Memovelo

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Pierre BAZZO

 

 

 

 

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 Le Canet, 1985 : à l'ouverture d'une saison qui sera bonne et… la dernière. Pierre Bazzo, 31 ans.

  

 

  . son tempérament, son caractère, sa personnalité :

 

Un jeune journaliste, Jean-Marie Leblanc, ex-« pro » et ancien champion de France universitaire de cyclisme sur route, adresse, depuis l’étape à Liège, à son journal « l’Equipe » un papier sur Pierre Bazzo, qui commence à peu près comme suit : « une riche nature, dit-on de ces enfants de la terre qui ont la robustesse qui leur sourd de tous les muscles, le teint hâlé d’avoir tant battu la campagne et la nuque épaisse qui révèle si souvent les sportifs de qualité ». il est environ 22 heures, dans cette chambre du centre ville, et « le maillot vert est là, discrètement posé sur un fauteuil ».

Pour le décrire aux Bretons, Pierre Le Bars dans « Le Télégramme » écrit : «  un jeune digne des Anciens ». A cette référence, il ajoute : « notre homme est solide » et « il a du cran, du panache, du courage ». « C’est un vrai Flandrien ! » s’exclame Jos Brackevelt, lequel reconnaît sous « son accent fleurant bon son sud-ouest natal… un vrai dur ! ».

Emile Besson l’avait déjà dit : « un Flandrien à l’accent du sud-ouest », car « en dépit de son teint mat et de sa chevelure brune, il n’est pas un fils du soleil », il n’y a qu’à noter « son dédain pour l’imperméable : le nylon l’empêche de respirer à l’aise » (Brackevelt). Et, Besson de s’extasier : « quel tempérament : par tous les temps, tous les terrains, toutes les époques ».

En effet, « Nénesse » est aussi éblouissant sous la canicule quand il gagne à Plumelec. Il a une réputation de « flingueur à vélo » et « il ne manque pas de culot, ni sur la route ni dans le vie » (Besson). Cette réputation de « flingueur », il la justifie ainsi : « attaquer, c’est répondre à son amour-propre, à son orgueil ».

 

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 En mars 1981, "Miroir du cyclisme" choisit cette  expression pour  "estampiller" cette photo. C'est un raccourci, mais il y a du "vrai".

 

 Mais, il a aussi la réputation d’être « un coureur peu chanceux ». Et, cela tient parfois à l’humeur du hasard : en 1972, la dernière finale nationale du 1er Pas Dunlop a lieu à Arras (le titre de « champion de France des débutants » est ensuite remplacé par celui des « juniors »). A la suite d’un accident de mobylette, Pierre ne peut y aller. C’est un certain Bernard Hinault qui gagne. En effet, la génération 1954 a produit (entre autres) les Hinault, Duclos-Lassalle, B. Vallet et P. Bazzo.

 

  . son pays : est-ce l’estuaire ?

 

Lorsque faisant fi des fiches, des magazines et autres encyclopédies qui, tous, donnent « Pierre Bazzo né à Bourg/Gironde le 17 janvier 1954 », nous interrogeons le jeune sexagénaire à la voix forte ponctuée d’éclats de rire et à l’épaisse poignée de mains, un voile passe sur son visage et il dit : «  j’y ai encore ma maman (90 ans), mais après .. ? »

Dans « Miroir du cyclisme » en 1985, à Henri Quiqueré, Pierre a bien dit : « ce pays, il a fallu que je devienne adulte pour m’apercevoir que je l’aimais vraiment. Que j’atteigne l’âge de comprendre que le droit d’avoir un pays, il avait fallu que mon père me le gagne. Et, à quel prix ! ». Alors, on croit entendre la voix du chanteur Arno (« dans les yeux de ma mère… »), quand il ajoute : « regardez les mains de mon père… par n’importe quel temps, il a sarclé, biné, pioché, traité, coupé les lignes de vigne… pour ne pas être ou ne plus être le « Rital ».

Dans le même interview, Pierre Bazzo s’est souvenu de cette première photo dans « Sud-Ouest », quand il n’était pas encore sur un vélo, mais tout « drôle » ayant ramené dans l’épervier jeté dans la Gironde un superbe saumon. Puis, avec « un regard où la colère le dispute à la nostalgie », il déclare : « Tout a changé dans cet estuaire ». « L’estuaire, cette chose bleue qui mange le vert de la carte » écrit Ch. Seguin (« S-O », 12/07/1991). L’estuaire que l’on nomme aussi « rivière de Gironde ». Le plus vaste d’Europe avec  « des milliers de kilomètres carrés d’eau limoneuse, cent kilomètres de long jusqu’à quinze de large ». Anne-Marie Cocula le décrit : « Sur les eaux aux nuances changeantes de l’estuaire, le navigateur ne peut ignorer l’affrontement gigantesque que se livrent dans cette plaine fluviale et maritime, les masses d’eaux douces venues de la Garonne et les ondes de la marée, lourdes de sel et de sable. Il sait bien que cet incessant combat a pour acteurs le vent, omniprésent, et les courants, souvent capricieux, et qu’il a pour témoins le ciel aux couleurs océaniques et les rives de la Gironde qui s’étirent jusqu’à se perdre de vue avant de s’ouvrir à l’océan » (L’estuaire « rivière de Gironde », éd. L’horizon chimèrique, 1991).

 

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Au beau milieu de la "Rivière de Gironde" et depuis le phare de Patiras : de l'eau, du bleu et du vert...

 

 

Les routes de l’entraînement vont donc entre vignes et eaux.  « Depuis Saint-Médard-en-Jalles, je contourne Bordeaux, mais ce n’est qu’à Saint-André de Cubzac que je commence à penser à autre chose. Après la première église romane sur ma route (St. André.), je serpente entre « palus » et marais. Tout à coup, il y a une côte « raide comme un coup de trique » (le Pain de sucre) que j’attaque avec 42x16, parfois avec 52x16, car s’entraîner, ce n’est pas tout à fait se promener… mais, il y a ce point où les jambes font mal et ne jamais le dépasser est le secret de l’entraînement ». Au printemps, dans la musette, il y a des « baragans » (petits poireaux sauvages qui poussent dans le vignes). En été, les jours sont chauds et le sel est collé sur la peau par la sueur. Lui revient alors le « goût du pays ». Quand, à défaut de musette, il s’arrête déjeuner chez ses beaux-parents (M. et Mme Barraud). C’est aussi « les sarments brûlés pour rôtir l’entrecôte (« à la bordelaise » : faire brunir l’échalotte sans la brûler) avec un verre « pas plus » de Côtes de Blaye (cabernet franc, cabernet sauvignon, merlot et malbec).

Il y a encore ces lendemains de course où l’ « on va faire pisser le chien » sur les parcours vers les pignadas du sud du Bassin d’Arcachon. Parfois, quelques incursions chez les voisins charentais.

 

 

  . ses parents, sa famille :

 

Le père de Pierre a « quitté les Dolomites à la fin des années 20 », pour être ouvrier agricole dans le Blayais. Florio et Henriette Bazzo sont viticulteurs et ils élèvent quatre enfants : trois garçons, Emile l’aîné de sept ans de Pierre (aujourd’hui décédé), Serge, le cadet, Pierre et Mauricette, la petite dernière.

Dans le magazine « Vélo », en mai 1979, Roger Bastide consacre un article à Gilbert Duclos-Lassalle et à Pierre Bazzo, sous le titre : « Deux cadets de Gascogne ». Les deux coureurs se sont mis en vedette lors du Critérium National.

 

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 "Deux cadets de Gascogne", tous deux nés en 1954, deux "néo-pros" échappés dans le froid et l'humidité.

  

Le journaliste  écrit : « dans une échappée cycliste comme dans la vie, l’important c’est donc les relations, le choix des compagnons de voyage ». Plus loin, il ajoute : « nos deux gaillards ont le même bel accent aux sonorités joyeuses, le même solide optimisme entretenu au soleil des vignobles bordelais ». De Pierre Bazzo qui a terminé 6ème et 2ème coureur français (derrière B. Hinault), il recueille l’aveu – comme souvent chez les jeunes « pros » après deux ans sans une seule victoire – qu’il est « prêt à seconder son père, petit récoltant qui travaille les vignobles du château Beauregard ». Quelques semaines plus tard, Pierre remporte sa première victoire chez les « pros » : le Grand Prix de Mauléon-Moulins.

Un père qui est un vrai pratiquant sportif : « sur ses jambes, il a raflé tous les titres régionaux en cross-country » (H. Quiqueré, « Miroir du cyclisme »). Mais, c’est Emile, l’aîné et pourtant jeune marié, qui va offrir à Pierre son premier vélo. A 14 ans, Pierre est fasciné par le Tour de France et il va bientôt commencer à courir en cadets.

En 1979, Pierre se marie avec Micheline et ils ont une fille, Emilie, née en 1982. Aujourd’hui, grand-père et grand-mère Bazzo gardent leurs petits-enfants, Lorenzo (4 ans) et Diego (18 mois), les jours où l’emploi du temps des parents le rend nécessaire.

 

. l’élève de Robert Desbats :

 

Robert Desbats (1922-2007), coureur professionnel pendant 11 ans pour les cycles « Mercier », dont les débuts (en 1942) ont été freinés par la seconde guerre mondiale, a remporté le Critérium National en 1953, plusieurs étapes du Tour de l’Ouest, le circuit de la Vienne, le Tour de la Dordogne, le G. P. Catox et pris part à six Tours de France. Au début des années 60, reclassé indépendant, il est encore le « poisson-pilote » des deux sprinters régionaux, Michel Gonzalès et Robert Verdeun. Une fois sa carrière achevée, il devient le conseiller et le directeur sportif des meilleurs espoirs de la Guyenne devenue Aquitaine (1963). Avec J. Guédon (le père de Frédéric, « pro » chez Clas en 1988) et J. Rinco, ils mettent sur pied le club de Saint-Médard-en-Jalles.

 

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 Pierre Bazzo à table avec les Anciens  de St. Médard, ici J. Rinco et J. Guédon. 

 

A 20 ans, Pierre Bazzo, sur les conseils de Robert Desbats rejoint ce club. Peu de temps après (lors de la victoire de Pierre dans Bordeaux-Saintes, en 1975), Desbats déclare au journaliste de « Sud-Ouest », J. Ménard : « Je suis obligé de le freiner, il attaque trop souvent. Mais, aujourd’hui, il a fort bien conduit sa course et mérite son succès ».

C’est encore Robert Desbats qui « engage » Bazzo dans le Tour des Pyrénées en 1976.

Aujourd’hui, Pierre dit : « avec Robert Desbats, c’était comme ça ! ». Il me disait : « surveille Chaumaz ! » et, en haut de la Pierre-Saint-Martin, Pierre finit second derrière Gilbert Chaumaz. Le lendemain, « engaillardi », il attaque, s’échappe avec les frères Becaas, puis les lâche. Alors, R. Desbats intervient tout de suite pour corriger l’erreur tactique… Au total, Pierre remporte le Tour des Pyrénées.

Fin 1976, R. Desbats encourage P. Bazzo à passer « pro » chez « Mercier » avec Louis Caput. Finalement, c’est Henry Anglade qui accueille P. Bazzo chez « Lejeune ». Puis, Desbats prête la maison qu’il avait fait construire pour son fils au jeune couple Bazzo.

 

  . de Saint-Médard au Haillan : les amis et les chevaux

 

En 1980, Pierre et Micheline Bazzo intégrent la maison où ils vivent encore aujourd’hui, au Haillan, sur un terrain acheté à l’ancien coureur cycliste André Dupré. Le maire, Abel Laporte, lui a fait promettre de gagner une étape du Tour moyennant l’installation de l’eau, du gaz, de l’électricité et du tout-à-l’égout. La place de 9ème au classement général acquise lors de ce Tour 1980 va aider à rompre l’isolement de la maison des Bazzo, lequel n’existe plus du tout aujourd’hui.

Là où se sont construites deux maisons à étage, qui bornent sa propriété et ont vue sur sa piscine, Pierre pouvait autrefois contempler « les biches mangeant les pommes » et les chevaux paissant dans les champs. En effet, une des premières passions de Pierre Bazzo, ce sont les chevaux. Ces grandes bêtes qui fascinent les enfants et qu’il a côtoyé déjà, quand son père labourait les vignes avec des percherons. Depuis le Blayais, Pierre a conservé l’amitié de William Denéchère, driver réputé (3 sulkies d’or), propriétaire d’écuries à Cézac. Pierre a appris à monter et fréquente le centre hippique de St. Médard-en-Jalles. Au moment de sa gloire cycliste, il a avoué à un journaliste avoir voulu « être jockey ».

Depuis le Blayais aussi, s’est nouée aussi l’amitié avec Michel Hidalgo. A Saint-Savin-de-Blaye pour le Grand Prix de Gironde qu’il vient de remporter, Pierre reçoit la coupe des mains du « sélectionneur de l’équipe de France de football ». A partir de ces premiers échanges, une relation se construit. Michel Hidalgo dispense quelques conseils à Pierre – pas spécialement passionné de « foot » mais – fils d’immigrés, comme lui.

La proximité avec le centre d’entraînement des « Girondins de Bordeaux » au Haillan, où , l’hiver, il va courir, lui fournit l’occasion de rencontrer Jean Tigana. « Jeannot » devient un ami fidèle de Pierre. Tout comme Bernard Lacombe, qui avait rêvé d’être coureur cycliste et dont le beau-père, à Lyon, tenait un commerce de cycles.

 

. 1976, un amateur au « Top »

 

Pierre a pris goût au sport cycliste en participant à des courses de non-licenciés, sortes de « courses de quartier », si elles ne s’étaient situées à Cars, Plassac ou Berson, avec un vieux « clou » sans dérailleur. Il est vite repéré et enrôlé au club de St. Seurin de Cursac que R. Magnan, ancien coureur devenu postier, a créé. Le président en est Bernard Madrelle, professeur d’anglais, l’un des deux fils du maire, André Madrelle,militant SFIO ne méprisant pas le sport. Bernard Madrelle, qui est né en 1944, sera député et maire de Blaye et son frère aîné, Philippe, vient de s’effacer de la présidence du Conseil général de la Gironde où il fut pendant plus de 35 ans.

Pierre Baazo est d’abord licencié en cadets 2 et, dans cette catégorie, il gagne trois dimanches de rang et il se souvient encore du compliment que lui adresse le maire :  « c’est bien, môme ! », compliment prononcé entre deux bouffées de « gitane papier maïs ».

Chez les seniors, il est donc pris en mains par R. Desbats au CC St. Médard-en-Jalles et, à 21 ans, il s’impose comme l’une des valeurs les plus sûres de notre cyclisme régional.

Le 24 mars 1975, à Lagorce-Laguirande, il fait une « course extraordinaire », « témoin son extraordinaire retour à la fin qui faillit bien faire de lui le vainqueur ». Il se classe 2ème derrière Audeguil (Tonneins), qui gagne, les 125 km en 3h 25’ (…) 3. Godet 4. Simonnot 5. Fedrigo 6. Grain… Il y avait 130 coureurs au départ.

A peine trois semaines plus tard, « Pierre Bazzo anime et gagne un très difficile Bordeaux-Saintes »(J.Ménard, Sud-Ouest, 13 avril). Le journaliste de « Sud-Ouest » peut écrire : « un nouveau nom vient de surgir…(à) tout juste 21 ans ». Déjà dans l’échappée avant Mirambeau, il provoque la première sélection après St. Thomas de Conac, puis, rejoint pas Wells (vainqueur du G.P. des Nations 1974) et de Carvalho, il résiste avec eux et démarre à 660 m de la banderole d’arrivée pour recevoir « le premier grand bouquet d’une carrière prometteuse » (J. Ménard).

En 1975, il gagne aussi le Tour du Médoc, course en deux étapes, dont la première lui est soufflée par le sprinteur F. Lajo. Au cours de la seconde, il reprend la main en affrontant résolument le vent de côté.

1976 est l’année de la confirmation au plan national, particulièrement lors de quatre grands rendez-vous :

 - la « Route de France » (du 1er au 5 juin, autour de Vichy) : Pierre est deux fois deuxième d’étapes derrière P. Friou, puis J. Hardy et il termine 8ème du classement général (1. Herbault 2. P. Bodier 3. Zucarelli… on relève : 16. P. Simon, 18. J. Bossis, 29. M. Tinazzi, 35. J.R. Bernaudeau.. entre autres).

 - fin août, au Tour du Limousin (open) : 1. Hinault 2. Chassang 3. Legeay, il se classe 17ème.

 - du 4 au 11 septembre, il est au Tour de l’Avenir dans une « équipe de France A » avec : Bittinger-Chaumaz- de Carvalho-Duclos-Lassalle-Niermarechal-B.Rey. Il se classe 9ème à l’arrivée à Morzine (étape 6 : 1. Lubberding) et il gagne à Bourg-en-Bresse (étape 8). Au classement général, il finit 17ème de cette épreuve remportée par S.A. Nilsson.

 

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 Tour de l'Avenir 1976 : un tricolore, Pierre Bazzo, vainqueur à Bourg-en-Bresse.

 

 - du 17 septembre au 1er octobre, il participe à « l’Etoile des Espoirs » (entre Biarritz et Dax) remportée par J.L. Vandenbroucke. Il est deux fois 3ème des étapes arrivant à Ciboure et à Dax, et il termine 18ème au général.

 

. 1977-78 : « pro » chez « Lejeune » avec Henry Anglade

 

Sur les conseils de Robert Desbats, Pierre Bazzo est passé « pro » fin 1976. Mais, c’est Henry Anglade, devenu directeur sportif de l’équipe « Lejeune-BP » qui l’accueille dans son effectif. Présent à cette entrevue, Adriano Dal Sié, qui, depuis un certain critérium de Cluny en 1964, a gardé le contact avec Henry Anglade, fait son numéro et l’appelle. Et, presque quarante ans plus tard, Pierre Bazzo surprend Henry dans sa retraite. L’échange est chaleureux, ce qui est la preuve de l’importance de l’accueil par le directeur sportif du « néo-pro » dans son équipe.

 

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 Tour de France 1977 : " je suis passé 10ème au Tourmalet pas loin de Van Impe, Thévenet, Ocana, Galdos, Zoetemelk, Martin, Meslet et dans la roue de Merckx et Villemiane".

 

Car, les deux premières années du jeune professionnel sont difficiles. En 1977, une première participation au Tour de France se termine prématurément (10ème étape) par la faute d’une chute qui occasionne une fracture du scaphoïde.

 

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 Tour de France 1978 : échappé avec Walter Plankaert..

 

Cette année-là, il débute par un bon résultat : le 10 avril à Saint-Claud, il se classe 4ème du Critérium derrière : 1. Merckx  2. Thévenet 3. Bruyère… Pierre se classe aussi au Circuit de l’Indre (13°), de la Sarthe (6°), au Tour d’Indre-et-Loire (4°), puis 22ème du Championnat de Zürich et 27ème du Tour de Romandie.

 

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 Peloton français au Critérium National : Pierre mène devant M. Laurent, P.R. Villemiane, P. Seznec, P. Friou, A. Guttierez...

 

 

En 1978, Pierre Bazzo marque sa progression en prenant la 21ème place du Tour de France et la 10ème de Paris-Nice. Il est aussi 11ème du Critérium National, 15ème du Dauphiné et 18ème du Tour de Romandie. Il fait donc ses preuves dans de grandes courses par étapes et frôle la victoire à Plumélec : 2ème derrière Raymond Martin. 

 

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 Le "jeune" (!) Bazzo aux côtés de son futur directeur sportif chez "Coop-Mercier" : JP. Danguillaume, derrière Y. Bertin et, caché, J. Bossis.

  

. 4 ans à « La Redoute »

 

Les cycles « Lejeune » ayant cessé leur implication dans le cyclisme professionnel, Pierre se trouve « embarqué » dans une nouvelle aventure, celle de l’association des « cycles et motocycles Motobécane » avec le leader de la vente par correspondance « La Redoute ».

Avec quelques contemporains (Jourdan, Pipart, Poirier, Vallet sont nés comme lui en 1954), il se retrouve sous la direction d’un triumvirat : Braekevelt-Crépel-Everaert.

 

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 3 de "La Redoute" : Bernard Vallet,  Robert Alban et Pierre Bazzo.

 

 

Après un début de saison 1979, où sur la Côte d’Azur, il affirme sa présence à Aix, Antibes, Bessèges, Grasse, au Tour de Corse, il se classe 9ème de Nice-Alassio puis 10ème de Paris-Nice. Dans le Critérium National remporté par J. Zoetemelk devant B. Hinault, il finit 6ème et deuxième coureur français. Le 18 mai, tombe enfin la première victoire : le G.P. de Mauléon-Moulins, « avec la complicité de B. Vallet… qui a attaqué à 14 km du but… se termine par un sprint en côte » : 1. P. Bazzo  220 km en 5h 10’ 59’’  2. Villemiane  3. J.L. Gauthier  4. Vallet

5. Mathis  6. Bertin  7. Legeay… A la suite de quoi, l’année est dense : 24ème du Tour de Romandie, 23ème du « Dauphiné Libéré », 33ème du Tour de France, de nombreuse places d’honneur dans les critériums, et deux déceptions :

 - à la mi-août, il termine le Tour du Limousin à la 2ème place derrière don coéquipier Bernard Vallet ;

 - sélectionné par R. Marillier parmi les 12 tricolores pour Maastricht, il n’est finalement pas retenu, tout comme P.R. Villemiane.

 

1980 : c’est une très bonne année pour P. Bazzo, dont on peut faire émerger :

 - 9ème du Tour de France, dont 2ème de la 2ème étape à Metz derrière un certain R. Pevenage, qui le prive du maillot jaune, mais il porte le maillot vert plusieurs jours.

 - une victoire d’étape dans Paris-Nice (à St. –Etienne) qu’il termine à la 5ème place.

 

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 Paris - Nice 1980 : victoire d'étape à Saint-Etienne au terme de l'échappée avec G. Duclos-Lassalle.

 

 

 - une 5ème place dans un Liège-Bastogne-Liège « apocaplyptique » gagné par B. Hinault.

 - dans le « Dauphiné », il est bien présent dans les Alpes (3ème à Gap et 2ème à Grenoble).

Tout au long de la saison, il est « présent » du Tour de Corse (25ème) au Critérium des As à Longchamp (12ème) et, clin d’œil du destin ( ?), le 15 août, il gagne le critérium de Beaulac-Bernos devant… Rudi Pevenage !

 

1981 : encore une saison pleine de coureur cycliste professionnel, qui va de St. Raphaël (2ème) le 3 mars à l’Etoile des Espoirs (16ème) jusqu’au 4 octobre. Bien remplie : 4ème de Paris-Nice, 31ème du Tour de France, 37ème de Paris-Roubaix (sa seule tentative sur cette grande « classique », car son poignet le fait toujours souffrir depuis la fracture du scaphoïde).

 

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 Paris-Roubaix 1981, sur le talus, pas loin de la boue et suivi par Régis Ovion. Une autre façon de "tirer la langue"...

 

  

1982 : Pierre Bazzo renouvelle sa victoire de 1979 à Mauléon-Moulins et remporte les « Boucles des Flandres » à Hazebrouck (le 2 mai, devant Demeyer). Il est aussi 4ème du « Dauphiné » remporté par M. Laurent et 4ème de Paris-Vimoutiers gagné par C. Jourdan. Il termine à la 35ème place du Tour encore dominé par B. Hinault.

Après quatre années passées dans cette formation de « La Redoute » qui, avec de petits moyens et de la bonne volonté, a gagné le respect des autres, Pierre Bazzo intégre l’équipe « Coop-Mercier-Mavic » en 1983. Il avoue ensuite « se trouver mieux avec J.L. Danguillaume » qu’il ne s’est senti auparavant avec Ph. Crépel, certes « gentil mais que j‘ai mal compris ». Pourtant, il y a ce Tour de France 1980 et le duel avec Pevenage, le « Liège-Bastogne-Liège » d’anthologie, sa réputation de flingueur, l’adoubement de J. Braekevelt : « C’est un vrai Flandrien ! »

En 1980, Philippe Crépel déclare : « Je suis content pour Pierre, car c’est un garçon qui a 26 ans et qui progresse encore ». Mais, Pierre, que chacun considère comme un « homme solide », est aussi quelqu’un qui « craque nerveusement ». En 1979, il s’est marié avec Micheline et cela lui « a apporté en maturité ». En 1982, il devient le papa d’Emilie. Puis, il avoue : « j’ai beaucoup roulé pour les autres, beaucoup moinspour moi ».

 

 . 1983-84 : deux ans avec les cycles « Mercier »

 

A 29 ans, Pierre se retrouve chez « Mercier », une équipe bâtie encore pour un an autour de J. Zoetemelk. Pour le Tour 83 que gagne Laurent Fignon, en l’absence de B. Hinault et après l’abandon de Pascal Simon, il se classe encore 21ème et premier des « Coop-Mercier » (Zoetemelk est 23ème et Andersen 28ème). Pourtant, Pierre déclare : « je suis un véritable équipier… dans les Pyrénées, si je n’attends pas Joop, je termine 3ème de l’étape ». En effet, à Bagnères-de-Luchon, où R. Millar gagne Pierre finit 14ème et Joop 15ème à 8’55’’.

La saison est encore bien remplie (je note 25 résultats dont 7 courses à étapes). Emergent trois victoires : le Tour de Vendée – la Route du Berry – le G.P. de Plouay.

A La Roche/Yon, la presse titre : « fantastique exploit de Bazzo » et trois « Mercier » se retrouvent sur le podium (Bazzo, Jensen et Martin). A Plouay, G. Jehanno écrit : « un homme en superforme… (dont) la victoire (est) construite avec brio et panache… (qui) ne doit rien au hasard et encore moins à personne ». Et, pour la « Route berrichonne noyée de pluie et de brouillard », Pierre réussit une échappée solitaire de 75 km.

Mais, pendant le Tour de France, lors de l’étape de Roquefort, pour la première fois en sept ans de professionnalisme, P. Bazzo est contrôlé « positif » à la nandrolone, un dérivé anabolisant qui met plusieurs mois à se dissoudre. Une nouvelle analyse, subie 55 jours après, révèle encore des traces infimes. Pierre Bazzo, qui avait été sélectionné pour les championnats du monde en Suisse est remplacé par Leleu.

 

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Pour cela aussi, la "précarité"fait  partie de la "condition de coureur cycliste"… Même si cela donne l'occasion à un dessin de Dero dans "l'Equipe".

  

 

1984 – Au cours de la 11ème étape du Tour de France, dans la descente du col de la Core, à 43 km de l’arrivée, alors qu’il fait partie d’un groupe d’échappés, Pierre est déporté dans un virage et il percute une murette de terre et de pierres. Groggy et choqué, perdant son sang en abondance (on croit alors que l’artère est touchée), P. Bazzo abandonne. Il est évacué vers l’hôpital de Saint-Girons, où l’on observe « une rupture du tendon de l’index gauche ». Sous le titre : « Bazzo, la descente aux enfers », le journaliste assène cette vérité :  « La précarité est l’essence même de la condition de coureur cycliste ».

Cette tâche noire dans la saison ne peut faire oublier la victoire à Plumelec (« Bazzo, éblouissant sous la canicule »), la présence dans Paris-Nice et Liège-Bastogne-Liège, aux 4 jours de Dunkerque, la 2ème place au G.P. de Fourmies derrière F. Van den Haute, mais devant L. Fignon et une 4ème place dans Bordeaux-Paris qu’il dispute pour la deuxième année consécutive (11ème en 1983).

 

. le Tour de France

 

Pour tout coureur professionnel, la participation à la « Grande Boucle » est un objectif essentiel. Certains estiment même qu’ « en France, il n’y a que le Tour ». Pierre Bazzo est professionnel pendant un peu moins de dix ans et il prend part à 9 éditions du Tour de France entre 1977 et 1985. Cette période est marquée par la domination de Bernard Hinault (5 victoires entre 1978 et 1985) et l’arrivée de Laurent Fignon (vainqueur en 1983 et 1984).

 

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  - Tableau récapitulatif des 9 participations au Tour de France de Pierre Bazzo.

 

 

En 1980, il vit un grand moment. Au cours de la deuxième étape, qui va de Francfort à Metz (276 km), il anime une échappée à 3 avec Pevenage et Bertin. Les trois coureurs parviennent à Metz avec presque 10’ d’avance. A l’arrivée, trop confiant, il se fait surprendre par Pevenage, lequel s’est fait prier pour mener parce qu’il est « nase »… En conséquence, le Hollandais endosse le maillot jaune et Pierre , le maillot vert. Par la suite, P. Bazzo qui s’est promis : « je l’aurai ce maillot », reste à la deuxième place du classement général jusqu’à la 10ème étape. A Paris, il termine à la 9ème place du classement final. A Pau, alors que B. Hinault quitte le Tour de France, Pierre est encore 5ème à l’issue de la grande étape des cols pyrénéens.

A Saint-Etienne, au sortir des Alpes, il est toujours 8ème et, dans la dernière étape qui mène aux Champs-Elysées, il se fait le plaisir de passer en tête de « l’Homme mort ». Rudi Pevenage, le maillot vert de ce Tour 80, finit 42ème au classement général.

 

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 Sur le podium à Metz, le couple "R. Pevenage - P.Bazzo" reconstitué autour  d'une poignée de main. Pierre n'en pense pas moins…

 

 

Gagner une étape du Tour est aussi une marque importante dans la carrière d’un coureur cycliste professionnel. 2ème à Metz en 1980, il est encore 2ème à Fontenay-sous-bois en 1981. Mais, en 1983, il partage avec ses coéquipiers de « Coop-Mercier » la victoire dans le contre-la-montre par équipes à Fontaine-au-Pire. En 1985, lors du contre-la-montre individuel entre Sarrebourg et Strasbourg (75 km), il prend la 5ème place derrière : 1. B. Hinault 2. S. Roche 3. C. Mottet 4. G. Lemond. Au journaliste qui l’interroge, Pierre avoue : « je me suis épaté » et il précise : « jusqu’à l’an dernier, je pesais 70 kg, là : 65 ! et j’ai monté le col de Valshey avec 53x16 ».

Deux abandons sur chute viennent assombrir un bilan remarquable où figurent 7 classements, toujours dans le premier tiers du peloton. Jeune professionnel en 1977, alors qu’il ramène son leader Van Impe, suite à une accélération de Merckx, il tombe, se fracture le poignet (scaphoïde) et termine dernier à Rennes avec 10’ de retard.

En 1984, lors de la 11ème étape qui mène à Guzet-Neige, sous « une chaleur de plus en plus oppressante », il « dérape sur une plaque de gravillons » et « percute un mur ».

La lecture de ce bilan succinct autorise à conclure que Pierre Bazzo est vraiment un coureur du Tour. Un « coureur par étapes », un « coureur moyen » (c’est lui qui le dit) dont « la moyenne montagne est le terrain de prédilection », mais aussi quelqu’un dont le parcours montre bien qu’« il faut peu de chose pour passer à côté du grand jour » (et c’est encore lui qui le dit).

 

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Dix ans de courses par étapes, bilan de Pierre Bazzo.

 

 

. La « doyenne » des classiques : Liège-Bastogne-Liège

 

Dans la « doyenne » des classiques, Liège-Bastogne-Liège, qui existe depuis 1892, Pierre réalise une performance trop souvent ignorée (il se classe 5ème), pour deux raisons :

 - cette édition est restée dans la légende en raison du froid glacial et de la neige

 - B. Hinault mène une « chevauchée fantastique », surtout grâce à sa volonté et à son mépris de la souffrance.

P. Bazzo est dans l’échappée de 6 avec Kuiper, Claes, De Wolf, L. Peeters et Hinault. Peu avant la côte de Stockeu, Kuiper déchausse et Bazzo chute. Pierre nous a dit : « si y a pas Hinault, je gagne ! », ce qui, implicitement, reconnaît la supériorité du vainqueur qui aura deux doigts gelés. Pierre, quant à lui, a les pieds en sang…

P. Bazzo participe trois fois encore à la classique ardennaise la plus ancienne et la plus dure (1982, 1983 et 1985).

 

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       Participations à Liège-Bastogne-Liège (1980 - 1985).

 

 

En 1983 (39ème) et 1985 (56ème), il termine deux fois la « Flèche Wallonne ».

En 1981, il se classe 46ème de l’ « Amstel Gold Race » (encore une course gagnée par B. Hinault).

En France, il est régulièrement et honorablement classé dans Paris-Camembert : 8ème en 1979, 19ème en 1980, 28ème en 1981, 4ème en 1982 et 8ème en 1983.

En 1981, il dispute Paris-Roubaix (1. B. Hinault) et se classe 37ème, mais il ne renouvelle pas cette expérience en raison de son poignet qui le fait toujours souffrir.

 

 . Fagor 85, du coureur au directeur sportif

 

En 1985, Pierre porte les nouvelles couleurs (rouge et blanc) du groupe sportif « Fagor », marque d’électroménager, une formation française à capitaux espagnols, dont les deux directeurs sportifs sont B. Beucherie et L. Ocana.

 

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 L'équipe "Fagor" pour le Tour  85 : Munoz - Bagot - Bazzo - Bernaudeau - Bibollet - De Wolf - Earley - Edmonds -  Lauraire - Lemarchand.

 

 

Ce qui va (peut-être) être la meilleure saison de Pierre Bazzo, est aussi la dernière comme coureur cycliste. Si, en juillet, Pierre termine encore 21ème du Tour de France (encore une fois gagné par B. Hinault), les deux autres grands moments sont le Tour d’Espagne (du 23 avril au 12 mai) et le critérium du Dauphiné Libéré (du 27 mai au 3 juin).

Lors du 37ème Critérium du Dauphiné Libéré qu’il va finir 3ème au classement général, il remporte la grande étape de la Chartreuse (la 5ème entre Villefontaine et Grenoble) :

1. P. Bazzo 207 km en 6h 34’ 48’’ 2. P. Anderson 3. H. Loiaza 4. G. Mas 5.K. Andersen 6. T. Claveyrolat 7. P. Chevalier 8. P. Winnen 9. S. Rooks 10. R. Millar…

 

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       Devant dans la grande étape de la Chartreuse : un Girondin, un Colombien et un Danois…

 

  

 

Sous le titre : « Bravo Bazzo ! », on peut lire : « l’époustouflant Bazzo, à plus de 31 ans, (a réussi) l’un des coups les plus fumants de sa longue carrière ». Parti dès le départ dans l’échappée de 11 coureurs initiée par K. Andersen, il est le seul à avoir tenu jusqu’au bout. Lui qui n’est pas un « grimpeur spécialiste », il a passé en tête les 5 cols de l’étape : du Relais, du Chat, du Granier, du Coq et de Porte. « J’ai connu aujourd’hui des moments d’euphorie comme on en ressent rarement » avoue-t-il au journaliste qui a titré « Le grand bonheur de Bazzo », lequel fête ainsi les « 3 ans d’Emilie » et qui a effectué une descente « hallucinante sur Grenoble, celle d’un « kamikaze ».

Cependant, Pierre ne s’illusionne guère : « Je ne suis ni Laurent Fignon ni Bernard Hinault, je ne peux pas comme eux enchaîner les bonnes performances ». L’étape suivante qui mène à Gap est enlevée par S. Rooks et Phil Anderson est désormais sur les talons de Bazzo. La presse titre : « Sursis pour Bazzo » et le journaliste décrit P. Bazzo et son maillot or de leader dans « un camp retranché qui résiste aux envahisseurs hollandais (les coureurs de Peter Post)…(aidé par) ses deux derniers coéquipiers valides (Pedro Munoz et Jean-Claude Bagot) ». La dernière ligne droite est un contre-la-montre entre Orange et Avignon (34,1 km). Luis Ocana, qui est « aussi ému que son poulain » déclare : « on ne se fait pas trop d’illusions ». De fait, dans cette dernière épreuve remportée par S. Roche qui « met » J.F. Bernard à 44’’, Pierre Bazzo, qui jusque-là a bien résisté, subit un « net fléchissement dans les cinq derniers kilomètres ». Dans un article intitulé « Bazzo termina en pleurs », on lit ces aveux : « ma faute, uniquement ma faute… le mécanicien m’avait proposé le 55 dents, je n’ai pas voulu… c’est trop bête, non ? »

Pierre perd le « Dauphiné » pour 27’’ au profit de Phil Anderson (1er) et la deuxième place va à Steven Rooks pour…3’’.

 

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       Un grimpeur qui se dit "moyen", mais avec de "bonnes cuisses" !

 

  

Au mois de mai déjà, il a disputé la 40ème « Vuelta a Espana ». P. Bazzo nous a donné sa version de cette course perdue dans les dernières étapes par l’Ecossais R. Millar (Peugeot) au profit de P. Delgado. Pour J. Knauf (in « mémoire du cyclisme ») « ce jour ressemble à Waterloo : 6’ 58’’ de retard à l’arrivée à Ségovie » et « les Espagnols, dans une unité sportive et nationaliste, lui (R. Millar) ont volé ce Tour ». Mais, Ségovie est la « ville dont Delgado est originaire ». De son côté, P. Bazzo met en scène la rivalité franco-française entre L. Ocana et R. Berland, soit entre les équipes « Fagor » (la sienne) et « Peugeot » (celle de Millar). Le plan de bataille est simple : « au ravito’ on attaque… on coupe les bidons… quand arrivent les musettes… on en mets partout… Certes, Delgado et R. Cabestany (précédents leaders) sont « mis dans le coup »… mais, les « Peugeot » ont perdu le Tour d’Espagne. Pierre, quant à lui, termine 15ème à 16’44’’(et premier "Fagor") derrière Pascal Simon (Peugeot) . Delgado gagnera le Tour de France 1988 après avoir été le second de Roche en 1987.

 

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 Championnat de France sur route  1985 à Chailley, P. Bazzo et P. Simon, échappés pour quelques kilomètres encore...

 

 

Une seule victoire à relever : à Font-Romeu, le 7 août, une semaine avant de finir 2ème du circuit des Korrigans, à Maël-Pestivien derrière D. Arnaud. Pour sa dernière saison, P. Bazzo a couru la Flèche Wallonne (56ème ), Liège-Bastogne-Liège (63ème), le Tour du Pays Basque(57ème), le « Midi Libre » (19ème) et le Tour du Limousin (33ème). A Chailley, fin juin, il termine 7ème du championnat de France sur route gagné par J.C. Leclerq. Début août, à Chaumeil, il se classe 3ème du Bol d’or des Monédières gagné par Stephen Roche.

Au terme d’une telle saison on peut être surpris de voir la carrière de coureur cycliste de Pierre Bazzo s’arrêter. D’ailleurs, il ne voulait pas « arrêter ». Aujourd’hui, il argumente même : « à 32 ans, j’étais reconnu, admis et respecté dans le peloton ».

 

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 Le sourire de Fabio Parra et les "petits yeux" de Pierre Bazzo nous disent  ce qui, dans une course par étapes, finit par rapprocher les "compagnons du Tour de France" (Tristan Bernard, Arthaud, 1936).

 

  

Mais, M. Mondragon, le PDG de « Fagor », en a décidé autrement. Il veut, ni plus ni moins, remplacer Ocana par Bazzo. Il vient chez Pierre au Haillan et reste une journée entière attendant que P. Bazzo accepte. Quand, à bout d’arguments, le PDG explique à Pierre que s’il refuse il n’y a plus d’équipe « Fagor », P. Bazzo cède. Pierre se justifie maintenant par une raison que l’on évoque désormais pour d’autres sujets et qu’il qualifie de « sentimentale » :

« je me suis senti responsable de 60 personnes » (qui allaient être mises au chômage).

La carrière de P. Bazzo en tant que directeur sportif est relativement courte et agitée. Dès le Tour 87, M. Mondragon déclare que « Fagor envisage effectivement de renforcer son effectif » et la marque est très intéressée par S. Roche. Mais, S. Roche vient avec son mécanicien et confident, Patrick Valke et l’impose comme directeur sportif, bien que « Pierre Bazzo pourrait avoir d’autres compétences que de conduire la voiture ».

Puis, en 1988 - soit trois ans après le licenciement de L. Ocana – on apprend le remplacement de P. Valke par son prédécesseur, Pierre Bazzo, à la suite d’un « conflit entre Valke et les responsables basques ». En 1989, le groupe sportif « Fagor-MBK » disparaît.

 

. les aléas de la reconversion

 

La suite est tout aussi agitée. Pierre Bazzo, qui a monté une poissonnerie florissante à Saint-Médard-en-Jalles, voit son commerce mis en péril par l’ouverture d’un supermarché  « Leclerc ». Le « bras de fer » avec ce géant de la distribution tourne au désavantage de Pierre, qui y laisse beaucoup d’argent.

Il effectue ensuite un « come-back » dans le commerce du cycle. Dans un premier temps, il s’associe avec Jean-Marie Michel, son ancien coéquipier à « La Redoute », mais cette association ne dure pas. Il a pourtant reçu l’appui de C. Jourdan (un autre ancien de « La Redoute ») qui a commencé dans le cycle et qui souhaite ouvrir un magasin sur Bordeaux.

Nous l’avons connu - comme beaucoup d’autres « cyclosportifs » - dans cet autre magasin situé  sur le parking du « Géant Casino » au Pont-de-la-Maye. C’est là qu’il nous a raconté cette séquence douloureuse de son existence, pendant laquelle lui est venue la « haine du vélo » voire du « milieu cycliste », où, ayant « passé 25 ans sans faire de sport », il a frôlé les 100 kilos … Puis, on l’a revu dans les pelotons de « cyclosportifs » faisant pas mal d’envieux, qui « bavaient des ronds de frite » devant sa fréquence de pédalage. Comme lui avait dit Lucien Van Impe, son premier leader chez « Lejeune » : « Allez Pierre ! tu viens, on va faire un petit peu de « moulinette » …

Pierre Bazzo a conservé des liens de solide amitié avec Christian Jourdan,  Jacques Michaud, Yvon Ledanois. Il aimerait (comme bien d’autres) revoir son copain d’entraînement, puis son masseur, Francis Campaner avec qui, un temps, il dirigea l’équipe « Fagor ». Pierre évoque aussi « le bon temps » du CC Saint-Médard  et ses coéquipiers Didier Lubiato et Patrick Garmendia…

Lui, qui a traversé « le champ des étoiles » ne vous dira pas qu’il a de la sympathie pour son contemporain B. Hinault et, d’Eddy Merckx, il dira qu’il est « inapprochable », mais il faut le voir mimer ce qu’il ressent à l’égard de Miguel Indurain, où le respect se mêle à la chaleur humaine.

L’ultime reconversion a été dans le statut et le rôle de « Monsieur Vélo », que le maire de Saint-Médard, M. Lamaison, a confié pendant dix ans à P. Bazzo. Ce qui consistait à enseigner aux enfants des écoles et, parfois, à certaines classes de collège, la conduite de l’engin, les règles et les contraintes de la circulation et les tours de main de la réparation.

Aujourd’hui, jeune retraité, Pierre vit sereinement cette nouvelle étape en compagnie de Micheline dans leur maison du Haillan. Malgré son côté jovial, on sent cependant chez Pierre un réel souci pour sa fille, Emilie, qui est aide-soigante dans le grand hôpital bordelais et qui souhaiterait pouvoir travailler sur Libourne, où elle réside avec le père de ses deux garçons, Lorenzo et Diego, que papi et mamie gardent les jours du début de la semaine. 



03/06/2015
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