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Pierre NARDI

 Nous innovons dans la présentation du coureur et de ses résultats, puis nous posons la question :un palmarès, qu'est-ce-que c'est ? 

 

 

Arcachon, Pierre Nardi, 22ans... ombres et lumières enlacées.

 

                                                Palmarès, Palmarès ?...

                         Chacun connaît le remède : pour mettre fin à l'arrogance de certains cyclistes, d'autres n'hésitent pas à leur lancer : « Quel est ton palmarès ? » Un palmarès, qu'est-ce que ça dit ? Comment ça parle ?

            Tout le monde connaît le mot. Un palmarès, c'est la liste des lauréats d'un concours, d'un festival (le palmarès du festival de Cannes), d'une compétition quelconque (le palmarès du Tour de France). Une liste donc, des gagnants, des lauréats qui ont obtenu des prix ou des accessits. Pour ce qui concerne un sportif ou une équipe, un club, c'est aussi la liste des succès qu'ils ont remportés. Le mot vient du latin et désigne celui qui mérite la palme.

            Qu'il s'agisse d'un sportif individuel (un cycliste) ou d'une épreuve (le palmarès de Bordeaux-Saintes) quelques problèmes peuvent être posés. Le vainqueur est évidemment la première donnée à retenir avec l'année. Ensuite, certains se satisfont du « podium » (les 3 premières places). Faut-il aller au-delà ? (un site comme « velocompetition.com » affiche les 10 premiers de Bordeaux-Saintes depuis 1937… et c'est remarquable). Pour un coureur, que faut-il retenir ?

            Derrière ces interrogations se cache – peut-être – l'intention de construire une hiérarchie, d'établir, encore, un autre classement : par exemple, quel est le meilleur coureur de tous les temps ? De nombreuses tentatives ont été effectuées, mais qui ont rencontré très tôt – et, justement – la critique : comment évaluer telle épreuve par rapport à telle autre ? Comment comparer une génération de coureurs à une autre ? Comment tenir compte de l'époque et du contexte ? etc…

            L'idéal déjà serait de parvenir pour chaque individu à un recensement complet de son activité. Et qui prendrait en compte aussi les périodes d'inactivité liées à une maladie, une blessure (chute), et pour les périodes les plus contemporaines, les suspensions !

            S'arrêter à la seule victoire ou au trio monté sur le podium est un objectif limitant et limité. Selon l'épreuve et selon la participation, une place, même éloignée au classement, signifie que ce coureur a pris part à cette épreuve importante, dont la liste des participants qualifie le niveau élevé : un championnat de France, par exemple.

            Une majorité pourtant se dégage pour dire que la participation au Tour de France est le critère absolu. Qui dit participation signifie effectivement que le coureur a été choisi parmi d'autres pour le « grand rendez-vous de Juillet ». le critère devient plus précis lorsqu'il comprend le fait d'avoir terminé le Tour de France.

            Dans le cas de Pierre Nardi, nous sommes confronté  à quelqu'un dont le palmarès est suffisamment « parlant » : comprenant des victoires dans quelques courses que certains coureurs qui ont terminé le Tour n'ont jamais gagnées. Pierre Nardi – et il est loin d'être le seul à le dire – déclare : « En France, il n'y a que le Tour ! ». Et, si vous poussez la confidence un peu plus loin, il raconte comment Paul Maye lui a proposé de re-devenir « pro » dans la perspective de l'incorporer à l'équipe du « Sud-Ouest ».

 

Pierre NARDI, puisque c'est de lui qu'il s'agit ...

 

             Pierre Nardi a eu 82 ans le mois dernier et quand on lui rend visite dans sa maison de Barsac, on ne se trouve pas face à un vieillard, mais en compagnie d'un homme dont la stature en impose encore, au point de faire douter qu'il ne mesure qu'un mètre soixante-treize.

Si on lui demande s'il monte encore à vélo, il jette un coup d'œil interrogateur par la fenêtre et annonce qu'avec les beaux jours, cela ne saurait tarder. Une chute, l'année passée, l'avait momentanément arrêté, mais il s'est vite remis. Lorsqu'il parle de sa vie de coureur cycliste, on a l'impression que c'était tout juste hier.

L'homme – il est vrai – a été honoré par Gérard Descoubes, dans « Coups de Pédales » en juillet-aout 1996 et, aussi, dans son ouvrage « Patrimoine cycliste du grand sud-ouest » (2006). Son palmarès est en bonne place sur le site « Mémoire du cyclisme » et, bien entendu,  dans l' « Encyclopédie mondiale du cyclisme » (Grasset-Dauchy-Sergent, éd. Eecloonaar,B.)

En février 2007, conduit par son fils aîné Jean-Noël, il est allé à Saragosse répondre à l'invitation de l'  « Asociacion de Excorredores Ciclistas de Aragon » qui fêtaient le vainqueur du 1er Tour des Pyrénées (1956), "el francés Nardin, vencedor absoluto de la carrera Bearn-Aragon"  (Hearlde de Aragon, 9 juli de 1956)

appelé aussi « Béarn-Aragon » ou « Pau-Saragosse-Pau », en compagnie de Geman Guillen et Julian Quilez. Lors de ma première visite, il a encore soulevé le magnifique trophée gagné en 1956, perdu puis retrouvé à… Barsac !

 

            Avec Pierre Nardi, il s'agit vraiment d'un coureur cycliste des années 5O, d'un pur « routier », d'un jeune homme de l'après-guerre, élevé en milieu rural (St. Germain des Graves) par des parents d'origine italienne (la province de Trévise). Une génération de coureurs où tout le monde n'a pas de voiture, mais chacun son sac à dos ou sa valise, et quand il faut aller loin, on prend le train.

Rencontre du troisième type : le "grand commerçant" (les vêtements "Thierry") et le coureur avec son sac à dos...

           Cela commence par une course de village, à Loupiac, au cours de laquelle l'apprenti boucher de 18 ans, malgré son vélo de livreur quoiqu'un peu bricolé, lâche ses adversaires. De bons conseilleurs l'orientent alors vers le C.A. Béglais. Il dispute ses premières courses de classement en 1948, ramasse deux ou trois « gamelles » qui lui valent l'ironie et les mises en garde de Mancisidor et de Virol.

 

1948-1949 : au départ d'une course de classement du C.A. Béglais, Pierre Nardi est celui dont le dirigeant tient la potence du vélo.

 

            Equipé en 1949 par Elvish, après trois succès consécutifs en juillet (St. Martial, Birambits et Cenon), il accède à la 2ème catégorie, fin 1949.

 

 Vers 1949, sous le blason du C.A.B. : Nardi et Barrière... Elvish, la première "monte". 

            En 1950, il agrandit son rayon d'action et se confronte au Gd. Px. de Talence sur le parcours Bordeaux-Labouheyre-Bordeaux (1. Bacquey) et au Gd. Px. de la Tomate à Marmande (1. Bidart). Ses victoires à St. Christophe des Bardes (2. Gaury) et à Castets en Dorthe (2. Gourd) prouvent ses aptitudes sur des parcours difficiles. Fin août, il est en 1ère catégorie.

            A 21 ans, il côtoie A. Darrigade (2ème derrière lui à Labrit) et Jean Bobet dans le Tour de l'Orne (remporté par ce dernier et où il finit 3ème, mais que le site « Mémoire du cyclisme » semble avoir…oublié !).

1952 : au départ du Gd. Px. de Langon, place du marché. Confronté à la photo,Pierre Nardi (au second plan sous une croix) reconnait : Latte, Aubry, Capdepuy,Bourgoin, Goliath, Regetti... et le gendarme de service... entre autres.

            L'année 1952 est constituée par une vraie saison de coureur cycliste. De mars (02/03) à octobre (19/10), Pierre Nardi compte 61 jours de course et collectionne 17 bouquets, parmi lesquels les Grands Prix d'Arcachon, de Langon, des vêtements Thierry, le Bordeaux-Arcachon-Bordeaux

"Bordeaux-Arcachon-Bordeaux "était patronné par "Coca-Cola". Il faisait chaud et le vainqueur avait soif !

et la 4ème étape du Tour du Sud-Ouest. C'est aussi l'année de la « Route de France », disputée avec l'équipe du sud-ouest (patronnée par le journal du même nom), dont le directeur sportif est Armand Poupar. Voici la composition de cette équipe :n°100, Garnung F., n°101, Nardi P., n°102, Cigano J., n°103, Virol A., n°104, Laudet G., n°105, Boucherie M., n°106, Manseau Y., n°107, Mourguiart R.

L'épreuve se déroule en 14 étapes de Caen à Aurillac entre le 4 et le 18 mai  et compte 7 étapes dans le sud-ouest : Pouzaugues-Royan, Royan-Cognac, Cognac-Arcachon, Arcachon-Bayonne, Bayonne-Oloron Ste Marie, Oloron-Luchon, puis le Portet d'Aspet… C'est sa première grande course par étapes, et il effectue une remontée au classement dans la deuxième partie de la course pour finir 31ème à 49'43'' du vainqueur Moïse-André Bernard (2. R. Julienne). L'histoire a mieux retenu les noms du 3ème Jan Adienssens, du 4ème J. Nolten et du 5ème G. Buchaille. Pour mémoire aussi, le coureur qui suit Pierre Nardi au clasement général se nomme… Le Guilly (32.à 52'21'')… Un Pierre Nardi, surnommé « Peau Rouge » au départ d'Oloron après sa chute de la veille.

L'autre grande course à étapes de cette année 1952 est le Tour du Sud-Ouest, relancé 10 ans après par le Burdigala-Paris_Club et R. Reboul. Quatre étapes au terme desquelles, le gagnant est J. Dacquay devant le vainqueur de la dernière étape : Pierre Nardi.

 Tour du Sud-Ouest 1952, trois grandes figures : Dacquay (1er), Nardi (2ème) etReboul, l'organisateur.

Une deuxième place,aussi,  au Criterium des Grands Vins de Bordeaux, course en 4 étapes dont le vainqueur est Allory.

Mais, le succès le plus décisif pour la carrière de P. Nardi est le Grand Prix d'Arcachon acquis sur la dune et conquis devant J. Dupont et A. Dolhats. Le reportage est signé Charles Bidon : « le soleil flambe, le temps est magnifique… », mais, « en présence d'une énorme affluence…la course n'a pas été du tout  celle que l'on attendait » , car « la victoire de Pierre Nardi a mis tout pronostic en déroute. »

Grand Prix d'Arcachon 1952 : " Tout à coup, Nardi se dégage du peloton de 13 unités.

A coups de pédales puissants, le jeune routier prend rapidement du champ..."

(Charles Bidon)

Pourtant, « le coureur du Cyclo-Club Bordelais a gagné ce Grand Prix avec une autorité, une décision incroyables. Ce résultat a montré péremptoirement qu'un grand as du cyclisme routier venait d'éclore cette année en Gironde. »

 

            Vient alors l'aventure « Tendil ». Equipé par la marque nîmoise, il est convoqué pour le Midi Libre, le 14 mai 1953, qui est une épreuve en ligne de plus de 200 km., où l'on retrouve parmi les engagés : Dotto, Mirando, Anastasi, Elena, Molineris, Vitetta, Lauredi, Poblet, Dolhats, Darrigade, les frères Lazaridès, Deledda, Antonin Rolland, Teisseire, Robic, Varnajo, entre autres… Tout (ou presque) a été raconté sur la victoire inattendue de Pierre Nardi.

  

 

 Titre et reportage photos de "Miroir-Sprint", classement : 1. P. Nardi 2. P. Matteoli 3. A. Deledda

Dire que c'est « sa seule grande victoire'» peut paraître exagéré pour un coureur qui a, aussi, à son palmarès de belles courses comme : les Boucles du Bas Limousin, le Tour de la Corrèze, le Tour du Tarn-et-Garonne… Cependant, cette victoire surplombe toutes les autres et les conditions de ce succès sont révélatrices du caractère de l'homme. Le qualificatif d' «individualiste » semble avoir été admis par tout le monde. Mais, nous voudrions lui apporter quelques nuances. Surtout, parce que le terme a des connotation péjoratives.

            Retenons en premier que le cyclisme est un sport individuel. Même s'il est aujourd'hui admis qu'il « se pratique en équipe »… Soulignons le vide relatif de nos jours dans le palmarès de certains coureurs passés professionnels, mais contraints d'obéir à des ordres – considérés par beaucoup comme naturels – tels que : « tirer des bouts droits » - passer sa roue voire son vélo – aller chercher des bidons ou ramener un équipier dans le peloton… Quand ces actes constituent l'essentiel du travail du coureur, on peut s'interroger sur les conditions de sa progression et de son affirmation en tant que sportif , même professionnel. Quelles chances a-t-il d'émerger autre que celle de gagner (peut-être) telle ou telle course laissée à l'abandon pour quelques autres affamés comme lui ?

            Toujours est-il que Nardi gagne le Midi Libre, sans le savoir, sans le vouloir. Juste sur le coup d'avoir à payer le prix de son retour en train. Encore fallait-il en avoir les capacités !

Pierre Nardi dit clairement qu'entre les quolibets des uns et les indélicatesses des autres, il a rencontré en Adolphe Deledda (alors champion de France) quelqu'un qui ne l'a pas méprisé mais, au contraire, quelqu'un qui l'a aidé. Lui, l'intrus régional, celui qui a « trois rustines sur le boyau ». Ce même Pierre Nardi qui reconnaît sa chance de ne pas avoir été éliminé sur crevaison comme, pratiquement, la moitié des partants (115 engagés, 92 partants, 32 arrivants). Alors, il a cette formule à propos de la chance : « elle passe comme une goutte d'eau, il faut fermer la main assez vite ».

            Ensuite, qu'il me soit permis de faire remarquer que dans le mot « individualisme »    figure cet autre mot : individu. Ce qui signifie : « qui ne se divise pas » (autrement dit : entier). Et, c'est peut-être là, la force de Pierre Nardi. La force musculaire et les capacités physiques sont là, la volonté aussi, certainement, mais l'œil, l'oreille et la tête aussi. Qui jugent, soupèsent et décident, indépendamment .

            Voilà, un autre mot jeté, dans lequel on peut entendre « indépendant ». Certes, il s'agit aussi d'une catégorie de coureurs, alors officielle. Si présente et nécessaire au cyclisme de l'époque. Marcel Rohrbach (décédé le 14 mars 2012) est indépendant quand il gagne le Criterium du Dauphiné Libéré en 1957. De nombreuses épreuves mélangent ainsi professionnels et indépendants.

            « Individualiste » au point de ne pas vouloir aider les autres ou « indépendant » au point de n'être « jamais  dans le coup » ? Pierre Nardi l'assume : il n'aime pas courir à « plusieurs contre un », « prendre l'argent dans le porte-monnaie des autres ». Il dit n'avoir « jamais rien demandé » parce qu'il avait « confiance dans (ses) moyens ». Même avec son copain Cigano, sans pour autant ne pas « être prêt à rendre service ».

            Et, c'est après le Midi Libre qu'il devient professionnel. Qu'il figure au sein du peloton d'où émerge, à St. Etienne, le nouveau champion de France sur route : Raphaël Geminiani.

Au mois d'août, Antonin Magne est souvent en villégiature sur le bassin d'Arcachon. A cette époque, le Grand Prix d'Arcachon est une course réputée mêlant « indés » et « pros », qui révéla aussi Maurice Bertrand (1950). Or, en 1952, A. Magne est le témoin de la victoire de Pierre Nardi (2. J. Dupont, 3. A. Dolhats). Alors, en 1954, Nardi porte le maillot « A. Magne-Hutchinson » et, en 1955, celui de « Mercier-BP-Hutchinson ». Mais, ce monde n'est pas tout à fait le sien. Et, on relève : en 1954 : abandon au Criterium National, en 1955 : abandon dans Paris-Bruxelles et Paris-Tours. Question de capacités , pas seulement. La sentence : « jamais un centime » tombe à propos de tâches ingrates comme celle qui consiste à essayer de ramener « quelqu'un qui n'arrive pas à suivre », sans compter que ce n'est pas le premier pour lequel on travaille…

 

            1956 (8 victoires) est avec 1952 (17 victoires) une des saisons les plus « riches » pour Pierre Nardi.

Neuvic sur l'Isle : 1er mai 1956 victoire dans le Prix International patronné par l'usine Marbot...

Reclassé « indépendant », il gagne le Prix des charbons Farbos à Mont de Marsan en avril, le Prix international Marbot à Neuvic/Isle le 1er mai, les Boucles du Bas Limousin, le 3,

Boucles du Bas Limousin, 1956 : 1. Nardi Pierre 2. Dupré André... une fois la ligne d'arrivée franchie, Pierre Nardi, en soulevant son vélo, eut la surprise de voir sa fourche se désolidariser du cadre...

 et le Tour de la Corrèze, le 10. La dernière semaine du mois, il court le Tour des Provinces du Sud-Est, dont il gagne la deuxième étape (Marseille-Avignon) avant d'être victime d'un empoisonnement et d'abandonner lors de la 8ème étape. Il revient, en juin, au Tour de Normandie, dont il est le leader au cours de la 3ème étape.

Pierre Nardi, le deuxième en partant de la gauche, avec ses coéquipiers à table, lors du Tour de Normandie (Telotte,Dolhats, Le Bert, Prouzet, Gadras, un Breton (?) et, à la place du "chef", le directeur sportif...).

En juillet, il gagne le Tour Béarn-Aragon en 4 étapes (vainqueur de l'étape Huesca-Saragosse) et, en août, il est au Tour de l'Ouest (2ème de la 3ème étape) où il abandonne lors de la dernière étape.

 

            L'année 1957 commence avec Paris-Nice, qui sera remporté par J. Anquetil et où Pierre Nardi prend au final la 64ème place. Au mois de juin, il remporte le Tour du Tarn et Garonne (en 3 étapes) devant Rascagnères. Après des victoires à Pouydessaux et Landiras, dans sa région,

 

La victoire... détaché ou au sprint, mais toujours en puissance !

il termine 4ème du Grand Prix de la Tomate à Marmande (en 2 étapes) gagné par Ben Brahim. Au mois d'août, il est encore 4ème de Bordeaux-Royan, remporté par Dolhats. C'est encore une saison pleine qui prend fin en octobre, à Montlieu, où Ricou gagne et Nardi finit à la 10ème place.

 

            Depuis 1954, Pierre Nardi est licencié au V.C. Barsac, lequel sous l'autorité du président Lanneluc s'est renforcé avec la venue de quelques professionnels tels que Dacquay, Gaudot, Sitek… 1958 est une année creuse et 1959 marque la fin d'une carrière qui s'achève, pour ce coureur, à 29 ans.

 Velo Club de Barsac 1957-58 : Sitek-Sastre-Lanneluc(Pdt.)-Prédignac-Gadras-Dupuch-Labadie--Dacquay-Desarnaud(secrét.)-Plaza-Gaudot-Nardi (de gauche à droite)

            Discuter ou disputer sur la valeur des palmarès voire sur la hiérarchie des coureurs et des courses peut – à bon droit – paraître vain. Quelques « fous » (aimables) se lancent encore dans des classements. Ainsi, les frères ( ?) Uijtregt (Armin et Peter) qui publient sur internet leur « Cyclist Overale Ranking » (1873-1996). 1700 coureurs français y figurent avec, aux deux premières places : Poulidor et Anquetil (dans cet ordre !), alors que Hinault, Jalabert et les autres sont derrière. Dans ce classement, P. Nardi occupe la 595ème place, juste devant Philippe Agut et Thomas Davy (au moins deux générations d'écart !). La notoriété de Pierre Nardi est bien établie dans le sud-ouest, mais sa victoire dans le Midi Libre doit être encadrée de quelques beaux succès et, aussi, de quelques belles places qui prouvent que ses talents ne se limitaient pas à rouler et à sprinter.

 

            Son indépendance à l'égard du monde des professionnels – où il a, cependant, fait une incursion – exprime un choix, sinon une philosophie, à l'égard des courses, des « marques », des organisateurs et autres « dirigeants ». D'autres qualificatifs sont utilisés par souci de mesurer le « rayonnement » sinon la « grandeur » de ceux qui n'appartiennent pas, peut-être , à la catégorie des « champions ».Parmi ces mots qui se débattent – sans l'avouer – avec les notions de hiérarchie et de classement, on relève souvent celui de « régional ». Deux sens, immédiatement l'emportent :

 - le régional est un coureur sélectionné dans une équipe régionale (Centre, Ouest, Sud-Ouest, Ile de France, Nord-Est, Sud-Est…) lorsque le Tour de France se disputait par équipes nationales (cf. « le Tour des régionaux » d'Alain Legrand, éd. A. Sutton, 2010).

 - le régional est un coureur qui est connu pour ses succès dans sa région et, parfois, certaines sentences font entendre qu' « il n'est jamais sorti de chez lui ».

            Cette problématique est toute entière au cœur de la classification des coureurs. Par exemple, les professionnels ont longtemps été classés en 2ème, 1ère et hors catégories. Ce fut aussi le cas des indépendants puis des amateurs… Mais, avec la notion même de « hors catégorie », il devient évident que le « classificateur » s'épuise dans la surenchère.

Le cyclisme est une course. Il lui faut donc un classement avec un premier et (peut-être…) un dernier. Toutes les courses et tous les coureurs ne se valent pas, certes. Alors, comment se fait-il que l'on soit si pressés d'établir des hiérarchies (encore) et de nouveaux classements ? Sait-on mesurer précisément le mérite et la chance ? comment évaluer l'aléatoire (ah ! oui, il fait partie de la course, j'oubliais…) ? Et, dans nos modernes péripéties, comment fait-on avec les vainqueurs « déchus » ? les médailles rendues ou confisquées ? les contrôles qui s'arrêtent au cinqième (« en 1973, les 4 premiers du championnat d'Aquitaine des cadets sont déclassés pour contrôle positif ! » in « Le cyclisme en Pyrénées-Atlantiques et en Aquitaine 1945-1983, aspects d'histoire sociale », D.E.A. d'histoire de Frank Biratelle, Université de Pau, 1994-5).

 

            « Il n'y a pas que le vélo dans la vie », c'est le titre d'un livre auquel Lance Armstrong donne sa signature. Pourtant, la transition entre une période de l'existence caractérisée par la jeunesse - parfois, l'insouciance - mais toute entière (ou presque) consacrée au cyclisme, et  cet autre moment où il faut, autrement , gagner sa vie, cette transition ne se fait pas toujours en douceur.

Pierre Nardi s'essaye dans quelques emplois, mais le plus dur arrive avec le décès de Marguerite, la mère de leur quatre enfants : Jean-Noël, Philippe, Daniel et Marie-José.

Depuis longtemps déjà, il connaît Armand Poupar.

la légende dit :"Quelques minutes avant le départ, Pierre Nardi a livré ses cuisses aux mains expertes du masseur Armand poupar sur un banc des allées de Tourny".

Le petit mécanicien de Castres-Beautiran, qui s'est essayé à la course cycliste et qui s'est découvert, un jour, ce que chacun appelle un « don ». Ses mains posséderaient un « fluide ». Et, il devient, bientôt, le masseur recherché par les plus « grands » (Bobet, Coppi), mais aussi le masseur des footballeurs et des danseuses. L'homme s'efforce surtout d'aider ceux qu'il n'a pu égaler. Voilà, le rapport entre l'inventeur du fameux « pédalier excentré » (avec lequel Nardi gagne le Midi Libre) et le soigneur recherché par tous…

C'est Poupar qui va mettre Pierre Nardi sur la voie du travail qui va occuper sa vie jusqu'à la retraite. A partir de 1969, Pierre Nardi et sa deuxième épouse, Monique, entrent au service de Mme Cordier dans son château de Labottière,  près du Bouscat. Quarante années de service qui les ont profondément marqués.

Les trois garçons ont goûté différemment au sport cycliste : Daniel n'y est venu que sur le tard, après des ennuis de santé, alors que Jean-Noël et Philippe ont été coureurs. L'aîné, Jean-Noël, n'avoue qu'une seule victoire - et avec beaucoup d'ironie – dans le Grand Prix de Listrac en 1970, mais il est, légitimement, plus fier des résultats acquis par son fils Fabien, chez les jeunes sur la piste et sur la route où il monte sur la deuxième marche d'un podium aquitain en compagnie de Boyer(1) et Karl Naïbo (3), en 1998. Jean-Noël est, surtout, « l'archiviste » de la carrière de son père et c'est à lui que nous devons les photos qui illustrent ce texte.

Philippe, le cadet, a démarré très fort, justement, dans cette catégorie en 1970. Entre 15 et 30 ans, il totalise environ 620 courses sur route et 21 victoires, dont le Tour du Bassin (1983), une deuxième place lors de la 1ère étape du Tour de Vendée (1976) et la troisième d'un Bordeaux-Arcachon remporté par Cortinovis, en 1979. Très impliqué dans la vie municipale de La Brède (33), il prend une part prépondérante à la vie de l'U.S. Brédoise, club sous les couleurs duquel il termine sa carrière de coureur en 1985. 

 « Marie-Jo. » est devenue infirmière…

            Sans y voir forcément un rapport et sans plus vouloir conclure définitivement, Pierre Nardi est un remarquable octogénaire qui semble avoir traversé tous les moments de sa vie avec sérénité et solidité. Quelqu'un, me dit-on, a écrit sur « la sagesse des abeilles » et, justement, nous nous éloignerons sur cette dernière image. Celle du responsable du rucher-école du syndicat départemental de Cestas, piqué à deux reprises par le frelon asiatique à 78 ans, qui, lors de notre dernière visite, nous a donné un pot de miel. 

 



15/04/2012
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