Certes, dans les années 60, il y avait suffisamment de courses de village pour que les chances apparaissent plus ouvertes. Mais, ceci ne change rien aux motivations et à la philosophie dont – outre ses potentialités physiques – dépend le comportement du coureur.

 

 

Jean Dartigolles

 

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 1 = Gujan-Mestras 1972 : les lauréats et leur gerbe : 1. Guy Frosio 2.  Jean Dartigolles

 2 = l'UC Arcachon 1985 : René De Santi, Jean Daritgolles, Lafragetta, Morlingen, Y.Landa, Michel Landa, M.Dargelos.

 3 = Grand Prix de Langon 1966: au milieu, sans casquette ni casque, Jean Dartigolles et parmi les autres : Ocana, Ben Brahim, Lesca, C. Fedrigo, M.Landa, Cruz, Pinaud, De Wever...

 4 = Jean l'Ancien (maillot de Varès) et le nouveau Axel Vogel, handisport vice-champion de France.

 

 

 Jean est le doyen de notre liste. Il est aussi notre contemporain (nés en 1944) et, surtout, l’exemple d’un coureur qui a fait de la compétition de 1962 à 2022, soit soixante ans de courses… Encore a-t-il fallu que le chat de sa fille le morde au mollet et que cela s’infecte pour qu’il envisage sereinement d’arrêter.

Mais, il ne s’agit pas seulement de longévité, ce qui suscite déjà le respect.

Une existence monopolisée par le vélo ? Pas seulement, Jean est le père de trois enfants et il a exercé son métier à la C.A.F. de la Gironde jusqu’à la retraite. Certes, il a porté le maillot de neuf clubs différents du VC Langon en 1962 à l’UC. Gujan-Mestras en 1994. A 50 ans, Jean a rejoint les pelotons de l’UFOLEP pour terminer au club de Varès en Lot-et-Garonne.

Une trajectoire aussi longue, même ponctuée par une soixantaine de victoires, s’explique pour J. Dartigolles par une sorte d’addiction. Né dans une famille de viticulteurs sur les côteaux de Saint Pierre d’Aurillac, l’adolescent a construit un attachement à cette pratique sportive, renforcé par le feuilleton radiophonique de l’été : le Tour de France, auquel il faut ajouter quelques sorties vers Barsac et Cenon où deux grands criteriums rapprochaient des « grands hommes » de cette époque sans télévision : Coppi, Bobet, Anquetil, Rivière, Bahamontès, Gaul… Une passion peut-être, mais le mot est sans doute trop fort ou trop galvaudé. Le cyclisme peut-il être considéré comme une religion ?

Toujours est-il que les parents résistent comme ils le peuvent à cet ardent désir. Jean signe sa première licence en 1962 au Vélo Club de Langon et, à Saint Pardon de Vayres pour sa deuxième course, il connaît la joie de la victoire. Comme souvent, une personne a joué le rôle d’intercesseur : Jean Lafourcade,le président du club de Saint-Macaire, qui est aussi l’organisateur du criterium de Beaulac-Bernos. Juste un bout de chemin encourageant qui serpente entre le lycée et quelques bouquets glanés avant le service militaire.

Mais, qui continue ensuite par l’aménagement d’une vie d’adulte et un métier qui, grâce à la journée continue, permet un minimum d’entraînement.

Deux garçons (Daniel et Olivier) d‘un premier mariage pendant que leur père désormais en 1èrecatégorie (il y reste 12 ans) conjugue entraînement après le travail, courses le week-end, parfois le lundi après-midi (pris sur les congés) et, aussi, quelques nocturnes en semaine. Deux garçons aujourd’hui, l’un, directeur de « Pôle Emploi » (en 16 et 17), l’autre, prof’ d’histoire et chroniqueur politique à la télévision, fiers du passé sportif de leur père, qui doit – au cours de ces années passées en 1ère catégorie- concilier son goût pour la course avec les besoins vitaux d’autres coureurs « talentueux et organisés ». Avec l’âge (37 ans en 1981), Jean, toujours assidu et motivé, connaît les aléas de la descente et de la remontée en catégorie (2ème et 3ème catégories). En 1985, lui vient une fille Agathe dans un second mariage. Aujourd’hui spécialisée dans la petite enfance, Agathe a aussi écrit trois romans.

 

Cependant, à 50 ans, il persévère dans les rangs de l’Ufolep. Plus de 20 ans encore, il met le maillot et épingle le dossard chaque dimanche pour faire la course au milieu d’anciens coureurs comme lui et de « modernes » (récemment conquis à cette pratique sportive). Quelques fleurs, ici et là, accompagnent ce dernier vagabondage qui s’arrête à … Pindères (sic). De ce long parcours émergent quelques figures remarquables : René De Santi, M. Landa, R. Courrèges, P. Yonnet, A. Derumaux, J.-P. Dulou… Lors de ces dernières années, dans le club de Varès et de son président, G. Martet, Jean s’est attaché à la personne d’Axel Vogel, jeune handisport, vice-champion de France 2022 sur tricycle et ancien espoir (cadet-junior) du cyclisme régional.

 

 

Jean-Pierre Peydecastaing

 

 

 

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 1 = Deux de Créon : B. Laforêt et J.P. Peydecastaing.

 2 = le BVC au Tour du sud-ouest 1971 : Moreno, Peydecastaing, Ferrara, G. Saint-Martin, Miele.

 3=  Jean-Pierre Peydecastaing, BVC-Peugeot-Bos 1970

 4 = débuts en 1964 à Créon

 

 

 

Né en 1946 du côté de Castelviel, Jean-Pierre Peydecastaing est fils de vigneron. Une constitution jugée trop fragile l’envoie, enfant, au préventorium de Brantôme pendant un an. Il ne cesse d’y faire référence. Ainsi, dès son premier vélo à 12 ans, il nous confie ne jamais avoir lâché le guidon. Mais, il a déjà (et pour toujours) le vélo en tête. Jusqu’à 18 ans, il multiplie les randonnées : Monségur, Pellegrue, Arcachon, Labouheyre, Roquefort avec son ami Yvon Combret. Son premier vélo de course est un Dilecta qu’il paye « avec ses sous » et il commence à courir au CA Créon en 1964. Les deux premières années, il dispute une vingtaine de courses, puis il effectue son service militaire à Libourne dans le 31ème Génie et il est sélectionné pour le tir au pistolet.

Le 30 août 1967, il monte en 3ème catégorie. Cette année-là, il effectue 45 courses et en gagne trois : à Coimères, Camiac et Targon. Il monte en 2ème catégorie le 24 juin 1968 après ses victoires à Haut-Cenon-Cavailles, Mazères (2. Magni) et Lagrange. En 1969, il reçoit une « monte » Paloma (CA Créon : gs. Paloma-Primagaz). Il est premier à Arthez d’Armagnac, à Ambarès et passe en 1ère catégorie le 14 juillet 1969. Au cours de la saison, il a participé à 64 courses.

En 1970, il est licencié au B.V.C. (gs. Peugeot-Bos) et le 22/2, il remporte le Prix Charles Bidon devant G. Saint-Martin et Ferrara, une course de classement organisée par le BVC et l’USCRD. Il participe au Tour du Pays basque (16-19/04) dont il termine 29ème au général. Avec l’équipe de Talence, il court les 4 jours de l’Adour (28ème au général et 3ème au sommet du Soulor). Il est aussi 8ème du Prix Codec à Saint Médard-en-Jalles (1. Eyquard, 2.Valade, 3.Prieur  4.Delort A.), 6ème des Boucles du Périgord noir à Sarlat, 19ème du G.P. de la Tomate. Au cours de cette année, il a couru 72 épreuves.

En 1971, du 20 au 24 avril, il est dans le Tour du Sud-Ouest avec le BVC (Saint Martin-Moreno-Miele-Ferrara, d/s : Crespo). Il termine 34ème au général. A Brie (16), il est 4ème derrière : 1. Dubreuil, 2. Bourreau, 3. Fedrigo… 5. Duteil à 6’45’’. Il se classe encore 22ème au général de la Tomate (1. Magni), 9ème de Bordeaux-Bergerac (1. Villemiane, 2. Dubreuil, 3. Duteil, 4. Cigana…). Et, le 30/10, il est 1er de la course de côte à Langoiran. Il a couru 68 fois.

En 1972, après un entrainement au Pays Basque (320 km en 3 jours), il termine dans le peloton au Prix Brettes à Mérignac le 25/3. A Angoulême, pour le 4ème Prix Lévitan, il termine 22ème (1. Serge Dubois, 2. Villeneuve, 3. Godet…), puis 16ème à Montmoreau (1. Trainaud, 2. C. Dolhats, 3. Arbes…). Au mois de juin 1972, il demande une descente en 2ème catégorie auprès de la fédération…

Puis, il renoue avec les cyclos à La Brède, ceux de Barsac et ceux d'Illats, et il s’inscrit à la confrérie des « 100 cols ». Survient ensuite la cancer de la prostate, qu'il soigne par 10 000km à vélo par an.

Rencontré à quelques reprises sur la piste cyclable « La Brède-Hostens » en compagnie de R. Bidet, J.-P. Peydecastaing a toujours « deux vélos dans son garage », qui ont droit, chacun leur tour, à une toilette minutieuse. Il nous a raconté s’être retrouvé sur le vélo à côté de Daniel Barjolin, à qui il n’avait jamais adressé la parole lorsqu’ils étaient dans le même peloton. Et, dans ce nouveau contexte et quelques années plus tard, D. Barjolin a engagé le premier la conversation…

Marié avec Joelle de Langoiran (1973), deux enfants Jeremy et Christelle.

 

Jean-Pierre Nossit

 

 

 

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 1 = Doublé gagnant pour le. CA Créon à Monségur   : Christian  Fauquey et le jeune qui monte JP. Nossit

 2 = Jean-Pierre (Primagaz) et   Michel Fournier (Paloma), deux jeunes du CA Créon.   

 3 = Pères et fils à lUS Villenave d'Ornon : F. Chazaud, C. Nossit, M. Chazaud, Boudat, JP. Nossit .

 4 = Gd. Px. de Monségur 1966, trio du CA Créon :   Fauquey - JP. Nossit - C. Bazoin

 

 

 

Jean-Pierre Nossit est un enfant du cyclisme de l’entre-deux-mers. Né en 1948 à Baurech-Rouquey, son père est salarié à la distillerie Douence. Il est le troisième enfant d’une fratrie de 7 (cinq garçons et deux filles). La vie active commence par apprenti-peintre en bâtiment avec de longues journées de travail. Mais, il voit aussi passer des courses (l’entre-deux-mers est riche de quelques « raidards » et le journal du grand-père donne les résultats du Tour de France (« la liste des engagés et leur numéro de dossard », mais aussi les classements complets et quelques images chargées de reconstituer le fil de l’étape).

Alors, il débute en cadets en 1963, pour être 4ème catégorie en 1964 et il fait sa première course à RIONS. L’environnement est vallonné et les garçons du voisinage ont parfois eux-aussi des vélos de course. Son premier vélo sera un « Verdeun » vert.

Le service militaire lui fait connaître l’hélicoptère et ce dernier engin l’amène à transporter des athlètes de haut-niveau en stage d’altitude à Font-Romeu. 

A 20 ans, il épouse Françoise et devient le papa de Christophe puis de Séverine. En conséquence, il faut nourrir une famille et, donc, gagner sa vie. Jean-Pierre s’engage sur le bateau qui drague la Garonne pour en remonter la grave et, malgré les horaires contraignants, il y passe sept ans, d’abord matelot puis il finit par le diriger. Mais, il ne peut courir le dimanche. Licencié au CA Créon, il y rencontre un ancien coureur devenu mécano et qui sera le futur beau-père de G. Saint-Martin (M. Barnagaud).

Ensuite, il reste à la SOFORGA à Floirac qui s’occupe du traitement des produits carnés. Il y connaît un patron (R. Dupouy) qui fait de lui un chef d’équipe, puis le contremaître général.

Ensuite, il s’occupe de la logistique du transport et devient directeur commercial. En 1996, à la suite de la maladie de « la vache folle », l’usine de Floirac ferme. Les produits carnés de Sofroga sont repris par SANOFI qui a une usine à Angoulême, ce qui l’amène à se déplacer. En 1985, il se sépare de la mère de ses enfants.

L’entreprise est rachetée par un groupe allemand (RETMAN), qui fait de lui le responsable de l’usine de Benet en Vendée. Il a 48 ans et il y restera 14 ans jusqu’à la retraite en 2005.

Remarié en 1992 avec Véronique, il devient le père d’une autre fille, Juliette. Ils sont installés à Léognan. Sur les routes du Sud Gironde, il renoue avec Philippe Nardi, désormais président du club de La Brède et reprend une licence à l’Ufolep . Il se met à collectionner les victoires.

Le vécu de Jean-Pierre Nossit nous fait toucher du doigt l‘impossible conciliation entre le travail, ses horaires et le temps nécessaire pour s’entrainer, quand – en plus – le « boulot » ne permet de courir que le dimanche.

Un débat largement « baillonné » lequel, pourtant, pose des questions fondamentales elles-mêmes restées sans véritables réponses.

Par exemple, qu’est-ce qu’un coureur cycliste amateur (après 2000…) ? Jusqu’à quel âge a-t-on le droit de faire de la compétition cycliste ?

A partir de la fin des années 60 et avec l’irruption du Cdt. Marillier, puis les modifications successives des catégories (les A et les B, les « toutes catégories » ou le leurre de « Tous en A » …), le cyclisme se modifie et, bientôt, la F.F.C. délègue à des fédérations affinitaires (Ufolep, Fsgt) la « base de la pyramide » (coubertinienne). Les pratiquants, quant à eux, multiplient les stratégies (choisir sa fédération, choisir sa catégorie, choisir ses courses…).

Parmi ces jeunes gens que nous avons rassemblés (provisoirement) sous l’appellation « le petit peuple des 3 et 4 », nous identifions une autre pratique du cyclisme qui signifie beaucoup. Ainsi, quand les pères recourent avec leur fils, ils fréquentent ensemble les mêmes pelotons : soit un jeune de 17 ans et un adulte de 38-40 ans

Quand il était jeune, Jean-Pierre Nossit a gagné en FFC les prix de Saint-Loubès, Izon, Uzeste, Lérignac… Un peu plus tard, il a fait 2 du premier Tour du Bassin derrière Landa et, à Anglet, 2 derrière H. Arbes lors de l’Essor Basque.

 

 

Alain Chaussat

 

 

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 1 = 1er à Laubertrie-Salignac 

 2 = 1ère étape du tour du Médoc 

 3 = le Grand Prix des Barrauds à Libourne

 4 = le Prix de la Vieille Cure à Cenon devant trois sociétaires de l'USCRD et avec les commentaires du speaker J.M.  Sans

 5 = Alain et le podium du critérium de Caudéran : Duclos-Lassale, Tchmil et Bincoletto.

 

 

 

Né à Libourne en 1948, Alain commence le vélo en catégorie « cadets » en 1963. Le Libourne cycliste est encore partagé en deux : l’AVCL, l’Auto-Vélo Club avec Paul Laffayas et la SCA, la Société Cycliste et Athlétique avec Max Servant.

En cadets, Alain Chaussat ne « marche pas ». Puis, il fait quelques places en 4ème catégorie. Enfin, à 18 ans, il gagne des courses : 1ère étape du Tour du Médoc, Prix de la Vieille Cure à Cenon, celui des Barrauds à Libourne, à Nérigean, à Parempuyre, à Laubertrie-Salignac…

Il s’essaye en « toutes catégories » et gagne le prix spécial 3 et 4 à Abzac, mais à Roullet en Charente ils sont 129 au départ…

Elève au lycée professionnel, il obtient un CAP d’ajusteur-tourneur-fraiseur-outilleur, puis il passe aussi un diplôme de dessin industriel. Il a conservé son dossard 23 au championnat de France OSSU à Reims. Pendant le service militaire au sein de la 4ème Région militaire, le colonel Prudhomme lui autorise quelques facilités pour s’entrainer et, lors du championnat militaire, il se classe 2ème en vitesse derrière Serge Lapébie et 3ème en poursuite. Au retour du régiment, il figure parmi les 197 partants de Paris-Evreux le 23/3/1969. En 1971, il porte le maillot de la SCAL pour 34 courses.

Dans ses archives figure aussi le dossard 36 qu’il a épinglé pour le Tour d’Eure-et-Loire, effectué avec l’AS Libourne (avec Vidal, Besse, Marlot frères, Dubois). Il sera aussi dans le Tour des Landes et dans Angoulême-La Rochelle. Mais, depuis 1971, il est salarié de l’entreprise PECHINEY à Saint Seurin sur l’Isle, où il restera jusqu’à sa retraite en 2008.

Après 1978, il se lance comme speaker dans l’animation des courses et, bientôt, il officie au Grand Prix de Langon, à la nocturne de Mussidan, au criterium de Caudéran, au cyclo-cross de Fronsac. Soit environ 95 courses en une saison, une dizaine de cyclo-cross et quelques réunions sur piste au Stadium de Bordeaux-Lac.

Sollicité sur le sujet, il définit la mission du speaker en quelques mots qui se résument à

« faire vivre la course », par « ses intonations de voix et ses commentaires » et à « relancer la course »… mais, surtout, à « ne pas réciter comme le curé à la messe »… 

Cette définition du rôle du speaker fait aussitôt resurgir la nostalgie : « c’était mieux avant … on mangeait tous ensemble » (organisateurs, dirigeants parfois coureurs). Ce qui n’empêche pas Alain Chaussat de nous rappeler : « le vélo, c’est le « métier », ce qui signifie « sérieux ».

 

 

Christian Bazoin

 

 

 

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Nouvelle république du centre (02/08/2015), "Ch. Bazoin, le fou de la "petite reine"

 

 

A l’occasion d’une vente d’objets sportifs organisée dans le gymnase des P&T à Mérignac par le postier Francis Gonzalès, j’avais rencontré à son stand Christian Bazoin, lequel m’avait raconté que, dans sa jeunesse, il avait couru en Gironde sous les couleurs du CA Créon. Et, il m’avait demandé les coordonnées de J.-P. Nossit.

Pour préparer cette enquête je suis donc allé à Saint-Denis de Pile pour y rencontrer Pierre Petit (8ème au Grand Prix de l’Ormeau 1967) et, lui-aussi, a manifesté l’intention de reprendre contact avec Ch. Bazoin. Et, c’est en cherchant les moyens de recréer ces contacts – avec l’aide de G. Saint-Martin – que j’ai trouvé un article paru dans la Nouvelle République du Centre du 02/08/2015, dont le titre est : « Christian Bazoin, le fou de la « petite reine ». Bazoin, ancien agent de la D.D.E. à la retraite, était venu s’installer à Montlouis en 1989. Grand collectionneur de tous les objets touchant au cyclisme (livres, cartes postales, affiches, casquettes, bidons, coureurs miniatures…) qu’il conservait chez lui dans une pièce spéciale, il avait aussi créé une association sportive « Montlouis Passions Sportives », puis lancé une bourse annuelle « Tous Sports » à Montlouis (14ème édition en 2010) à laquelle avait participé des gens comme Florent Bard ou Jacques Seray.

Malheureusement, mes recherches m’ont conduit, tout de suite après, à la lecture d’un faire-part de décès : « M. Ch. Bazoin est décédé le 25/11/2021 (73 ans) à Champeneuil, département de l’Essonne » (Libra Memoria).

Cf. le nota bene plus haut et la rectification dont nous remercions Gérard Descoubes. 

 

 

Pierre Petit

 

 

 

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photo Sud-Ouest, 22/08/2018

 

A la fin des années 1970, en pleine éclosion des courses dites de « cyclosportifs », mieux encore appelées de « non-licenciés » (!), j’avais couru avec et contre Pierre Petit qui se produisait alors avec de nombreux cyclistes licenciés à l’A.S. Libourne ». Un article publié sur cet homme dans « Sud-Ouest » (22/08/2018) rapporte que Pierre, fils d’André, avait repris l’aventure de son père, « dont la carrière amateur avait été ponctuée d’une quatrième place au championnat de France ». D’ailleurs, Pierre reconnaît aujourd’hui qu’il était suivi de près par son père, que nous avions l’habitude de voir sur les courses : un petit homme avec un large béret sur la tête.

En fait, Pierre a commencé en « cadets » en 1965 où il gagne deux courses et collectionne six places de deuxième et 17 de troisième. Lors du championnat de Gironde il se classe justement troisième derrière ses deux grands adversaires :  Gérard Besse et Dutreuil. Par la suite, il grimpe en 1ère catégorie, mais à 18 ans, il bute sur la défense des privilèges qu’ont organisée les « anciens ». En 1967, Pierre Petit a gagné à Gensac-la Pallue devant André Corbeau, Vidal, Rigal… le 7ème s’appelle Gérard Latour et le 10ème Parenteau. Il gagne aussi à Eglise-Neuve d’Issac.

Fin des années 60, il pose le vélo et se met au foot. Non seulement joueur, mais président d’un club fort de ses trois cents licenciés et de son équipe de filles.

En 1972, il revient au vélo et dispute des compétitions jusqu’à 58 ans. Puis, avec quelques « mordus », il monte son propre club. Un club, dont il va bientôt devenir le président irremplaçable, qui ne cesse d’honorer les bénévoles « sans qui, il ne peut y avoir d’organisation de courses ».

Pierre Petit est viticulteur à Saint-Denis de Pile et il produit sur 12 hectares trois appellations de vins dont le « Petit Galopin » en Montagne-Saint-Emilion et le « Grand Bossuet » en Lalande de Pomerol. Une petite entreprise qu’il s’apprête à transmettre à son fils, Sébastien, lequel a lui-même deux garçons. Il y a aussi Sandrine, la fille et la sœur qui a aussi deux enfants.

Pierre Petit roule toujours à vélo, ce qui l’aide à réfléchir au casse-tête des droits de succession.

Cependant, quand avec ses copains le parcours devient bosselé, il n’a pas honte de prendre son vélo à assistance électrique.

 

 

Bernard Lagrave

 

 

 

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1 = 26 mai 1968 :  B. Lagrave arrive seul dans le G.Px. des Fêtes de Saint-Loubès "Jean VIdeau", au fond les deux poursuivivants, Gérard Saint-Martin et Alain Aubert du CA Créon.

 

2 = sur le cliché,  la remise des gerbes, on reconnaît (de gauche à droite) : le speaker Pierre Magnan et derrière lui, André Vermeulen, puis B. Lagrave, la Miss et Aubert et Saint- Martin.

 

 

 

« Nous étions très pauvres » avoue Bernard Lagrave, mais il nuance aussitôt son propos : « Je n’ai jamais manqué de rien ». Père et grand-père communistes, les hommes partaient au travail en vélo.

Bernard est né en 1949 et son enfance est marquée par la maladie. Comme nous l’a raconté Peydecastaing, il doit passer un an du côté de Brantôme pour lutter contre la tuberculose. Le décès de sa mère à 39 ans (le diabète) abrège ses études secondaires en 4ème. A cette époque, la suite s’appelle l’apprentissage : il acquiert la compétence de carreleur et passe le CAP de maçon. A 15 ans, il travaille dans l’entreprise FAYAT où il est employé au coffrage et au ferraillage.

Marié en 1973, il est le père d’un garçon (1978) et d’une fille (1981). Mais, en 1978, une grave hernie discale l’oblige à arrêter le travail manuel. C’est à l’école de la rue Duhamel (sous l’égide de l’ONAC) qu’il reprend sa scolarité. Puis, il prépare et obtient un diplôme d’expert-comptable avec le CEPCF partenaire privilégié des TPE et des PME. IL conserve les souvenirs d’un instituteur (M. Fetron) et d’un professeur de français (Yves Castex) qui « lui ont beaucoup apporté ». Il passe alors le concours de secrétaire général de mairie.

Sa candidature à la bourse de l’emploi lui permet d’obtenir une place à la mairie de Barsac dont le maire, M. Minville compte parmi ses conseillers municipaux, Pierre Nardi. On est en 1981. Toute sa vie, il connait des problèmes de dos et porte un corset en plâtre à partir de 1983.

Son existence de coureur cycliste débute en 1964 dans la catégorie des cadets avec une montée en 1ère catégorie en 1969, suivie du service militaire en 1970. La reprise est retardée par le travail et le mal de dos, elle s’effectue en 1987 à la FSGT, puis il retourne à la FFC en 1990. Plus tard, en 2011, il gagne le championnat de Gironde dans les rangs de l’UFOLEP et se classe 4ème chez les vétérans.

A partir de 1964, il prend une licence successivement à Mérignac, Talence, Le Bouscat, Latresne(Fsgt) et il compte une trentaine de victoires (en 3 et 4). En 1998, il est au VC Barsac, dont il devient le président en 2005 et veille désormais sur une vingtaine de coureurs, dont Yann Toutain, quatre fois champion de France Ufolep (2011-2016-2019-2022).

 

 

Gérard Saint-Martin

 

 

 

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Gérard, 17 ans, qui sera bien déçu du résultat de l'éliminatoire régionale...

 

 

Né dans une famille d’Ambarés étrangère au milieu du cyclisme, Gérard Saint-Martin débute en cadets à l’AS Ambarés en 1965. Ses premières années sont remarquables :

. 1967 = vainqueur de l’éliminatoire départementale du 1er Pas Dunlop.

. 1968 = vainqueur de Bordeaux-Castillon et retour (2. Magni…4. Cigana)

            = vainqueur du criterium des pompiers à Coutras

. 1969 = vainqueur du G.Px. de la Pentecôte à Pauillac (2. Cigana 3. Peydecastaing)

. 1970 = vainqueur du Grand Prix de la Victoire à Libourne (2. Fauquey 3. Frosio)

            = champion militaire inter-régions de poursuite à Villemur

Sa carrière de coureur se déroule de 1965 à 1975. Parallèlement, les études et la formation professionnelle le mobilisent de plus en plus. Après son CAP, il est électricien-auto et devient un salarié du groupe « Matra-Simca ».

 

Le 08/04/1972, il épouse Françoise Bernagaud, fille de l’ancien coureur que Gérard a bien connu au CA Créon avec ses copains Peydecastaing et Laforêt.

En 1976-77, les époux Saint-Martin s’installe à Cambes. C’est la création du magasin-atelier d’un vélociste spécialisé, d’où, pendant plus de vingt ans vont sortir des vélos de course, pour la plupart estampillés « Saint-Martin » (longtemps avec cadre Carré). Gérard qui a appris dans les courses « à mouiller le maillot » multiplie sa participation : mécanicien des équipes de France et /ou d’Aquitaine à l’époque de J.-J. Rebière, participation à des expositions ou lors d’événements comme les 6 jours, équipement et soutien de certains coureurs régionaux.

 

Après 2000, face à la concurrence commerciale des grandes surfaces et, bientôt, des groupements puis de l’industrie du carbone, Gérard Saint-Martin évolue vers le vélo de randonneur et de tourisme.

La fermeture du magasin en 2011 correspond à l’âge de la retraite, mais l’artisan-collectionneur l’a transformé en musée. 

 

 

Guy Dagot

 

 

 

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 Une des premières victoires de Guy Dagot à Saint-Vincent de Connezac en 1976, interviewé par le speaker A. Delord 

 

 

Aujourd’hui, il habite Saint Pierre d'Aurillac (33), mais il est né en 1950 à Montignac-Vauclaire (24). Ainsi, il débute parmi les cadets en 1965-66 à l’Union Cycliste Montponnaise. Il monte en 2ème catégorie et s’arrête de courir en 1995. Entre temps, il gagne à Saint-Vincent de Connezac, à Echourgnac, à Saint Laurent des Hommes (sa 1ère victoire en 1967), à Baignes-Barbezieux et à Bois de Montmoreau.

Son grand plaisir aura été – comme d’autres presqu’au même moment (Chazaud, Grechi, Nossit..) – de s’aligner au départ des courses avec son fils Lionel (juniors-espoirs) autour de 1990. Peu de temps avant de se retirer du peloton (1991), il (re-) lance « Sud Gironde Cyclisme » sur les traces de Serge Augiron et dans le cercle de Bernard Peccabin (« La Dordogne Cycliste »), qui a créé le premier site internet sur le cyclisme : « photovélo ».

 

En 1972, Guy de Montignac (24) a épousé Marie-Claude de Bellebat (33), la fille du président du comité des fêtes. Longtemps, ils ont tous deux travaillé dans le milieu hospitalier : lui, infirmier « psy » à Cadillac, elle, aide-soignante à Langon. Ils ont eu deux garçons : Lionel, MCF en Psychologie à l’université, et Laurent, décorateur événementiel.

 

Nous les avons connus tous les deux sur le tandem dans le peloton de Léognan. Malgré quelques duels (gagnés) contre la maladie, Guy a réussi à établir et maintenir le premier site (indispensable) sur l’activité cycliste en Aquitaine. 

 

 

Conclusion :  

 

Ces neuf coureurs, dont sept figurent parmi les quinze premiers classés du Grand Prix de l’Ormeau en 1967 à Créon, auxquels j’ai rajouté JP. Nossit et G. Dagot, issus de la même génération et des mêmes pelotons, sont tous nés entre 1944 et 1950.

Ils ont presque tous environ quinze ans quand ils débutent la course cycliste chez les cadets. Après une ou deux années où les résultats se font attendre, ils émergent tous dans la 4ème catégorie à 17-18 ans. La plupart vont accéder à la 1ère catégorie, même si le service militaire qui existe encore (suspendu par le Président Chirac en 1977), ramené à 1 an (en 1970), constitue un premier ralentisseur de cette progression.

Deux autres événements contribuent aussi à cette mise à distance de l’investissement dans le cyclisme. Le plus souvent, il s’agit de la recherche d’une activité professionnelle et de la constitution d’un couple puis d’une famille. Le deuxième événement générant la nécessité du premier.

Les « obstacles » à négocier posent ici le problème de la signification du concept d’amateur. Tout se passe comme si on ne pouvait être considéré comme « amateur » que jusqu’à la majorité qui est alors fixée à 21 ans (1907-1974). 

Cependant le concept d’amateur (les règles du C.I.O. indiquent que les Jeux Olympiques sont réservés aux amateurs, règle 26 – 1962) est relativement imprécis. L’histoire de l’olympisme est jalonnée des manquements ou des contournements de cette règle (Jules Ladoumègue radié à vie le 4 mai 1932, au faîte de sa gloire).

Le cyclisme (peut-être avec la boxe) constitue un domaine relativement à part puisque, très tôt, il a conçu le professionnalisme. D’ailleurs, une catégorie – mixte en quelque sorte – a été créée « les indépendants », qui ne sont ni des amateurs, ni des professionnels, mais peuvent concourir avec les deux autres catégories.

Certains (dont le Cdt. Marillier) voudront la disparition des indépendants à la fin des années 60. Reste que pratiquer le cyclisme, sport basé sur la course et faisant appel aux capacités de résistance et d’endurance, d’une part et, d’autre part, nécessitant des dépenses assez importantes (déplacement, matériel…), deviendrait alors l’apanage de célibataires rentiers ou riches héritiers. Ce qui est peut-être la même chose, mais n’existe guère.

Or, dans les exemples que nous avons choisi d’examiner, une autre constante se dégage : d’une manière ou d’une autre, ces sujets continuent la pratique jusqu’à un âge avancé. Comme si, à travers les tourments d’une vie ordinaire (mariage/divorce, enfants à élever, contraintes et aléas de la vie professionnelle, chutes et maladies, soucis de santé et vieillissement) leur objectif ressemble à celui énoncé par Roger Lapébie : « Je voudrais mourir sur mon vélo » (entretien avec Noël Couëdel in « l’Equipe » du 11 juillet 1981).

 

 

Epilogue :

 

Il s’est agi ici de montrer qu’en un peu plus de 60 ans – bien que le cyclisme ait beaucoup changé – des hommes ont grandi, vécu et vieilli en conservant leur attirance pour une pratique sportive qui les a captés au moment de l’adolescence.

 A l’ouverture de cette saison 2024, le journal « l’Equipe » offre deux pages à ce qu’il appelle « la fuite des minots ». Six représentants de la nouvelle génération, dont la moyenne d’âge est inférieure à 21 ans, ont décidé de devenir professionnels à l’étranger. L’un d’eux, Paul Magnier, compte déjà deux victoires à son palmarès de néo-pro.

Du « jamais vu » ? En fait, c’est une nouvelle tendance évolutive du cyclisme magnifiquement illustrée par Tadej Pogacar, vainqueur du Tour de France 2020 à moins de 22 ans (le plus jeune vainqueur de cette épreuve depuis 1904). Cette arrivée des « jeunes » anéantit toutes les précautions autrefois observées pour les débuts dans la compétition cycliste. Ce changement est initié depuis les années 60. La « majorité » pour les débuts en cyclisme (16 ans) est mise à mal par l’apparition dans ce sport de catégories d’âge déjà présentes dans d’autres sports : l’athlétisme et les sports collectifs, par exemple. Ainsi, en 1958, le premier champion de France de cyclisme sur route cadet s’appelle Jacques Suire.

Une deuxième évolution est conduite par le commandant R. Marillier (1924-2017), militaire des forces spéciales, résistant, époux de Jeannine Juy, la fille du créateur du dérailleur « Simplex ». Robert Oubron lui propose de devenir le premier D.T.N. du cyclisme français et, en 1967, la catégorie des « indés » est supprimée. Dans la logique de cette réforme, le DTN crée le « Club France », sorte de réservoir des meilleurs coureurs amateurs français. Avec une certaine réussite : Régis Ovion est sacré champion du monde amateur sur route en 1971.

Dans le sillage de ces changements, les années 1970 sont marquées par l’inversion de ce que, jusque-là, désignait l’expression « pyramide coubertinienne », à savoir : l’élite est issue de la masse. Cette mutation est favorisée par la contestation « post-68 » et la démythification des modèles encore prônés : la R.D.A. et l’URSS. La nouvelle conception table sur une indépendance entre la masse et l’élite et dissocie les objectifs d’augmentation du nombre de pratiquants licenciés et ceux du « haut-niveau », lesquels mobilisent la « recherche scientifique » et « la détection précoce des jeunes talents » (libellé de l’un des sujets de la jeune agrégation d’EPS en 1984).

Autre impact sur l’évolution du cyclisme et de sa société en France : au-delà de la chute du mur de Berlin (1989) dont les conséquences vont modifier les rapports de force dans les compétitions internationales, les J.O. de Barcelone (1992) avec la participation de la « dream team » (l’équipe de Basket USA) enterrent définitivement la notion d’amateurisme et engagent, après Atlanta et Coca-Cola (1996), le sport de haut-niveau dans les turbulences économiques plus que politiques d’un « sport-spectacle capitaliste ».

Ici, juste un arrêt sur image : l’Italie, pays qui est avec la France au départ du cyclisme à la fin du XIXème siècle, ne possède plus aujourd’hui d’équipe en première division internationale (UCI World Tour), les leaders étant majoritairement des groupes soutenus par les pays arabes (gaz, pétrole…) ou de grands financiers (parfois propriétaires aussi de club de football).

L’organisation contemporaine du cyclisme est conçue à l’image des « grands sports-spectacle », dont elle a assimilé les codes et les manières. C’est Hein Verbruggen, entré dans le cyclisme par l’intermédiaire des barres chocolatées « Mars » qu’il a promues sur le maillot de l’équipe Flandria (1970) (élu à la FICP en 1979, il en devient le président en 1984) qui crée ensuite l’UCI Pro Tour en 2005 et déclenche la mondialisation de ce sport.

Il s’ensuit un système de catégories et de divisions pour les équipes professionnelles, lesquelles s’appuient sur un classement des courses et des coureurs, le cyclisme ressemblant de plus en plus au tennis et au football.

De nouveaux acteurs tiennent de nouveaux rôles dans ce « nouveau monde » comme ces recruteurs, dénicheurs de talents, parfois loin des écoles de cyclisme et des épreuves régionales, par exemple dans de nouvelles compétitions indoor qui, grâce à internet, permettent les confrontations de performances à distance (Zwift).

« L’Equipe » du 29 février 2024, par l’intermédiaire d’Alexandre Roos nous révèle l’existence d’une possible ou probable évolution : « One cycling Project », laquelle prendrait l’apparence d’une Super Ligue en Football. Le journaliste évoque à mots couverts la difficulté de trouver un langage commun pour « tenter de dynamiser le modèle économique tout en préservant la culture du sport… »

 

Alors ?

 

A quoi peut donc servir ce rappel des spirales de l’évolution du sport cycliste ? Quel est le rapport avec la Grand Prix de l’Ormeau en 1967 et ce que nous avons osé appeler « le petit peuple des 3 et 4 » ? Qu’est-ce que Alexandre Roos désigne par la « culture du sport » ? 

Ce n’est pas seulement la nostalgie qui nous fait dire que, pour nous, la culture du sport cycliste est constituée par les « courses de village » et leurs organisateurs, les pratiquants et leurs familles, les anciens qui conseillent et aident pour la mécanique, l’utilisation de l’espace public dans un temps festif, la gratuité du spectacle et sa facilité d’accès.

« On me dit à présent » (Jean Ferrat, Nuit et Brouillard) qu’il y a de moins en moins de courses.

Qu’une course à pied est plus facile à organiser qu’un grand prix cycliste et que cela coûte moins cher. Et, lien de cause à conséquence, qu’il y a de moins en moins de jeunes coureurs.

Depuis la thèse de Michel Bouet (1924-1995) publiée sous le titre « Signification du sport » (Puf, 1968) nous avons mieux mesuré le malaise qui saisit lorsque l’on prononce le mot : « sport ». Alors que le phénomène qu’embrasse ce mot a plus qu’envahi tous les secteurs de la société, nous sommes obligés de convenir qu’il n’en existe pas de définition claire et précise.

« Sport de masse, sport loisir, sport pour tous, le yoga est un sport, les échecs ont une fédération sportive, le sport chez les Grecs… sans compter l’éternel et rassurant : le sport, c’est la santé ».

Alors ? le sport juste un sujet de télévision, de pari, de « debrief » ? et les courses cyclistes, un passe-temps démodé ?



12/03/2024
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